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  • Le projet du Grand Paris
  • Jeanne Chauvel (bio)

Les spécificités du territoire francilien – son organisation institutionnelle en « millefeuille », la complexité des problèmes économiques et sociaux, son poids démographique, symbolique, économique – lui donnent une place à part dans la gestion des villes françaises. Ville globale (Sassen, 1991), l’agglomération parisienne fait partie des 20 villes mondiales de plus de 10 millions d’habitants. Ainsi, son territoire concentre une telle complexité d’enjeux que l’on pourrait la croire ingouvernable (Jouve, Lefèvre 2002).

Pourtant, depuis la création du département de Paris en 17901, la façon d’aménager Paris et sa banlieue fait périodiquement l’objet de débats intenses (Bellanger, Fourcaut, Flonneau, 2007). Après les réaménagements institutionnels et urbanistiques majeurs des années 1960, la question réapparaît parmi les élus de l’agglomération parisienne au début des années 2000. Tout au long de la décennie, les acteurs publics franciliens s’intéressent peu à peu au débat sur le Grand Paris. L’objectif de la réflexion est simple : il s’agit de revivifier l’espace francilien en contrant les obstacles politiques, institutionnels, psychologiques. Pour de nombreux élus, l'organisation institutionnelle actuelle – fractionnement des compétences lié au grand nombre d'acteurs sur le territoire francilien2 – produit de l’inefficacité dans la mise en œuvre des politiques publiques. Elus et experts réfléchissent alors à la façon de gouverner la métropole. [End Page 75]

Dans ce cadre de remise en cause des politiques publiques sectorielles et du cadre institutionnel, le projet du Grand Paris tente de répondre à de nombreux défis. Nous entendons par projet du Grand Paris la démarche de projet enclenchée en 2007 après les déclarations du président de la République, Nicolas Sarkozy, sur la nécessité de repenser l’aménagement et l’organisation institutionnelle de l’agglomération parisienne3. Un méta-projet, c’est-à-dire un cadre global d’action et une vision du projet, va alors se dessiner, et des projets concrets être décidés (Pinson, 2009, p. 175)4. Sur les bases de la réflexion menée par les élus locaux, le volontarisme du Chef de l’Etat accélère la mise en débat d’un texte sur le Grand Paris et oblige tous les acteurs et institutions publiques à se positionner sur ces questions. Les interactions entre acteurs publics s’intensifient, un système d’acteurs se forme, et des conflits et des controverses se structurent. De nombreux projets sectoriels émergent mais la question de la gouvernance est dans un premier temps mise de côté.

A partir des outils de la science politique, il s’agit dans cet article de donner quelques clés de lecture de ce processus de projet en cours en nous focalisant sur la configuration d’acteurs et d’institutions publics (Elias, 1997, p. 71). Sans nier l’importance qu’ont pris tous les autres acteurs de l’action publique urbaine, et notamment les acteurs économiques5 (Le Galès, 1995), nous voulons montrer que la démarche de projet, dans l’exemple du Grand Paris, ne montre pas une dilution de la capacité politique à agir, mais au contraire consacre le rôle politique des élus dans la définition des enjeux et dans l’aménagement du territoire par leur pouvoir de décision. En revenant sur les étapes qui ont abouti au vote de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris (I), et sur la création du réseau de transports du Grand Paris qui y est inscrite et les problèmes que celle-ci pose (II), nous pourrons envisager les enjeux politiques du projet du Grand Paris, à savoir la question démocratique et la question institutionnelle (III).

I - La constitution d’un systeme d’acteurs et de controverses

La question du Grand Paris réapparaît parmi les élus franciliens dès 2001, du fait de facteurs conjoncturels et structurels (Offner, 2007, p. 6). Pendant cette période, les démarches de coopération entre élus de...

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