Autobiography and the Existential Self. Studies in Modern French Writinged. by Terry Keefe and Edmund Smyth (review)

456 LETTRES CANADIENNES 1996 Autobiography and the Existential Self Studies in Modern French Writing, s.la dir. de Terry Keefe et Edmund Smyth New York, St. Martin's Press, 1995,206 p. Ce recueil represente une contribution interessante ala fois al'etude de l'autobiographle et acene de l'existentialisme. 11 reunit dix etudes sur la relation entre «Ie moi» et « l~ecriture », dont neuf sur des auteurs lies au groupe des existentialistes et un sur un artiste-cineaste dont la video autobiographique temoigne d'un heritage existentialiste. Edmund Smyth offre une courte introduction qui situe ce volume par rapport aux etudes recentes sur Ie genre autobiographique et Terry Keefe signe Ia conclusion; il fait Ia synthese des dix articles en les reliant a certaines questions philosophiques. Une breve bibliographie sur les auteurs etudies et sur I'autobiographle complete Ie volume. La premiere moitie du livre est consacree acinq etudes sur ces deux grands auteurs dont les noms figurent incontestablement sur toutes les listes de penseurs existentialistes et d'auteurs d/autobiographies, Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre. Michael Scriven analyse Les carnets d'une drole de guerre, tUle publication posthume des camets rediges au jour Ie jour par Sarire en 193<)-1940, epoque ou, sous l'effet de la guerre, Ie philosophe developpe une nouvelle philosophie et un nouveau moi plus socialement conscient. Seion Scriven, a la difference des Mots (1964) dont Ie style plus chatie reflete un personnage tout fait, beneficiaire d'une vision retrospective du moi, la forme meme de ces Carnets est l'expression du moi en construction~ produit d'un moment historique, c~est-a-dire l'expression du projet existentiel sartrien. Edmund Smyth repond par une etude des Mots oll il revele la grande heterogeneite discursive qui rend cette ceuvre plus contingente que totalisante. Seion lui, Les mots mettent en scene un moi compose de textes et de voix. Les aspects autobiographiques de l'ceuvre sartrienne sont examines dans une autre perspective par Benedict Q'Donohue qui compare les passages autobiographiques decrivant Ie souvenir du pere decede de Sartre et Ie rapport pere-fils dans trois de ses pieces, Bariona, us mains sales et Les sequestres d'Altona. O'Donohue offre une explication emotive a la philosophie existentialiste de Sartre selon laquelle l'absence de son pere permet aSartre une sortede liberte qui l'a obligeet lui apermis dt experimenterla liberte commesource de I'existence. Trois articles analysent des divergences entre differentes versions ecrites de la vie de deux des figures de proue.du groupe existentialiste, Simone de Beauvoir et Albert Camus. Dans son article sur Simone de Beauvoir, Terry Keefe compare trois formes autobiographiques pratiquees par de Beauvoir, les memoires~ Ie journal intime et la correspondance. Profitant du fait qu'une certaine periode de temps est couverte dans les trois formes, il compare trois versions des memes evenements. En analysant en particulier les omissions, Keefe revele, d'une part, l'usage different que Simone de SCIENCES HUMAINES 457 Beauvoir fait des trois formes autobiographiques, et, d'autre part, l'aspect construit des genres autobiographiques, dont on croit souvent qu'ils sont plus authentiques que les genres fictifs. Dans son article sur Ie Journal de guerre de Simone de Beauvoir, Emma Wilson etudie Ie rapport intime entre I'ecrivaine et une de ses eleves, Nathalie Sorokine. En comparant la description de ce rapport parue dans Laforce de ['age avec celie figurant dans son Journal de guerre, Wilson revele d'irnportantes contradictions dans Ie concept de l'amour tel que decrit par de Beauvoir dans ses ecrits et tel que vecu par elle. Meme si, dans Ie Deuxierne sexe, elle decrit l'amour lesbien comme etant un rapport reciproque et non hierarchique, de Beauvoir semble reproduire; dans son rapport avec Sorokine, la meme structure de couple tres hierarchisee qu'elle a vecue avec Sartre. ,Dansson etude, Steve