Pour une pragmatique de la signification by Jean Fisette (review)

420 LETTRES CANADIENNES 1996 Sciences humaines Jean Fisette, POllr une pragmatique de fa signification suivi d'un choix de textes de Charles S. Peirce en traduction fran~aise Montreat XYZ editeur, coll. Documents, 299 p., 27,95$ Pour une pragmatique de la signification rassemble les travaux de l'auteur (seminaires, communications, articles, etc.) des cing dernieres annees -la moitie sont des inedits - et fait suite ason Introduction it la semiotique de C. 5 . Peirce parue chez Ie meme editeur en 1990. Dans sa presentation, Jean Fisette explique que son objectif initial etait al'origine la congruence entre ses recherches elaborees apartir d'une semiotique peirceenne et les acquis nkents de la semiotique litteraire; Ie chapitre « L'enjeu semiotique» en temoigne. 11 admet egalement du meme souffle qU'Wle telle congruence s'avere impossible etant donne la meconnaissance des textes de Peirce et surtout un certain habitus cartesien. Son engouement pour la pensee peirceenne est justifie d'une maniere aussi surprenante qu'interessante: l'attrait de la pensee de ce logicien autodidacte qu'estPeirce reside dans son caractere continental americain. Nouveau Monde, nouvelle representation... En fin pedagogue, Jean Fisette opte pour la monstration. A cet effet, par son architecture en tierce - trois parties divisees en trois chapitres, en correspondance avec les trois grandes categories de la phaneroscopie -, l'ouvrage tente d'installer un lecteur-signe dans la spirale de la semiose et, partant, un foyer virtuel depuis l'interieur des signes. Pour les non (moins?) inities, un parcours plus « lineaire» est toutefois possible; I'auteur propose d'ailleurs de lire les chapitres dans l'ordre suivant: 1,4,2,7,3,5,6,8 et 9· La premiere partie suscitera l'interet de quiconque interroge la prise en charge du phenomene litteraire par cette pragmatique. Acetegard,l'auteur examine au chapitre trois les notions l'epresentamen, fondement, signe et abduction, et, ce faisant, touche un point nevralgique des textes phaneroscopiques . En effet,la terminologie de Peirce semble parfois flottante alors que ce probleme de reception tient plutot au systeme conceptuel construit de maniere aapprehender Ie signe dans son mouvement, dans sa formation comme dans sa deformation. L'amateur de schemas peut done legitimement se sentir desoriente devant une« grille» d'analyse qui ne fonctionne pas comme une grille. II faut egalement comprendre d'une part que Peirce n/a jamais publie de son vivant et que sa pensee telle qu'elle nous est parvenue d'autre part s'inscrit des lors dans la mouvance meme de la semiose. Le merite de Jean Fisette consiste justement a explorer, avec passion dirais-je, des voies, arechercher la « prescission » peirceenne, sans jamais pour autant eluder ce probIeme'plus que terrninologique. En seconde partie, I'ouvrage examine differents objets. Au chapitre quatre, Fisette reprend les exemples de la girouette et du tournesol et analyse en terme de relations triadiques les transformations de ce dernier SCIENCES HUMAINES 421 chez Van Gogh et Herge. Au chapitre cinq, apartir de la peinture chez Borduas et de la poesie chez Gauvreau, la delicate question de la nonfigurativite , du refus du signe de representer, est etudiee depuis la metaphore de la musique chez Peirce. Quant au chapitre six, il presente l'analyse d'objets textuels de genericite differente: Jung, Andersen et Dostolevki. Le dernier tiers du livre se consacre aces questions fondarnentales pour la creation que sont la mHaphore et l'ic6ne (avec son substrat, l'hypoicone), et se tourne vers l'objectif initial de la congruence en rappelant que la phaneroscopie est en fait une forme de phenomenologie. Or, si l'on assiste actuellement a une sorte d'essaimage epish~mologique ou la pensee de Peirce pourrait trouver une place - pensons acertains travaux d'inspiration «cognitiste) ou «cognitiviste» -, y voir Ia naissance d'un nouveau paradigme est a tout Ie moins premature. Par ailleurs, il m'apparalt temeraire de vouloir concilier la phaneroscopie avec la semiologie issue du courant Saussure-Hjelmslev sans tomber dans l'ultrarelativisme au la macedoine postmodeme, encore que, selon une perspective non euclidienne, des droites paralleles se rejoignent bien en un point de I'infini. Pour clore, un veritable cadeau. Traduits et titres par l'auteur, une suite inedite en fran~ais de dix-sept...