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Reviewed by:
  • Le premier venu. Poétique du passant
  • Pascal Riendeau (bio)
Pierre Ouellet, Le premier venu. Poétique du passant Montréal, Éditions du Noroît, coll. Chemins de traverse, 159 p.

Qualifié par l'auteur de « recueil d'évanouissements », Le premier venu est un essai sur la poésie, le poétique, le poème et le poète. Il s'exerce de façon libre, met de l'avant une pensée riche mais vagabonde, savante mais lyrique. Les oppositions binaires auxquelles nous sommes habitués sont constamment déjouées ; les contradictions, elles, revendiquées, repensées, confondues. Divisé en quatre grandes sections, précédées d'une brève présentation et suivies d'une « conclusion » qui s'interdit de mettre un point final aux idées proposées, Le premier venu est, dans l'ensemble, un essai d'une grande cohésion. Ce qui frappe avant tout dans cet ouvrage, c'est la virtuosité de Ouellet ; Le premier venu est l'œuvre d'un véritable écrivain dont la langue et le style s'avèrent d'une remarquable richesse — parfois, il est vrai, à la limite de la complaisance. On apprend très tôt, dès l'incipit, la clé de l'entreprise de Ouellet : « Nécessité du poème. Nécessité de la pensée du poème. La parole finit par se retourner sur elle-même pour se demander ce qu'elle est. La parole finit par se retourner contre elle-même pour échapper à ce qu'elle serait ». Ainsi, le ton est donné d'emblée, la démarche aussi : la parole de l'essayiste se retournera sur elle-même, s'affrontera, se reprendra, toujours à l'affût de l'expression la plus juste, du mot le plus précis, de la métaphore la plus complexe pour dire la poésie, le poétique.

Qu'est-ce que la poésie ? Ouellet répondra à la question mais, bien entendu, sans proposer de définition immuable. Il préfère offrir des dizaines de propositions, ce qui l'empêche d'enfermer la pensée, de limiter le sens de la poésie. Un seul exemple : « La poésie ? la pensée en bouton, toujours sur le point d'éclore [...] ». Sorti de son contexte, un tel morceau paraîtra incomplet, insatisfaisant ; c'est que le texte de Ouellet s'inscrit dans une poétique de la reprise, de la reformulation, chacune ajoutant un autre sens à la précédente. Dans cette réflexion sur la poésie, on n'entre toutefois pas — ou alors très rarement — au cœur des poèmes eux-mêmes. L'argumentation est plus souple que soutenue, jamais très appuyée ; tout est proposé, suggéré, évoqué. L'essayiste prend volontiers la position du passant, celle à laquelle renvoie le sous-titre de l'ouvrage. Le passant regarde, s'arrête, et repart plutôt que de s'installer confortablement. Le premier venu serait donc celui qui glisse et qui revient, inlassablement, sur son désir de dire la poésie. Comment penser le poème ? Ouellet suggère d'abord de « l'outrepenser », d'aller au delà de l'idée reçue, de la pensée connue du poème. C'est ainsi que l'essayiste suggère notamment de ne pas « s'engager dans le monde mais [de] dégager le monde de soi. Pour qu'il respire, libre de nous, dans l'air qu'il fait, expire, inspire ». L'auteur multiplie les formules qui cherchent non pas tant à bouleverser notre façon [End Page 147] de voir qu'à provoquer un léger décalage, nous forçant ainsi à sortir de ce qui est trop convenu.

La deuxième section est d'abord consacrée au désarroi qui, d'après Ouellet, « défie toute analyse, car il est depuis toujours une écriture, même muette, amuïe, mutique [...]. Écrire le désarroi, ajoute-t-il plus loin, c'est entendre le bruit de cette chute dans chaque mot et chaque phrase qu'on couche sur le papier, c'est en sentir le mouvement dans la moindre...

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