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souligne justementJean Houpert, ie Quebec n'est pas ne 'soudainement, a partir de rien, en 1960 ou environ.' Temoin attentif de son epoque, Harvey s'impose aia fois comme ecrivain engage et intellectuei en butte aux attaques vioientes des maitres a penser de i'heure. A ce titre, l'ouvrage de madame Savard-Bouianger se presente comme une sorte de miroir de ia vie cuiturelle quebecoise d'avant 1960. Cet echange de iettres entre i'auteur des Demi-civilises et ses correspondants etrangers est en effetun peu l'histoire de i'intellectuei quebecois. Teis ses contemporains, Olivar Asselin, Louis Dantin ou Fran<;ois Hertei, Harvey a per<;u ies besoins de changement de sa societe atravers ies courants de pensees et ies conflits sociaux et politiques qui ont non seuiement secoue ie monde occidentai entre les annees 1930 et 1960, mais aussi ie Canada et de fa<;on particuliere Ie Quebec. Quant aux correspondants de Harvey, i1s sont aussi varies que nombreux. Citons, parmi les plus importants correpondants europeens: Louis Gillet, critique litteraire de [,Echo de Paris; Jean A1loucherie, journaliste au service de divers journaux pendant les annees trente; Jules Romains et Andre Maurois, qui sejournent quelque temps au Quebec lors de ia guerre 39-45. Plus nombreux, les correspondants americains proviennent surtout des milieux de la politique et des affaires; retenons parmi les principaux: Curtie Hitchcock, editeur (New York), W.A. Larner Jr de l"Union House' (New York), John Marshall de la 'Rockefeller Foundation: M.-M. Mendels, secretaire de l" International Bank for Reconstruction and Development' (Washington) et Edmund Wilson, journaliste et essayiste (New York). Cette publication enrichit nos connaissances sur Jean-Charles Harvey et son temps. Grace a I'experience de son editeur, Sylvianne SavardBoulangerreussit aorganiser une documentation epistolaire qui presentait au point de depart beaucoup de difficultes. Exploitant habilement ses sources, elle les complete au besoin par des recherches personnelles. Certes, cette Correspondanee etrangere n'est pas complete, et I'auteur n'a pas cru bon de pousser sa quete des sources au-dela du fonds d'archives dont elle avait acces. En ce sens, Ie critique averti restera sans doute un peu sur sa faim. nlui faudra cependantadmettre que cette edition critique est, sauf erreur, la premiere du genre aparaitre sur la correspondance d'un journaliste quebecois. (GUILDO ROUSSEAU) Henri Tranquille. Des lettres sur nos lettres Bergeron '984. '47 Gerald Gaudet. Voix d'ecrivain, QuebedAmerique. 293. $14·95 Les lettres dont iI s'agit dans Ie premier volume ont ete ecrites entre Ie 30 novembre '947 et Ie 8 decembre 1948 par ie libraire-editeur Henri HUMANITIES 211 Tranquille Ii son ami Jean-Jules Richard qui sejournait alors en Colombie Britannique. Henri Tranquille est, certes, un epistolier prolifique puisqu'en un an, il a ecritIi un seul correspondantde quoi remplir un volume. Les lettres sont precedees de quelques pages d'introduction, d'ailleurs fort interessantes, ou Tranquille presente Jean-Jules Richard. L'ouvrage a comme sous-titre 'ecrivains-editeurs-critiques-libraireslecteurs : c'est-li-dire Ie parcours que suit un livre pour arriver Ii destination. Mais c'est surtout des editeurs et aussi des critiques et des libraires qu'il s'agit ici. 