University of Nebraska Press
Brulotte, Gaëtan. La Contagion du réel. Coll. Réverbération. Montréal: Lévesque éditeur, 2014. isbn 9782924186442 (édition papier) 978292416459 (édition numérique pdf). 152p.
Dussault, Danielle. Anderson’s Inn. Coll. Réverbération. Montréal: Lévesque éditeur, 2014. isbn 9782924186527. 132p.
Potvin, Claudine. Tatouages. Coll. Réverbération. Montréal: Lévesque éditeur, 2014. isbn 978292416589 (édition papier) 9782924186596 (édition numérique pdf). 134p.
Rioux, Hélène. L’Amour des hommes. Coll. Réverbération. Montréal: Lévesque éditeur, 2014. isbn 9782924186329. 392p.
Bouvet, Rachel. Le Vent des rives. Chronique. Montréal: Mémoire d’encrier, 2014. isbn 9782897121938, 103p.

Ouvrages de fiction

Brulotte, Gaëtan. La Contagion du réel. Coll. Réverbération. Montréal: Lévesque éditeur, 2014. isbn 9782924186442 (édition papier) 978292416459 (édition numérique pdf). 152 p.

Cet auteur connu, entre autres, pour le recueil Le Surveillant et récipiendaire de plusieurs prix, dont l’Ordre des Palmes académiques en France (2013), régale ses lecteurs d’une vingtaine de nouvelles évoquant le point de vue de personnages décalés, parfois attachants, parfois aussi pitoyables que rebutants. Dans ce volume, on trouve un “centenier,” c’est-à-dire le récit de cent jours d’aventures avec une amie, Caroline. L’affirmation selon laquelle un être humain se définit autant par ce qu’il ne fait pas que par ce qu’il fait lance l’énumération de projets abandonnés par un auteur défunt, tels un voyage en jeep, l’apprentissage de la flûte, une collection de timbres, une carrière de biologiste, la religion, et des projets de livre. La nouvelle “La géniale invention du docteur Austherr,” qui reflète la carrière académique de Brulotte, fera sourire ses collègues enseignants partout victimes de réductions de budgets. En somme, il s’agit d’un aperçu perspicace et ironique du quotidien et de la motivation humaine.

Dussault, Danielle. Anderson’s Inn. Coll. Réverbération. Montréal: Lévesque éditeur, 2014. isbn 9782924186527. 132 p.

Cinq personnages, dont deux femmes mortes, liés par des circonstances émanant de la Seconde Guerre mondiale, révèlent leurs angoisses secrètes, leurs trahisons mutuelles et leurs obsessions. Il s’agit d’une identité volée, d’un enfant maltraité, d’une autre enfant sauvée, de machinations perfides et de silences résolus. Les chapitres évoquent tour à tour le point de vue des individus de sorte que le mystère de leurs rapports émerge d’une manière saisissante. Située sur une île du Maine, au carrefour du Canada et des États-Unis, l’auberge attire les trois survivants vers une confrontation ultime avec la vérité. Le rôle de l’art, surtout de la peinture, s’impose, ainsi que certains thèmes, dont l’aigle à tête blanche menaçant, et les étoiles—celles de la mer et celles d’étoffe jaune. [End Page 159]

Potvin, Claudine. Tatouages. Coll. Réverbération. Montréal: Lévesque éditeur, 2014. isbn 978292416589 (édition papier) 9782924186596
(édition numérique pdf). 134 p.

Claudine Potvin propose une vingtaine de contes superbes reliés légèrement par le thème éponyme du tatouage. Il s’agit parfois de dessins banals tels des aigles, des roses, ou des papillons tracés sur la peau des jeunes, et parfois de marques indélébiles figuratives tels des cicatrices ou des souvenirs angoissants. Un leitmotiv qui semble significatif est la lettre K associée à la culture populaire ou aux faits divers, comme au musicien Kurt Cobain, à l’ouragan Katrina, à la meurtrière Karla Homolka et même à la notion du Kébèc. De judicieux changements de polices qui interviennent de temps à autre au cours du texte distinguent les journaux intimes, la correspondance, ou les monologues intérieurs. Les citations mises en exergue signalent l’érudition de l’auteure ainsi que ce qui a inspiré ses réflexions. Transportant ses lecteurs du Québec aux Caraïbes et en Amérique du Sud, faisant allusion à des personnages aussi variés qu’Angéline de Montbrun ou Aliénor d’Aquitaine, Potvin traite de la pauvreté, de la violence, de l’exotisme, de l’exil, du nomadisme, du rapport des femmes avec leur propre corps, de la complicité parfois sournoise des couples, et des chagrins d’amour. Elle rappelle toutefois que rien ne s’est vraiment passé ainsi, soulignant la subjectivité des fantaisies et des mémoires racontées avec perspicacité. La précision linguistique rend ces nouvelles ciselées d’autant plus agréables et intéressantes à lire.

