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20 LEITERS IN CANADA 1980 Romans PAUL-ANDRE BOURQUE Un regard, meme furtif, jete sur la bibliographie du roman de l'annee 1980 revele immediatement quelques faits qui etonnent. Premiere constatation , une certaine maigreur de la creation, compte tenu de la production, de la quantite de romans mis en circulation sur Ie marche par les editeurs quebecois. Des quelque cent quatre-vingts titres mis en marche cette annee, plus d'une soixantaine sont des reeditions, soit une proportion de plus de 33 pour cent. On peut s'interroger sur les mobiles profonds des , editeurs quand on considere les masses monetaires servant areediter des ouvrages dont souvent on pourrait se passer, sommes d'argent qui n'ont pas He investies dans I'edition d'ceuvres nouvelles. Si certains editeurs y voient des marges de profit plus securitaires, d'autres editeurs ont vraiment comme intention premiere de remettre en circulation des ceuvres importantes devenues introuvables. C'est ace genre de travail que se livre la maison Fides en nous donnant cette annee deux Leo-Paul Desrosiers, us Engages du Grand-Portage et Nord-Sud, ou encore Ie Marie-Didace de Germaine Guevremont. On pourra encore egalemenl se rejouir de trouver en reeditions formal poche des titres majeurs de Marie-Claire Blais ou Gabrielle Roy ou quelque autre 'classique' de la litterature quebecoise, mais bon nombre des reeditions imprimees celte annee ne me sonl souvent apparues que comme de purs effets de commerce. D'autre part, un second regard porle ala bibliographie me rappelle un trop grand nombre d'heures consacrees, par metier, it lire une somme considerable de romans insipides qui, souvenl, refuses lorsque presentes it de grandes et bonnes maisons d'edition, ont quand meme trouve Ie chemin de la librairie ou de l'etalage du marchand de journaux par Ie biais de la publication ii compte d'auteur ou encore parcelui de petites maisons d'edition doni les politiques ediloriales n'assureronl pas longtemps la survie (pas plus celie du livre que celie de la maison). Quarante titres it rejeler sans regrets. Sur une production lotale de cent quatre-vingts, c;a ne fait que 20 pour cent. On ne me dira donc pas trop severe. Mais, si I'on soustrait de ce nombre totalles soixante titres qui sont des reeditions, la proportion des rejels-sans-regrels s'eleve ii 33i pour cent. Aiors, la, je commence it me considerer moi-meme comme etant tres severe avec mes quaranle rejets-sans-regrets. Un livre sur trois. Quand je chercherai lout a l'heure ii etablir la lisle de 1a douzaine de livres qui m'ont captive au cours de celte annee, je constalerai loutefois que je n'aurai pas ell' aussi severe que les pourcentages pourraient me Ie laisser croire puisque mon enthousiasme pour chacun de ces douze titres n'aura pas ete aussi entier que je l'aurais apriori souhaite. Serait-ce cela la maigreur d'une annee de production romanesque? Autre constatation tiree d'une evaluation quantitative de la bibliographie du roman: seulement 30 pour cent de la production totale est signee au feminin, et si l'on decompte encore une fois les r<"editions, cette proportion s'abaisse a vingt-cinq pour cent, diminuant l'apport des auteures apres de la moitie de la production des meilleures annees de la derniere decennie. Comment expliquer cette baisse de la production romanesque chez les femmes? Essoufflement des romancieres? Indifference du marche aune litterature de femmes qui, pour paraphraser un titre de roman de Michel Beaulieu, aurait commencer i\ trop tourner en rond autour de soi? L'avenir nous repondra sans doute, et nous dira, je l'espere, de quels recommencements les auteures du Quebec sont capables! En attendant ces recommencements, mes meilleurs moments de lecture de romans au cours de l'annee 1980 ne l'auront pas moins pour autant ete sous Ie sceau de I'ecriture au feminin avec en tete de liste