'Un livre-choc sur Ie domaine de I'edition: dit d'ailleurs la couverture. Et il est vrai que les lettres nous revelent les dessous, pas toujours tres propres, de ce domaine, somme toute peu connu du grand public. Tranquille, qui s'occupait des affaires de Richard durant l'absence de celui-ci, s'avere un defenseur zele des interets du romancier dont Ie premier ouvrage, Neuf jours de haine, venait d'etre accepte par Robert Charbonneau Ii L'Arbre. Dans plusieurs lettres, I'epistolier met sur Ie tapis la question des droits d'auteur. navertit Richard qu'il aura du mal Ii se les faire verser. L'Arbre a mauvaise reputation dans ce domaine et Tranquille entrevoit meme la possibilite d'une faillite. Selon lui, Rex Desmarchais n'aurait jamais touche un sou pour La Chesnaie, ni meme Lemelin pour Au pied dela pente douce, du moins Ii I'epoque OU Tranquille correspond avec Richard. 11 a decouvert certaines manigances de L'Arbre qui vend des ouvrages Ii prix reduit avant meme leur parution et qui a fonde une annexe ou sont ecoulees Ii rabais les nouvelles editions - ce qui ne fait I'affaire ni des auteurs ni des libraires. Tranquille est un veritable chien de garde, un limier qui protege les interets du romancier mieux que celui-ci ne pourrait Ie faire lui-meme. Le 'feal ami,' comme il signe une de ses lettres, prend mille precautions pour que les multiples curieux ne puissent decouvrir ou se trouve Richard. Le fait qu'il sejourne en Colombie Britannique pourrait nuire Ii la vente de son livre. Tranquille corrige les epreuves de Neuf jours de haine car il tient Ii voir paraitre 'un ouvrage emonde de ses coquilles.' Boileau moderne, il reproche d'ailleurs Ii Richard des barbarismes, des negligences - mais toujours avec un tact infini. II se demene pour que la parution du roman soit annoncee dans les journaux, ecrit lui-meme un article elogieux (trop elogieux, peut-etre) et s'arrange pour que ses relations padent du roman dans leurs chroniques. Iei, on voit que les soi-disantcomptes rendus ne sont souvent, helas! qU'un echange de bons procedes. Lorsque Ie livre est enfin en librairie, la tache du 'feal ami' n'est pas terrninee. 11 conseille ses clients, les encourage Ii lire les meilleures parutions, en particulier, bien sur, Neuf jours de haine. Le livre de Tranquille presente un interet certain pour les futurs auteurs Ii la recherche d'un editeur. Les choses ont change, sans doute, depuis 1947, mais Des lettres sur nos lettres constitue tout de meme une mise en garde. Toutefois, Ie volume comporte de multiples details fastidieux pour la majorite des lecteurs ii qui il importe peu de savoir oil. Richard a serre Ie contrat qu'il a signe avec L'Arbre, ou encore si Ie frere du romancier saura prendre soin de l'appareil photographique de ce dernier. D'un autre cote, les amateurs de potins trouveront de quoi les contenter: certaines personnalites litteraires et joumalistiques des annees 40 sont presentees sous un jour qui ne leur est guere favorable. L'hypocrisie, voire la malhonnetete, regnent dans Ie milieu de l'edition. Quant aux auteurs, ils ne valent guere rnieux que les editeurs. Charles Hamel, dont il est souvent question parce qu'il ecrivait un livre en collaboration avec Richard, a une langue de vipere, Rex Desmarchais est un timore, Berthelot Brunet un ivrogne dont il faut se mefier. nest vrai que dans une note au debut de son livre Henri Tranquille declare que ses jugements 'bien que sinceres [lui] apparaissent aujourd'hui cruels et parfois injustes ou excessifs.' n ajoute que la mort de Charles Hamel en 1961 lui 'causa la peine litteraire la plus profonde.' n n'en reste pas moins vrai que la plupart des personnalites mentionnees dans I'ouvrage ne sontguere attrayantes. QuantiiJean-Jules Richard, nous ne Ie connaissons pas mieux lorsque nous refermons Ie livre. Les quelques pages de presentation nous revelent mieux son caradere que tout Ie reste du volume. Quel dommageque Henri Tranquille n'ait pas pu (ou n'ait pas voulu) inclure quelques-unes des reponses du rO!Ilancier! n n'en demeure pas