Rioux, Hélène. L’Amour des hommes. Coll. Réverbération. Montréal: Lévesque éditeur, 2014. isbn 9782924186329. 392 p.

Le titre de ce roman, composé d’extraits de journaux intimes, se réfère à un passage d’Ovide qui s’interroge sur la qualité de l’amour éprouvé par les hommes par rapport à celui éprouvé par les femmes. Eléonore, la traductrice/narratrice par excellence de Rioux, réfléchit à ce texte pendant qu’elle accompagne un ancien amant en Corse, où, gravement malade, il compte passer ses derniers jours. L’intrigue avance et s’approfondit à travers les réflexions inscrites dans leurs cahiers respectifs, ceux tenus par Eléonore à différents moments dans le temps, et surtout celui laissé pour elle par son ancien amant maintenant disparu, énumérant ses multiples liaisons amoureuses. En même temps, Éléonore, troublée, poursuit sa prédilection pour le voyage en explorant l’histoire et la culture espagnoles et corses et en recherchant le Don Juan historique et légendaire. Le résultat en est un roman hautement réussi qui consiste surtout en une méditation sur la vie, la mort et les rapports humains. [End Page 160]

Bouvet, Rachel. Le Vent des rives. Chronique. Montréal: Mémoire d’encrier, 2014. isbn 9782897121938, 103 p.

Rachel Bouvet, professeure de sémiologie et de théories de la lecture, est aussi fondatrice de l’atelier québécois de géopoétique “La Traversée” créé en 2004 qui regroupe des membres venant de différentes disciplines: littérature, géographie, urbanisme, sculpture, peinture, entre autres, et qui s’intéresse à l’exploration du rapport sensible et extrêmement complexe de l’homme à la Terre, à travers des rencontres et des conférences, et notamment des excursions et des vagabondages. L’atelier publie également des œuvres de création dont l’interdisciplinarité enrichit l’approche et la portée. Rachel Bouvet est aussi et surtout une voyageuse acharnée qui invite le lecteur, à travers Le Vent des rives, à la suivre dans ses déambulations—qu’elles soient physiques, imaginaires, intérieures—ou à travers les livres. Dans un style qui relève d’une poésie au ton très intime, Rachel Bouvet nous rappelle que “[c]hacun porte en soi une géographie intime, comme un trésor enfoui au milieu des souvenirs, comme un fardeau dont on veut se délivrer coûte que coûte, ou comme un enfant que l’on berce au creux de soi, en marchant pendant des mois, jusqu’à ce qu’il soit prêt à respirer le grand air.” (13) Si le voyage a d’abord constitué pour elle un moyen d’échapper aux normes et aux contraintes de la société française qui “[. . .] n’acceptait pas la différence” (14) et où l’étranger n’avait pas de place, il est ensuite devenu un prétexte pour aller à la rencontre de l’autre, afin d’appréhender l’altérité et de repenser notre rapport au monde et à l’environnement qui nous entoure, persuadée qu’elle ne “saurai[t] vivre autrement que dans le rapport à l’altérité” (15). Ainsi ce premier fossé vécu dans son espace familier et qui continuait à grandir en elle, l’avait poussée à explorer d’autres contrées, l’Égypte cette fois-ci, qu’elle allait découvrir à travers le regard amoureux de celui qui allait devenir son compagnon de vie. Mais si cet espace était marqué par la diversité culturelle “née du brassage des civilisations pharaonique, copte, gréco-romaine, islamique, occidentale” (15), il était aussi frappé par la pauvreté, la bureaucratie, la corruption et les écarts entre les classes sociales. En côtoyant cette société et en devenant avide d’apprendre sa langue, sa littérature et sa culture, un art de vivre nourri par l’humour et la générosité et qui était si différent de celui qu’elle connaissait s’était ouvert à elle. Un deuxième périple l’avait entraînée vers le Québec, là où elle jettera pour toujours l’ancre de son bateau, là aussi où elle apprendra à apprivoiser l’étrangeté d’une culture qui contrastait avec tout ce qu’elle avait connu auparavant, comme elle le souligne:

Autant les temples imperturbablement installés au milieu des sables m’avaient fait rêver d’éternité, sans aucun scrupule, autant l’absence de rappels du passé dans ces blanches étendues m’affolait: dans certains lieux, la mémoire s’effilochait de manière inquiétante, sans que l’on y prenne garde, la végétation envahissait les places vides et l’oubli recouvrait le tout d’une couche aussi épaisse et compacte que la neige.

