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  • Les associations devant la démocratie en France et en Amérique:Introduction
  • Martine Barthelemy (bio) and Lucien Jaume (bio)

Contrairement à la démocratie américaine, dont Tocqueville vantait au début du XIXe siècle la puissante vie associative, la République française a longtemps paru méfiante à l'égard de tout ce qui pouvait rappeler les « corps intermédiaires » de l'Ancien Régime. Ces réticences n'ont certes pas empêché la France de connaître, durant tout le XIXe siècle et jusqu'à nos jours, le développement d'innombrables groupements en tout genre. Les pratiques semblent ainsi contredire les représentations, marquées par une culture politique de l'intérêt particulier face à l'intérêt général, du citoyen isolé devant l'État maître du social. En ces temps de crise et d'interrogation sur l'avenir des démocraties, le plaidoyer de Tocqueville en faveur de la force et de la pluralité des corps associatifs se devait d'être réinterrogé. « Les associations devant la démocratie : France - Etats-Unis », tel fut donc le thème de la journée d'études organisée par le Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF) le 15 janvier 2010, avec le soutien de l'ambassade des Etats-Unis.

La Revue Tocqueville publie aujourd'hui quatre contributions issues des travaux de cette journée. Chloé Gaboriaux revient sur le « moment 1901 » et les réflexions sur la liberté d'association qui agitent les républicains dans les groupements ou les revues dont ils font partie. Elle montre qu'ils ont eux aussi érigé la science de l'association en science-mère de la démocratie, mais en des termes très différents de ceux de Tocqueville et sous la pression du combat laïque. [End Page 51]

Lucien Jaume invite à saisir le propos de Tocqueville dans toute sa complexité. La « liberté illimitée d'association », écrit ce dernier, constitue « la dernière qu'un peuple puisse supporter ». Outre-Atlantique le passage de l'association civile à l'association politique, fréquent et aisé, tient à « l'état social démocratique » ; en France, c'est un effet de l'esprit étatiste, des conflits qu'il engendre entre société et État depuis la Révolution. La perspective tocquevillienne reste pertinente du fait des nouveaux développements de la société civile.

Edith Archambault se livre à une comparaison socio-économique des secteurs sans but lucratif en France et en Amérique. Elle insiste sur les rapports à l'État et analyse les différences observées dans la composition et les ressources du secteur sans but lucratif à la lumière des idéal-types « libéral » anglo-saxon et « partenarial » européen, compte tenu d'une croissance renouvelée depuis 1995.

Martine Barthélemy s'intéresse à la participation associative en France et aux Etats-Unis, à l'aune de l'exigence démocratique tocquevillienne. Depuis les années 1960 trois grandes périodes peuvent être distinguées - « révolution culturelle », revirements et déceptions, années de crise - et des caractéristiques communes repérées, alors même que les formes et les orientations de la participation aux associations dans les deux pays traduisent aussi de fortes disparités. D'un côté, la thèse du déclin du « capital social » est contredite, de l'autre les logiques sociales inégalitaires freinent le renouveau démocratique et participatif. [End Page 52]

Martine Barthelemy

Martine Barthelemy, Directrice de recherche, Sciences Po, Centre de recherches politiques (CEVIPOF).

Lucien Jaume

Lucien Jaume, directeur de recherche au CNRS (CEVIPOF), enseignant Sciences Po Paris.

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