moins que, pour ceux qui s'inhhessent ilia petite histoire litteraire des annees 40, Des leltres sur nos leltres contient de nombreuses pages interessantes. D'autre part, pour Ie lecteur qui ne voit Ie plus souvent que Ie produit fini et ignore l'aspect monetaire, parfois sordide, qui accompagne l'edition d'un livre, l'ouvrage de Tranquille pourrait etre une revelation. Encore faut-il que ce lecteur ait la patience de lire force paragraphes qui n'ont rien de passionnant. L'epistolier a tenu ii reproduire les lettres 'telles qu'elles furent ecrites afin de conserver leur authenticite.' Peut-etre est-ce Iii son tort. Dans Ie livre de Gaudet, ce sont les auteurs qui ont la parole. 'Voix d'ecrivains'! C'est Iii un titre bien choisi pour ce volume oil. Gerald Gaudet interroge vingt-cinq auteurs, 'poetes, romanciers, dramaturges, essayistes , critiques, journalistes litteraires.' Entretiens, dit Ie sous-titre, mais il s'agit moins d'entretiens que de monologues, semblant emaner du plus profond de l'etre. Gaudet se contente de lancer l'interlocuteur sur une piste et de Ie laisser parler, ne l'interrompant que pour Ie lancer sur une nouvelle piste, faisant, ii I'occasion, Ie lien entre les remarques de l'ecrivain et son oeuvre, soit en la citant, soit en en commentant des passages appropries. Gerald Gaudet a rencontre les auteurs 'entre deux livres: ii un moment oil. ils prenaient Ie temps de ref!echir sur Ie mystere de la vie et de la creation. Ainsi, malgre la diversite des genres, des styles, des tendances, HUMANITIES 213 les ecrivainsse posentles memes questions etarrivent souventaux memes reponses. Ecrire c'est tenter d'interpreter Ie mystere de la vie, disent la plupart d'entre eux. C'est Louis Caron qui donne l'image la plus frappante du rille de l'ecrivain. Comme Ie petit narrateur, dans L'Emmitoufle, s'avance sur Ie rebord du toit de la veranda pour ecouter son pere raconter I'histoire de Nazaire, Ie romancier ou Ie poete doit s'avancer Ie plus loin possible sur Ie bord du toit pour interpreter Ie mystere (34-5)' Pour Alphonse Piche, 'etre homme, c'est chercher: et la poesie serait la rencontre de deux mysteres: 'Ie mystere de la nature penetrant Ie mystere de l'homme' (p 167). 'L'ecriture est une exploration ... une conquete de la connaissance et de la lucidite: declare Nicole Brossard (p 217). 'Ecrire me facilite la vie en ordonnant Ie chaos: dit encore Georges-Olivier Chiiteaureynaud , eti! ajoute que peuH!tre 'it faut mal voir Ie monde etfaire Ie recit de ce que I'on voit mal pour Ie voir, Ie retablir' (pp 1')8, 200). Andre Major va plus loin encore. Pour lui, l'ecriture donne a l'auteur l'occasion de revivre de fa~on parfaite ce qu'i! n'a pu vivre qu'imparfaitemen!. ElIe lui perrnet d'evoluer, de se defaire de ses prejuges, de corriger certaines attitudes injustifiables (p 160). Car l'ecriture 'est une perpetuelle enquete' que l'homme mene sur Ie monde, bien sur, mais aussi surlui-meme (p 160). On ecritpour 'en arriver it transformer en lumiere ce qui etait ombre: commeIe ditJocelyne Felx. Et n'est-ce pas souvent l'etre intime qui est enfoui dans l'ombre la plus epaisse? Ecrire pour connaitre et pour se connaitre. Les femmes surtout partent it la recherche de leur moi profond. 