(22) [End Page 161]

Aussi le déplacement géographique nous permet-il, comme le suggère Bouvet, de percevoir le temps et ses orifices à travers l’espace. Cette superposition spatiotemporelle est ainsi subtilement évoquée lors de son arrivée au Riyad Zahraa dans une médina marocaine, où se trouvait une fontaine d’où s’exhalaient justement d’autres moments de l’histoire de ces lieux captivants:

Dans cette cour intérieure ayant conservé quelques traces de l’ancien jardin, il est relativement facile d’imaginer le décor: des plantes vertes et des arbres pour réduire la chaleur et attirer les oiseaux; des fleurs pour le plaisir des yeux, du nez et des abeilles; des fruits et du miel pour agrémenter le menu; une fontaine ou un bassin pour humidifier l’atmosphère et ajouter au passage un filet sonore aux pépiements dans les branches.

(34)

Au fil des pages, le lecteur est tantôt fasciné par les descriptions des paysages éblouissants où la faune et la flore se vouent au secours de l’imagination, tantôt intrigué par les cultures, les langues et les êtres humains à découvrir et à connaître, ce qui déclenche une réflexion portant sur les brassages des civilisations qui ont coexisté dans ces lieux. À travers son regard profondément lyrique et susceptible de capter les détails qui nous échappent souvent, Bouvet nous fait découvrir des scènes de la vie quotidienne comme à Sidi Kacem où “un camion plein à craquer de pastèques s’en va vers le marché de fruits et légumes entraperçu plus tôt. Je vois passer une femme suivie de quelques moutons tondus, de chèvres noires, de trois vaches et d’un homme juché sur son âne” (29).

Plusieurs lieux sont évoqués dans ce livre, tels la Bretagne, l’Égypte, Le Maroc, l’Espagne, le Brésil, et le Canada et qui ont nourri aussi bien son goût pour l’ailleurs que son univers mental, alors qu’elle ne mesurait pas au départ à quel point elle en serait transformée. Par ailleurs, nombreux sont les écrivains et penseurs auxquels le livre fait référence, tels Abdessalam al Ujayli, Amin Maalouf, Thierry Hentsch, Kenneth White, Salah Stétié et Jean de Léry entre autres, et qui font de celui-ci non seulement un récit poétique et intime, mais aussi un essai philosophique sur la géopolitique, discipline à la fois théorique et pratique dont le but est de rétablir, voire d’enrichir notre rapport à la Terre. C’est dans cette veine que ce texte émouvant célèbre, à travers le leitmotiv de la mer—métaphore par excellence de la mouvance et de la fluidité–le métissage, susceptible d’effacer les frontières aussi bien spatiales, linguistiques, temporelles que physiques qui séparent les pays, les cultures et les êtres humains. Voici comment elle décrit ce brassage: “il m’a aussi donné l’occasion de nourrir ma géographie intime, constituée de mers à traverser, de déserts à sillonner, de correspondances culturelles, minérales, animales et végétales à découvrir ou à vivifier” (90). Bouvet nous apprend en outre que le voyage nous aide non seulement à mieux lire, mais aussi modifie notre rapport à l’altérité; alors que la lecture, comme elle le précise, nous aide à mieux voyager et à mieux comprendre le monde [End Page 162] qui nous entoure. Dans ce sens, le voyage et la lecture constituent deux synonymes d’une même activité.

Le Vent des rives propose une exploration passionnante de la géopoétique et de la topologie de l’espace, afin de sortir des sentiers battus et de suivre notre vent interne, qui possède le pouvoir de nous libérer, partageant ce que ressent Rachel Bouvet lors de ses pérégrinations et flâneries à travers le monde entier: “Les gonds ont cédé, je le sens, et je retrouve avec joie ce sentiment de liberté qui m’a tellement manqué–liberté d’aimer, d’agir, d’aller, de penser, de parcourir les anciennes routes du monde ou d’ouvrir de nouveaux chemins” (97).

Autres ouvrages de création reçus (fiction)

Durante, Daniel Castillo. Fuir avec le feu. Nouvelles. Coll. Réverbération. Montréal: Lévesque éditeur, 2014. isbn 9782924186466. 170 p.

