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  • La notion de « projet parental » dans le droit à l’assistance médicale à la procréation (AMP)
  • Karène Parizer-Krief (bio)

Initialement reconnu dans un rapport commandé par le Conseil d’État (dit rapport Braibant1) précédant l’instauration d’un régime légal d’assistance médicale à la procréation (AMP), la notion de « projet parental » figure aujourd’hui dans cinq dispositions de la partie législative du Code de la santé publique2. Cette notion d’apparence neutre sera pourtant déterminante dans l’édifice normatif français de l’AMP. D’ailleurs, le recours au concept du projet parental n’est pas propre à l’AMP, mais s’applique aussi dans le domaine de l’avortement, dégageant ainsi une logique commune3.

Le concept de « projet parental » a été très tôt dénoncé4 pour son potentiel à faire de l’enfant un objet et éliminer toute individualisation de l’embryon. L’enfant est conçu comme l’objet d’un projet parental, et non comme le sujet d’un processus humain. L’embryon devient le support d’un contrat passé entre la société, une entité publique, et les parents stériles, qui ont le droit de le donner comme une chose. Ainsi, ce concept suggère une conception contractualiste entre l’individu et la société, et peut conduire à terme à des choix génétiques dangereux. « Il n’est pas surprenant que ce soit là où la filiation est la plus dépendante de la technique que le besoin de l’interdit se manifeste avec le plus de force. Mais la séparation radicale que la loi impose alors entre le lien juridique et le lien biologique peut ouvrir à son tour [End Page 19] la voie à un délire technologique consistant à faire du « projet parental » le fondement exclusif de l’identité de l’enfant, et à considérer l’être biologique de ce dernier comme un simple support matériel de la réalisation de la volonté des parents5 ».

Nous allons essayer d’analyser la manière dont cette notion a été encadrée par le droit pour cerner son contenu concret : la notion de projet parental servira d’une part de critère implicite d’accès à l’AMP (I), et d’autre part de facteur pertinent pour le sort de l’embryon (II).

I - Le « projet parental », critere implicite d’acces a l’AMP

Bien qu’un projet parental puisse être porté par une personne seule, la logique globale du régime français de l’AMP se concrétise par l’exigence d’un couple, formé d’un homme et d’une femme, vivants et en âge de procréer6. Par ailleurs, la loi exige une « infertilité pathologique médicalement diagnostiquée »7 pour situer l’AMP comme un moyen thérapeutique, un remède en cas de défaillance de la procréation spontanée. Le recours au couple s’est imposé naturellement en raison de la tradition d’un système matrimonial de filiation. Certains considèrent que la « notion de ‘couple’ » est probablement l’apport le plus neuf et le plus fort de la loi du 29 juillet 1994 sur l’assistance médicale à la procréation8.

Pendant la préparation de la loi de 19949, la notion de projet parental avait été jugée trop vague par les parlementaires. Les termes « demande parentale d’un couple » ont été adoptés, plus précis quant au point de départ, se concrétisant dans la soumission de cette demande auprès du corps médical. La loi relative à la bioéthique de 200410 n’a pas abandonné la référence à la « demande parentale »11, mais, concernant la fécondation in vitro (FIV), cette référence a été remplacée par celle de « projet parental »12. Enfin, la référence à la « demande parentale » a été définitivement supprimée avec la loi relative à la bioéthique de 201113, afin d’éviter tout soupçon de demandes dites de convenance, en d’autres termes, non thérapeutiques.

Le concept de projet parental a l’avantage d’objectiver le recours...

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