l'angoissant Le Sourd dans la ville de Marie-Claire Blais, Prix du Gouverneur general du Canada 1980 pour Ie roman, puis en compagnie du controverse Heloi'se d'Anne Hebert et du Double suspect de Madeleine Monette, Prix Robert Cliche 1980, et encore avec I'epoustouflant La Vie en prose de Yolande Villemaire ou Ie tout recent Bernadette Dupuis ou la mort apprivoisee de Huguette Le Blanc. Si mon penchant naturel pour les ecritures de femmes a trouve son compte avec les titres ci-haut mentionnes, la productione de plusieurs romanciers du Quebec a egalement contribue au plaisir du lecteur. On se souviendra pendant longtemps de I'annee 1980 comme etant celie ou Noel Audet a donne son premier recites) (sic), Quand la voile faseille, Jean-Paul Filion son Cap Tourmente, Fran~ois Hebert, Le Rendez-Vous, Fernand Ouellette, La Mort vive, Jean-Marie Poupart, Le Champion de cinq lIeures moins dix, et Michel Tremblay, Therese et Pierrette tl !'ecole des Saints-Anges. Mais quand la production romanesque d'une annee peut etre ramenee, reduite aune douzaine de titres, on peut parlerde maigreur. Ces douze romans-Iii meritent quand meme lecture et relecture. Meritent qu'on en parle. Avec Le Sourd dans la ville (Stanke, 214), Maire-Claire Blais donne I'un de ses meilleurs romans, sinon Ie plus acheve, Ie mieux ecrit. Renouant avec une thematique abordee deja dans ses toutes premieres ceuvres (Le Jour est noir, Les Voyageurs sacres), renouant egalement avec des procedes de narration utilises dans ses meilleurs ecrits (Ie stream of consciousness poursuivi par Ie soliloque et Ie monologue interieur - souvenons-nous a cetegard des Voyageurs sacres etdu plus recent Les Nuits de [,Underground), 22 LEITERS IN CANADA 1980 Blais trace ici encore un univers de contrastes ou Ie bien et Ie mal, comme la vie et la mort, 'entrelacent leurs tiges.' Proprietaire de I'Hotel des Voyageurs dans un quartier 'defavorise' d'une grande ville, Gloria, pour faire vivre une famille orpheline de pere, exhibe dans des bars 'Iouches' un corps sans gloire. L'un des fils, Mike, rappel de Jean-Le Maigre et de combien d'autres adolescents blaisiens, attend sa mort prochaine, sa mort absurde. Florence, qui a depuis peu pris pension itl'Hotel des Voyageurs apres avoir quitte mari, enfants, maison et mode de vie bourgeois, chemine, parallelement it Mike vers sa propre mort, celle qu'elle se donnera. Contre ces morts, contre la misere, contre l'absurde: la revolte. Celle rhee de la fuite en Californie de Gloria et Mike en moto. La pitie aussi, celle de Judith Lange. Celle aussi de l'artiste, de son ceuvre: ... tous les hommes sont seuls ... meme 5i la plupaet evitent la voie du suicide (Florence pensaitencore quIeIle n'etait pas camme ces buveurs d'absinthe, cette chair lamentable se prostituant chaque jour, elle ne ressemblait pas aGloria, mais eIle avait su que tout eela existait, Qui, dans les tableaux, Degas et LautTec n'avaient fait que peindre la vie, its avaient honare cette chair menacee de peric, ces visages, elle les avait vus, hier, et eIle comprenait pourquoi Lautrec avait accepte de se faiee desintoxiquer en c1inique, c'est qu/il s/etait epris de ces visages qu'H peignait, de cette meute ala derive ... je les rencontre tous dans la vie maintenant (pensait Florence) je ne pouvais imaginer cela, on oubHe que I'artiste peint avec ce que nous sommes aussi et que l'Imaginaire ou tout ce qu'on pOWTait qualifier d'invisible, parce que nos yeux sont aveugles ace que nous voyons tous les jours, est la, partout, dans Ie malheur, dansla s~cheresse, la froideur ou l'aridit~, cet imaginaire est une verite toute ~vidente que 1'0n ne peut plus fuir ... (Pp 106- 7) Sur deux cent dix pages serrees, Blais etale avec un rare brio, d'un seul souffle, la misere humaine, I'absurde de la condition humaine, Ie refus de ses personnages en un long monologue interieur sans ponctuation autre que celle des virgules qui permettent