Robson aborde Ieprobleme de la dichotomie entre l'image que Camus projette de I'ecrivain d'apres sa representation dans ses ceuvres fictives et l'ecrivain tel qu'il se revele dans ses journaux intimes. Seion la version fictive, I'ecrivain doit donner de l'espoir, montrer de la noblesse d'ame, courir apres la grandeur. Mais les journaux intimes de Camus montrent padois qu'il est en proie aun desespoir et aune lassitude contre lesquels illutte par de tres grands efforts de volonte. Le lien entre c1asse sociale et representation de soi se presente avec acuite chez des ecrivains comme Paul Nizan et de Jean Genet. Bien qu'il n'ait pas redige d'autobiographie comme telle, Paul Nizan s'interesse ades questions reliees aIa pratique de ce genre litteraire, notanunent dans son roman La conspiration. Mary Orr aborde la question de 1a representation du mOl chez Nizan. Elle etudie en particulier Ie desir qu'avait cet ecrivain de separer Ie processus de cette representation de son enracinement dans l'ideologie bourgeoise. Dans Ie cas de Genet, son experience penale l'a sensibilise a l'importance de la lisibilite du moL L'expression du moi existentiel dans son (Euvre autobiographique est subordonnee a des exigences esthetiques et Ie passe se fond dans Ie moment de l'ecriture. Plusieurs aspects de l'CEuvre de Genet, etudiee par David Walker, font echo ades questions abordees dans les articles sur Leduc et de Beauvoir. Michael Sheringham traite de Ia notion de l'ecriture conune don de soi dans La folie en tete de Violette Leduc. Seloh Leduc, quoique l'ecriture permette aI'ecrivain de Cfeer un espace OU il peut exister en tant que moi, cet espace s'avere finalement un espace solitaire. L'ecriture est un don gratuit. Bien que ce don cree une dette chez Ie Iecteur, l'ecriture est incapable d'effectuer I'echange necessaire pour etablir un rapport de communaute et de communion entre }'ecrivain et Ie lecteur. L'article final du volume se distingue de deux fa<;ons. II traite d'Herve Guibert, un ecrivain, photographe, artiste et realisateur qui ne fait pas partie du groupe existentialiste; de plus I'ceuvre qui y est etudiee n'est pas un ecrit mais un film. Atteint du sida, Gulbert a voulu produire un 458 LETTRES CANADIENNES 1996 document cinematographique de la fin de sa vie. L'etude de ce projet par Jean-Pierre Boule nous revele son interet docurnentaire. Mais pour nous convaincre queGuibert ainventeunnouveau genre autobiographique, que Boule appeUe la «thanagraphie existentielle », i1 faudrait une analyse un peu plus profonde. Mais pourtous ceux et ceiles quis'interessent al'autobiographie comme genre ou au groupe des existentialistes, Ie volume de Keefe et Smyth demeure riche d'enseignement. (ELIZABETH AUB:E) Ralph Sarkonak, Les trajets de l'ecriture. Claude Simon Toronto, Paratexte, 1994, 235 p. Ralph Sarkonak nous offre la un travail considerable de presentation, d'analyse et de mise en perspective de l'ceuvre simonienne recente. 11 s'attache aux titres des annees 1980 qui marquent, chez Ie laureat du prix Nobel 1986, une nouvelle maniere par rapport au formalisme plus marque de la periodeanterieure. Sarkonak,dont onconnaissaitl'ouvrageprecedent sur Ie meme auteur (Les carrefours du texte, Paratexte, 1986), se consacre ici aux cinq dernieres fictions simonielUles; Les georgiques, La chevelure de Berenice (reprise de Femmes), L'invitation, L'album d'un amateur et L'acacia. (S'en tenant aux annees 1980 et ne considerant peut-etre pas assez la part fictionnelle du dernier recueil de photographies du Nobel, Sarkonak n'integre pas dans son corpus d'etude l'ceuvre Photographies 1937-1970, pame en 1992 chez Maeght. 11 n'en est que furtivement question dans Ie chapitre consacre aL'album d'un amateur.) Cet essai est plus qu'un recueil d'etudes: c'est lme reflexion sur la theorie et la lecture d'une des ceuvres les plus riches et les plus complexes de la litterature contemporaine. Chaque chapitre porte sur l'un des textes en question et remet aussi en question la demarche meme du critique et de la critique, les·grilles et les exces de formalisation dont a souvent pati l'