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  • J’ai tant de sujets de désespoir. Correspondance 1878–1924
  • Nicole Côté (bio)
Laure Conan, J’ai tant de sujets de désespoir. Correspondance 1878–1924. Recueillie et annotée par Jean-Noël Dion. Préface de Manon Brunet Montréal, Les Éditions Varia, coll. Documents et biographies, 2002, 480 p.

L'introduction de ce volumineux recueil donne le contexte de la recherche minutieuse qui a mené à la publication de la correspondance de Laure [End Page 110] Conan et un peu de celle la concernant de près ou de loin. Cette correspondance n'était de toute évidence pas destinée à être publiée. Le but avoué de la publication de ces lettres, qui discutent très peu de littérature, est de faciliter la recherche des critiques et des biographes. Jean-Noël Dion affirme que les lettres seront utiles autant pour révéler la vie intime de la romancière que pour évaluer « les comportements du milieu littéraire encore plus ou moins organisé à l'époque » (Introduction). Mais il mentionne aussi que Conan reste très discrète quant à sa vie intime. De fait, ses lettres révèlent une écrivaine monarchiste, ultramontaine, indissociablement liée au clergé, obsédée par le pouvoir temporel et spirituel. Elles offrent, typiquement, un curieux mélange d'humilité et d'insistance, comme si Conan était assurée de son droit, mais se voyait dans l'obligation de respecter les conventions. Mais Conan mobilise également les pouvoirs spirituels et temporels pour l'obtention de sommes ou de permissions nécessaires à la publication de ses manuscrits. J'ajouterais à sa défense qu'il faut un ego bien fort et un réseau de connaissances tout aussi développé pour continuer une œuvre au féminin dans l'establishment étroit, catholique et mâle de cette époque. Une chose ne semble pas avoir changé : le nécessaire battage publicitaire préparant la réception d'une œuvre. Témoin, Louis Fréchette à l'abbé Henri-Raymond Casgrain, en fin de lettre : « Quand dois-je écrire à Brousseau au sujet d'Angéline de Montbrun ? » Laure Conan me semble très moderne en ce que, consciente de la valeur de ses écrits, elle cherche à les faire valoir de toutes les manières possibles : en les faisant publier en feuilletons dans différentes revues, en offrant son dernier roman comme prix de fin d'année dans les écoles, en soumettant L'Oublié à l'Académie française par le biais d'une connaissance, titre qui sera couronné et qui lui obtiendra 500FF.

À la fin, on a la nette impression que son œuvre n'aurait pas vu le jour, encore moins résisté à l'épreuve du temps, n'eût été l'entêtement de Conan à la promouvoir en écrivant à tous les haut placés.

Conan essuiera néanmoins de nombreux déboires, financiers et autres, en raison probablement du peu de crédit qu'on accorde aux écrivaines à l'époque. Ainsi, la longue et pénible correspondance de Laure Conan pour obtenir de l'abbé Casgrain qu'il supprime les éléments qui se réfèrent personnellement à elle dans son introduction à Angéline de Montbrun. En effet, Conan est on ne peut plus secrète sur sa vie personnelle. Mais elle se révèle tout de même par le biais de ces lettres pourtant presque toutes écrites dans le but de convaincre. Dans sa prolifique correspondance avec sœur Catherine-Aurélie-du-Précieux-Sang, on découvre une Laure Conan crédule, qui demande à la sœur supérieure fondatrice de l'ordre, tour à tour, de prier pour qu'elle gagne à la loterie, d'intercéder auprès de Notre-Seigneur pour que ses livres connaissent du succès, pour que son frère Charles cesse de souffrir de neurasthénie, ou encore de lui révéler si sa mère décédée a déjà atteint le paradis. « J'ai des espérances que je vous prie [End Page 111] de changer en réalité », résume-t-elle simplement et joliment. Cette sœur elle-même para...

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