au lecteur de maintenir Ie rythme, Ie tempo de ce marathon interieur des personnages du Sourd dans la ville. Aucun essoufflement, aucun haletement de la part du lecteur ... Seul Ie revissement provoque par chaque enjambee, par la distance parcourue, par chaque inspiration, par chaque expiration. Parvenu au terme de la course, Ie lecteur-marathonien se sent pre! it refaire Ie parcours meme si en courant-lisant il a beaucoup souffert, davantage de la souffrance des personnages que de la sienne propre. Anne Hebertpublie relativement peu, mais chacun de seslivres marque Ie lecteur, HeloiSe (Seuil, 123) peut-etre un peu moins que ne l'avaient fait Kamouraska etlou Les Enfants du sabbat. C'est Ii se demander pourquoi. Une histoire simple, tres simple, trop simple peut-etre. Bernard est fiance it Christine. Ils vont bientot se marier. Us s'installent Ii Paris dans un ROMANS 23 appartement tout blanc, sepulcral, presque. (Sorte de rappel en blanc des chambres de bois au Michel voulait enfermer Catherine.) Meme si Christine refuse cet enfermement, refuse d'eprouver la fascination de la mort blanche qu'eprouve Bernard, celui-ci l'y contraindra jusqu'a ce qu'il rencontre, dans Ie metro de Paris, la femme fatale, toute en rouge et en nair, Heloise. Ilia suivra dans Paris jusqu'a ce qu'elle Ie conduise aupres de l'enigmatique Xavier Bottereau qui louera a Christine et Bernard un appartement plus sombre, plus charge de vie, de couleurs. SiChristine est ravie du nouveau mode de vie que leur procure ce nouvel logis, elle sentira rapidement que Bernard lui echappe, que Bernard est fascine par une nouvelle image de la mort, plus fantastique celle-Ia, celle 'vampirique ' qu'incarne HeJo"ise. Progressivement Ie recit quitte les voies du realisme pour entrer dans les spheres du fantastique jusqu'a l'hallucination de la scene finale, la ou, m'est-il apparu, plusieurs lecteurs ant 'decroche: Si on compare ce recit d'une grande sobriele, d'une grande economie de moyens a Kamouraska et a son ample mouvement ou se dechainent de grandes passions, au encore au demonisme des Enfants du Sabbat et a toutes ses zones grises, la trame de Hliloise pourra paraitre maigre voire meme forct~e, mais celaelantconstate, la puissance evocatrice du langage poetique apparaitra d'autant plus effieace. La Vie en prose de Yolande Villemaire (Les Herbes rouges, 262) a frappe Ie monde des lettres quebecoises comme un coup de fouet. nfaut dire que ce type d'ecriture detonne et delone dans Ie contexte traditionnel de nos lettres. Ce recit porte bien son titre. La vie fuse de toutes parts en rose comme en prose. 'II y a toujours une femme en rose dans Ie paysage de ce romancomme il y a toujours du rose depuis que fen ai entendu la chanson ..: (p 138). 'La vie en prose ... c'est l'univers du rose: entre Ie rouge de la revolution et Ie blancde la fete. Une sorte de tremblement entre Ie nair et Ie blanc, un lien dialectique entre la membrane curieuse qui accomplit la mission de son ADN et 5'obstine it ecrire son nom, se saisit de l'hemisphere du silence pour dissoudre' (p 98) Recit polymorphe qui court dans toutes les directions: embryon de roman policier plus ou moins erotique qui se situerait dans un Mexique reve ou la narratriee n'a jamais mis les pieds, pages de journal bourrees d'allusions aux films, aux chansons, aux livres qui I'ant marquee, multiples intrusions de la vie quotidienne dans Ie recit. Poemes. Lettres que la narratrice s'adresse a elle-meme parce que la paste ne livre pas une lettre a un personnage. Tout cela pour dire 'je je je. je je je: qui ecrit la vie pour mieux la vivre. Automatismes. Flat de la conscience. je je je dans la spirale du temps perdu dans la nuit des temps et pourtant ce n'est pas moi qui parle, c'est je je je un autre et je pourtant est une autre qui vole une phrase au continuum des calligraphies palimpsestes de ce qu'on appelle les choses de la vie par une sarte