'Les mots nous mettent au monde: declare Helene Ouvrard (p 95). Gabrielle Poulin tente de 'redecouvrir ses multiples visages' (p 133), tandis que, pour FIQra Groult, 'ecrire c'est etre a la recherche du soi perdu' (p 113), plonger au fond de son etre pour se comprendre et comprendre son semblable. Car alIer ala rencontre de soi, c'est egalement aller vers l'autre, l'aider lui aussi, a percer son propre mystere. Gabrielle Poulin imagine Ie lecteur dont I'ombre se substituera a celIe qu'elle projette en ecrivan!. Alors: 'L'ombre projetee sur la page dissirnule ou fait apparaltre des secrets, des mysteres qui ne sont plus ceux du romancier' (p 137). Ecrire, c'est aussi un moyen de lutter contre la mort. C'est ce qu'affirment Genevieve Amyot et Gabrielle Poulin. Negovan Rajic va jusqu'll comparer la faucheuse aun mecene parce qu'elIe pousse l'artiste, conscient de la brievete de la vie, II se depecher de creer (p 180). L'ecriture permet aussi de venger des disparus. Alphonse Piche a dedie Dernier Profil it sa mere pour la 'liberer' de la decheance de ses derniers jours (p 166). Et Negovan Rajic voit dans l'ecriture un moyen de payer sa dette envers des camarades massacres dans des guerres absurdes alors que lui etait epargne. S'it est souvent question de lutte et de mort dans les Entretiens, it yest aussi souvent question d'amour. Jean Royer est tellement amoureux qu'i1 n'ecrit plus de poemes d'amour. Le poete est un ~tre tendre qui aime la vie ensecret, avecprecaution, commelafemme amoureuseoulajeunemere (p 23). Louis Caron dit 'eprouver envers ses contemporains' (que, par ailleurs, il juge severement) 'une chaleur et une sympathie ... qui ... sont presque maladives' (p 33). Pour Rejean Bonenfant, 'il n'y a d'ecriture qu'amoureuse,' 'on ecrit pouri!tre aime, pour que les gens sachent qu'on les aime' (p 83); pour Marie Cardinal, raconter, 'C'est aimer. C'est se faire aimer ". C'est un acte amoureux' (p 106), tandis qu'a Madeleine Ouellette-Michalska, Ie roman procure un plaisir extraordinaire, 'des moments de fuSion soit avec des personnages, soit avec des lieux, soit avec des situations qui ressemblent fort ala rencontre amoureuse' (p 41). Et si l'ecriture de Marie-Claire Blais est 'un acte denonciateur,' n'est-ce pas aussi un acte d'amour puisqu'elle 5'attaque ace qui menace la vie de tout etre fragile, et que 'nous sommes tous des etres fragiles' (p 64)? L'ecriture console de la condition humaine. Madeleine OuelletteMichalska ecrit 'pour combler un manque.' Parler de la jouissance la rend plus intense; dire la douleur la rend moins cruelle (p 43). Rejean Bonenfant ecrit pour se consoler de n'avoir qu'une seule vie ou qu'un seul corps (p 86), Genevieve Amyot'pour rendre la vie possible malgre tout' (p 54), tandis qu' Elise Turcotte'ecrit toujours pour perdre quelque chose' (p 277). Pour Anne-Marie Alonzo, c'est une fa~on de revivre des sensations qui lui sont desormais interdites, de 'reprendre la vie comme si elle [lui) etait contee' (p 75). Dans l'entretien de Gaudet avec Jean Royer, Ie poete-journaliste parle de la fa~on dont il procede lorsqu'il rencontre des ecrivains: Quand its se racontent, je les ecoute. Ie suis Ie temoin silencieux. j'ecris ce que je vois.... Celui ou celie que j'ai devant moidoit arriver ala confidence, se raconter asoi autant qu'a moi, dans une intimite que j'aurai su creer, en toute connaissancede son ceuvre. Ce n'est pas Ie livre que j'interroge, c'est l'hurnain. Je pose la question du moteur de l'ecriture, de la source et de la genese de l'reuvre pour la reponse de l'humain. (P 20) En lisant Voix d'ecrivains, on a !'impression que Gerald Gaudet a pris Jean Royer comme modele car, comme Royer, il reussit a creer des 'portrait[s) durable[s) qui [vont) plus loin que l'anecdote.' Ajoutons que la presentation de I'ouvrage est digne de son contenu: l'impression est claire, la couverture illustree d'une attrayante reproduction d'une peinture de Manet et chaque entretien precede d'une photo ou transparait la personnalite de I'auteur. Somme toute, un beau livre qui nous permetde passerquelques heures dans l'intimite des ecrivains. (P. COLLET) ...

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