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University of Toronto Quarterly 74.1 (2004/2005) 24-47



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Nouvelle

Les esthétiques les plus diverses se cotoient dans le corpus nouvellistique de l'année 2003 : du réalisme souvent noir, un peu de fantastique et de science-fiction (SF) et même des formes de merveilleux ou de mirabilisme, du terroir ici et là, quelques textes qui renouent de manière souvent étrange avec une certaine histoire du pays, etc. Les thématiques sont elles aussi très variées, la tendance la plus lourde me semblant tourner autour des rapports hommes-femmes, modélisés forcément (mais la question demeure ouverte, je l'avoue) selon que l'écriture est le fait d'une femme ou d'un homme. Pour que l'on puisse juger, jauger ces postures de manière différentielle, certains textes étant plus traditionnels, d'autres plus revendicateurs et « libres » de forme, j'ai opté cette année pour la division générique (dans le sens sexuel de gender), sans nécessairement vouloir apporter de réponse à cette question fort complexe.

Voix Féminines

Lise Gauvin se passe de présentation, elle qui publie depuis 1970 essais, ouvrages collectifs et autres écrits divers. Avec son deuxième recueil de nouvelles, Arrêts sur image (L'instant même), douze ans après Fugitives (Boréal, 1991), Lise Gauvin s'affirme encore comme une nouvellière de premier plan. L'écriture de chacune des quinze nouvelles se fait toujours aussi précise, fine, attentive aux détails qui importent, comme chez tout bon nouvellier. Des délices de concision qui narrent toutefois rarement le bonheur, mais où l'humour à l'occasion est loin d'être absent. La nouvelle la plus drôle est sans doute « L'AED », splendide satire de la mise en place d'une association d'écrivains discrets (l'AED), qui veulent se faire connaître sur la scène internationale... Belle discrétion ! Le texte décrit la première réunion de fondation, dans un café, et rend compte des délibérations tatillonnes où la langue de bois le dispute au ridicule. Sur un tout autre ton, [End Page 24] « Femme cherche homme » ne manque pas de piquant non plus. Ce récit illustre les déboires d'une femme à la recherche d'un homme, mais ce n'est pas tant l'homme parfait qui l'obsède que la rédaction de la parfaite petite annonce classée dans la rubrique « Femme cherche homme ». Elle se livre même à des réflexions qui vont jusqu'à traiter de la chose en terme de genre littéraire (p. 25-26). Cela nous rappelle d'ailleurs une des préoccupations de Gauvin, à savoir l'écriture, l'engagement dans et par l'écriture (je pense à ses ouvrages qui, de Parti pris littéraire (1975) aux Langues du roman (1999), jalonnent sa carrière). La nouvelle donne un autre relief à cette problématique. Celle qu'elle offre en guise d'ouverture, « L'anniversaire », aborde la question de front. Une femme raconte ce qui se passe dans sa vie. Elle semble faire une dépression et est traitée en psychiatrie, mais pour elle c'est une très grande fatigue qu'elle ressent : elle en a assez de s'occuper des deux enfants et de la maison. Pour s'aider, elle imagine des histoires où des animaux jouent de beaux rôles étranges. Le problème, c'est qu'elle aime raconter ses histoires et qu'elle affole ce mari, car elle raconte dans le désordre, commençant parfois par la fin. Au bout du compte, elle choisit de se taire. De manière éloquente, la dernière nouvelle, « Square Saint-Louis », agit comme comme en écho à cette nouvelle de tête, conférant ainsi au recueil un sens particulier, par le truchement de cette femme qui laisse tout derrière elle...

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