d'obscurcissement qui nous fait DubHer Ie d~cor 24 LETTERS IN CANADA 1980 de carton-pate et toute la profondeur des spheres subatomiques qui roulent sous nos peaux d'iguanes galapagos dans un instant de gen~se (P 171) Le ie est ici androgyne et multiple. Le je ecrivant est ala fois masculin et feminin. Masculin(?) peuHtre(?) probablement(?) certainement(!) dans I'aspect traditionnel du vouloir-ecrire, dans !'identification de la narratrice-ecrivante aux grands archetypes de I'ecriture. Sujetion et iconoclastie face aux modeles. Feminin(?) (!) quand jeje je vit en rose et en prose. Reve, delire, gueule, braille, rit, connait I'orgasme, mante. le est a la fois un et une autre. Cela ne fait pourtant qu'un et ce ie est encore pluriel(le). ll-elle est Nanne Yelle. Vava. Elisabeth Swann. Noe Vladimira Yelle. Blanche. Et combien d'autres. Le je de Villemaire est americain, europeen, mexicain. Punk. Rouge. Blanc. Et puis rose. Et puis vous. Et puis moi. La Vie en prose: un livre deroutant-envoutant. Neuf. Moderne. Authentique. A lire-ecrire absolument. II m'apparait important aussi de souligner I'entree en litterature d'une nouvelle voix, celie de Huguette Le Blanc qui, avec son Bernadette Dupuis ou la mort apprivoisee (Biocreux, 137) fait montre, a I'occasion d'une trame trop peu originale (deux vieillards, reclus sur leur ferme lointaine, refusent I'ordre gouvernemental de l'evacuer pour fins de reboisement, et entrent dans I'hospice pour s'enfermer dans la solitude, I'hiver et la mort) d'une qualite d'ecriture remarquable. La puissance evocatrice du style, I'economie de la phrase, la structuration sobre de I'anecdote laissent presager pour I'avenir d'reuvres de fort calibre. On ne saurait passer sous silence non plus Ie remarquable roman de Madeleine Monette Le Double suspect (Quinze, 241). Histoire d'ecriture que celle-ci ou Anne, se culpabilisant du suicide de son ex-mari, tente de trouver I'oubli dans des vacances italiennes. Elle y retrouve une arnie, Mona, qui quelques jours plus tard trouvera la mort dans des circonstances qui laissent penser qu'il pourrait encore s'agir d'un suicide. Anne entrera en possession des cahiers intimes de Mona. Elle tentera de les recrire au ie. Nous assistons ici au 'travail de sape qui fait d'une personne un personnage: ala decouverte de I'ecriture narcissique revelatrice du moi, par Ie decryptage d'un double (Mona) devenu suspect, done interroge. Aventure interieure fascinante dans un style alerte. La vie I italienne est ici toute maude et palpitante. Le poete Fernand Ouellette a lui aussi choisi I'Italie comme cadre principal de son roman La Mort vive (Quinze, 208). Les rapports c1ialectiques en presence ici ne sont plus ceux qu'etablissait une Madeleine Monette, mais ceux de la vie et de la mort, deja suggeres par Ie titre, de la matiere et de la lumiere, de la chair et de I'esprit. Jean, Ie principal protagoniste, ce 'saint de la peinture: est un de ces 'anges de sang' que nous propose depuis longtemps Fernand Ouellette. Artiste epris d'absolu, de spiritualite, il merche adire la lumiere, a'dire Ie monde dans sa dimension spirituelle' quand tout contribue a Ie petrifier. Partage entre la vie des corps (celle vecue avec Diane, la ieune comedienne qui survalorise Ie sien au detriment de la vie de son esprit, celle vecue avec Carmelle la nymphomane), et la vie de l'esprit(celle vecue avec ses amis artistes comme lui: Aimee la musicienne, Roger Ie peintre, Gilles Ie poete, Pierre Ie romancier et critique litteraire), Jean cherche la voie vers une mystique, accessible pretend-il, par I'expression de la lumiere pure sur une toile. Ce n'est toutefois qu'un pis aller ... !'ideal aurait He de vivre l'amour fou iusqu'au bout avec Viviane, seul personnage chez qui charnel et spirituel se soient equilibres. Proche a certains egards du Tunnel d'Ernesto Sabato, ce roman qui traduit de fa~on prenante certaines angoisses, certains