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Reviewed by:
  • Dany Laferrière. La dérive américaine
  • Corinne Beauquis (bio)
Ursula Mathis-Moser, Dany Laferrière. La dérive américaine Montréal, VLB éditeur, 341 p., 26,95$

En 2001, Dany Laferrière publie au Québec un recueil autobiographique, Je suis fatigué, qui marque d'un point final sa carrière d'écrivain. Il y retrace sous forme d'instantanés littéraires, « sans chronologie ni logique » (expression empruntée à Régine Robin dans La Québécoite), les étapes de son cheminement d'homme et d'écrivain. Il se souvient : « Quand j'ai publié mon premier livre [...], la critique avait signalé que ce roman était l'un des rares parmi ceux des écrivains immigrants à porter un regard neuf sur le Québec » (Je suis fatigué). Toutefois, dans la préface à l'édition québécoise, Jacques Lanctôt remarque qu'aucune étude exhaustive universitaire n'a encore [End Page 130] été consacrée à l'œuvre de son protégé et il regrette, pour l'auteur, la « non-reconnaissance par ses pairs d'ici ». On ne s'étonnera donc pas si la première monographie sur l'œuvre de Laferrière est le fait d'une universitaire autrichienne, philologue de formation, Ursula Mathis-Moser, directrice du centre d'études canadiennes et du centre de la chanson québécoise de l'Université d'Innsbruck. Cette étude, achevée alors que Laferrière a déjà annoncé avoir terminé son projet d'écriture, est publiée par un éditeur québécois au moment opportun où l'auteur décide de revenir s'installer à Montréal, après douze années passées à Miami (un projet que l'universitaire ignorait encore au moment de la rédaction de sa monographie).

Mathis-Moser offre une introduction détaillée à l'œuvre de Dany Laferrière et met en relief deux axes d'étude. Le premier, l'importance du contexte biographique dans le processus de création, contribue à dégager un volet de la poétique de l'œuvre. Les caractéristiques de cette poétique sont ensuite complétées, dans un second volet, par les « configurations textuelles » qu'une lecture « interne » de l'œuvre permet d'éclaircir. Comme l'annonce le titre, c'est le concept de « dérive » qui sous-tend l'analyse organisée en trois parties : « Essai d'une approche biographique », « Essai d'une poétique implicite », et « Configurations textuelles ». Cette dernière partie se divise en trois sections : « Dérive des lieux », « Dérive du temps » et finalement « Promenades frontalières et transgression », mais le manque de clarté de la table des matières présente ces trois dernières sections comme des parties indépendantes.

Dans la première partie, Mathis-Moser souligne le flou qui caractérise la biographie de Laferrière. Pour tenter d'éclaircir « le décor », elle mêle des citations tirées d'articles journalistiques ou savants, de récits autobiographiques, de courriels envoyés par Laferrière, ainsi que des citations de ses romans. Une telle démarche pourrait sembler paradoxale, mais elle révèle en fait les liens unissant Laferrière à son œuvre. Si l'analyse de Mathis-Moser permet de dégager la nature de ses liens, elle montre également qu'il n'est pas aisé de délimiter les frontières identitaires entre l'homme et l'écrivain, entre l'écrivain et ses personnages, ni celles qui leur sont corollaires : les frontières entre les lieux investis, qu'ils soient géographiques, littéraires ou génériques. En outre, le cadre temporel est aussi labile que tous les autres éléments constitutifs de ce que Laferrière appelle son « autobiographie américaine ». Néanmoins, Mathis-Moser conclut qu'à l'image de son auteur, ce projet littéraire est déterritorialisé et universel.

Pourtant, des prétentions à l'universalité ne suffisent pas à définir un projet littéraire et l'universitaire qui en a conscience entreprend, dans une deuxième partie, de répondre à trois questions empruntées à Laferrière dans Cette grenade dans la main du jeune Nègre est-elle une arme ou un fruit ? « Pourquoi écrire ? », « Comment écrire...

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