Gagnon, Steve. En dessous de vos corps je trouverai ce qui est immense et qui ne s’arrête pas. Coll. L’instant scène. Montréal: Instant même, 2014. isbn 9782895023395. 106 p.

Kokis, Sergio. Culs-de-sac.Nouvelles. Coll. Réverbération. Montréal: Lévesque éditeur, 2014. isbn 9782924186121. 252 p.

———. Markarius. Coll. Réverbération. Montréal: Lévesque éditeur, 2014. isbn 9782924186404. 486 p.

Saint-Martin. Lori. Mathématiques intimes. Microrécits. Montréal: Instant même, 2014. isbn 9782895023487. 99 p.

Autres ouvrages de création reçus (poésie)

Beauchamp, Louise. Cartes postales. Idylle. Montréal: Noroît, 2014. isbn 9782890189027. 87 p.

Laroche, Yves. Fulgurites ou l’effet haïku. Montréal: Noroît, 2014. isbn 9782890188761. 78 p.

Ltiaf, Nadine. Hamra comme par hasard. Montréal: Noroît, 2014. isbn 9782890188808. 99 p.

Morency, Joanne. Ce Bruit de disparition. Montréal: Triptyque, 2014. isbn 9782890319141. 61 p.

Royer, Jean. La Voix antérieure. Paysages et poétiques. Montréal: Noroît, 2014. isbn 9782890188846. 243 p.

Ouvrages théoriques reçus

Collin, Françoise. Anthologie québécoise, 1977–2000. Montréal: Éditions du remue-ménage, 2014. isbn 9782890914780. 267 p.

La Rochelle, Réal. Denys Arcand. Mille Plateaux. Québec: pu Laval, 2014. isbn 9782763721637. 138 p.

Melançon, Robert. Questions et propositions sur la poésie. Montréal: Noroît, 2014. isbn 97828901808862. 63 p. [End Page 163]

Revues de création

xyz. La revue de la nouvelle 117 (printemps 2014). Site Internet: www.xyzrevue.com

Une dizaine de nouvelles explorent le thème des autorités, parfois complaisantes, mais plus souvent abusives, et de leurs victimes résistantes. Y sont compris une présentation et une nouvelle de Gaëtan Brulotte, un entretien avec Gilles Pellerin, une nouvelle inédite de celui-ci, et un compte rendu de son roman i2 (i carré).

xyz. La revue de la nouvelle 118 (été 2014). Site Internet: www.xyzrevue.com

Les péripéties du voyage constituent le thème général des nouvellistes dont les personnages prennent la route. Par ailleurs, une analyse fort intéressante de la littérature états-unienne par Renald Bérubé, la suite d’un essai paru dans le numéro 115, paraît en “Intertexte.”

Revues d’études littéraires

Études Littéraires 45.2 (été 2014). Site Internet: http://www.etudes-litteraires.ulaval.ca/

“Montréal, Paris, Marseille: la ville dans la littérature et le cinéma contemporains.” Les collaborateurs à ce dossier analysent la manière dont certains écrivains et cinéastes interprètent les profonds changements socioculturels, politiques, et économiques qui bouleversent la vie urbaine depuis une trentaine d’années.

Lettres Québécoises 153 (printemps 2014). Site Internet: www.lettresquebecoises.qc.ca

Lise Gauvin étant en vedette, ce numéro comprend son autoportrait, une entrevue approfondie et un profil analysant son parcours littéraire. Le discours de réception à l’Académie des lettres du Québec d’André Vanasse est reproduit, ainsi que des remarques sur l’élection de Dany Laferrière à l’Académie française. Un dossier sur “la crise du livre” examine les transitions en cours dans le milieu de l’industrie de l’édition. En conclusion, on peut constater que, “Malgré les turbulences, le livre québécois est encore bien vivant.”

Québec Studies 57 (printemps/été 2014). Site Internet: www.acqs.org

Un dossier spécial sur Hubert Aquin traite de ses activités à Radio-Canada et à l’Office national du film du Canada, insistant sur ses contributions à la production culturelle québécoise entre les années 1950 et 1970. [End Page 164]

Voix et images 39.2 (hiver 2014). Site Internet: http://www.voixetimages.uqam.ca

Sous la direction de Lori Saint-Martin, ce numéro évoque les “Voix de femmes des années 1930” en analysant des journaux intimes, chroniques et billets, ainsi que plusieurs romans de la période de l’entre-deux-guerres. [End Page 165]

Roseanna Dufault
Ohio Northern University

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