enthousiasmes du createur, offre une vision trop romantique de l'art et de I'artiste et donne parfois dans Ie manierisme et Ie didactisme de l'historien d'art. Noel Audet, quant alui, avec son recit(s) Quand la voile faseille (HMH, 3'2, $11.95) donne dans la veine humoristique comme quelques-uns de ses collegues romanciers dont Jean-Marie Poupart (Le Champion de cinq heures mains dix), Fran~ois Hebert (Le Rendez-vous) et Bertrand B. Leblanc, dont on reeditait cette annee Horace au l'art de porter la redingote. Quand la voile faseille, I'un des tres beaux livres de I'annee par son originalite, son authenticite tant dans les 'beaux sentiments' que dans la grivoiserie, raconte en quatre parties I'histoire d'une famille gaspesienne sur trois generations, I'attention etant centree sur les aventures amoureuses et cocasses de Graziella Laure et Arsene, prindpaix tenants de la troisieme. Le chapitre intitule 'L'Arche de Noe' permettra au narrateur une touchante et remarquable apologie du pere, type de discours - suiet beaucoup trop rare dans nos lettres. Le livre se fermera sur 'Une simple histoire d'amour' OU Ie narrateur nous entraine dans un passe tres recent ou il parle de lui comme 'd'un autre qui dit ie.' Aventure amoureuse en quatre temps, c'est l'amour fou vecu dans sa fulgurance et son impossibilite , Ie narrateur se voyant dechire entre Alexandra, l'amante, la maitresse de n,ve, et Helene, l'epouse fidele, bonne, comprehensive et desesperee. 'Une simple histoire d'amour' eut pu constituer un livre a elleseule tant Ie suiet(meme banal) estcompletetcomplexe etesttraite par Audet avec une vigueur peu commune, avec un enthousiasme delirant et sur un ton lyrique qui confine au poetique. Quand Ia voilefaseille n'est donc pas un roman mais un redt(s), comme I'ectit l'auteur, hesitant entre Ie singulier et Ie plurie!, redt ou se melent, s'harmonisent les styles et les tonalites propres au memorialiste, au diariste, au conteur de meme que Ie ton parfois cynique de l'essayiste qui se regarde ecrire. Un livre prenant, palpitant, drille. Tout simplement merveilleux. Merveilleux aussi, d'une autre maniere, que Ie livre de Jean-Paul Filion, Cap Tourmente (Lemeac, 163). Troisieme volet d'une trilogie 26 LETTERS IN CANADA 1980 amorcee par Le Premier Cote du monde, poursuivie par Les Murs de Montreal, Cap Tourmente nous livre la vision du monde et de I'amour d'un homme parvenu II la maturite, alors que les deux premiers volets nous livraient les souvenirs d'enfance et d'adolescence, puis la vie du travail, de la competition entre hommes. Cap Tourmente est une longue lettre d'amour que Ie narrateur ecrit a sa femme OU il s'explique sur les valeurs fondamentales: la spiritualite, les enfants, la maison construite II deux, Ie vieillissement, la serenite, la foi en I'avenir. Un livre ouverl, debordant d'optimisme, d'un optimisme dont I'auteur sent Ie besoin de se defendre: ... essayer de parler de l'envers du vice et du malheur sans faire sourire n'est presque plus dans I'ordre des chases... (P 115) Un livre entier, authentique que I'on voudrait pouvoir ecrire soi-meme. Le Champion de cinq heures moins dix (Lemeac, 302) deJean-Marie Poupart est lui aussi un recit non-conventionnel, tenant du journal, non pas du journal personnel dans lequelle romancier aurait pu noter des idees a retenir pour la construction d'une intrigue ou I'elaboration d'un personnage , pas plus que du journal intime ou il aurait consigne ses etats d'ilme, ses sentiments, ses frustrations. Non. Le journal que Poupart nous propose est plutotune suite de faits divers, de re£lexions peripheriques au champ de I'ecriture, re£lexions narquoises lorsqu'elles ne sont pas tout simplement cyniques. Poupart utilise II bon eseient ce que I'on classe trop souvent comme des 'deehets du quotidien'; il fait en quelque sorte du reeyclage de papiers qu'il a froisses et jetes II la corbeille. Exemple, ee brouillon pour son epitaphe: 'Dans sa fa~on de vouloir etre drole atout prix, il faisait penser a ees mononcles ivres qui incarnent Ie pere Noel dans les parties de famille.' Cette feuille, ce brouillon aurait-il dO. demeurer ala poubelle? Quand 'on traduit du goguenard: comme Ie dit I'auteur apropos de son livre, il faut s'attendre a tout, aux perles, comme aux grains de sable. Ce livre a retenu mon attention parce qu'il m'aura fait rire II plusieurs pages, sourire a plusieurs autres et laisse froid a tres peu de moments. Le Rendez-vous (Quinze, 240) de Fran~ois Hebert m'aura interesse quant it lui justement par ce ton goguenard qu'il maintient presque tout au long du recit, par ses jeux de mots, son ironie, son cynisme, son pastichage du formalisme litteraire que d'aueuns auront considere, II tort, comme Ie nee plus ultra de la creation litteraire ces annees-ci. Hebert s'en moque ouverlement, pretextant ecrire une histoire it intrigue polieiere qui sombrera vite dans I'histoire d'amour un peu a l'eau de rose. Deux histoires banales et cousues de fils blancs qui it la fin se retrouveront, eomme par magie reliees, renouees. Le leeteur se rend vite compte que ee qui importe ici ce n'est plus la trame romanesque, mais Ie traitement, Ie regard que I'auteur porte sur un milieu, celui des professeurs de POETRY 27 litterature dans les colleges, sur la gent etudiante et sur les rapports 'intimes' que les deux parties peuvent entretenir ... Tout est dans la maniere ... Dites-Ie avec des epines. Cote epines, Hebert est garni comme une pelote d'epingles. Tant pis pour ceux qu'il pique, Ie lecteur, sadique, sourit a s'en ankyloser les muscles des joues. On ne peut negliger, en dernier lieu, Ie deuxieme volet d'un cycle romanesque de Michel Tremblay amorce de fa~on fulgurante par La Grosse Femme d'iI.-cOtI! est enceinte, et poursuivi cette annee par Therese et Pierrefte tl /'ecole des Saints-Anges (Lemeac, 366). Meme observation precise de la vie quotidienne du Plateau Mont-Royal ou realisme et fantastique s'entremelent . Contrepoids ason univers dramatique. Meme capacite d'emotion que dans Ie premier volet. Meme qualite d'ecriture. Mais Ie chroniqueur vaut-ille dramaturge? Si son roman seduit, il ne Ie fait pas autant que ses meilleurs pieces. Voila un aper~u de quelques romans qui ont parseme une annee plutO! maigre. Ce n'est qu'une perception, la mienne, celle de quelqu'un qui pour avoir connu les annees de vaches grasses attend impatiemment leur retour. En attendant, les romans retenus m'auront permis de tromper mon attente. Poetry SANDRA 0JWA This year's poetry has a regional shape: small piles of books from Breakwater of Newfoundland and little presses in Quebec and Ontario, large bundles from Fiddlehead of New Brunswick, Turnstone of Manitoba , and Talonbooks of British Columbia. It may be the regional distribution of the little presses and the importance of landscape as symbol in some modern poetry which account for the fact that the celebration of region and of place, always significant in the Canadian tradition, is the most important category of poetry written in 1980. Both men and women poets write the landscape sequence, but where men tend to link the landscape with art and the process of creation, often finding in it a means of identifying themselves with a continuing tradition, women poets are more likely to write the landscape or settlement poem in relationship to a more personal discovery of identity, sometimes sexual and often feminist. Another major category is the mythological poem sequence, sometimes overlapping with the landscape poem. Such poems draw from classical myth, from more recondite Indian or Eskimo sources, and from the received myths of contemporary literature, notably T.S. Eliot's The Waste Land and Four Quartets. The celebration of place is, in some ways, the most interesting category ...

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