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  • Afrique du Nord
  • Alexandra Gueydan-Turek
Daoud, Kamel. Meursault, contre-enquête. Arles: Actes Sud, 2014. isbn 9782330033729. 160p.
Bachi, Salim. Le Dernier Été d’un jeune homme. Paris: Flammarion, 2013. isbn 9782081306080. 270p.
Azza-Bekkat, Amina, Afifa Bererhi, Christiane Chaulet-Achour et Bouba Mohammedi-Tabti. Quand les Algériens lisent Camus. Alger: Éditions Casbah, 2014. isbn 9789947620212. 232p.
Stora, Benjamin, Jean-Baptiste Péretié. Camus brûlant. Paris: Stock, 2013. isbn 9782234074828. 128p.
Ben Jelloun, Tahar. L’Ablation. Paris: Gallimard, 2014. isbn 9782070144129. 144p.
Rachid O. Analphabètes. Paris: Gallimard, 2013. isbn 9782070139101. 128p.
Binebine, Mahi. Le Seigneur vous le rendra. Paris: Éditions Fayard, 2013. isbn 9782213670843. 208p.; Casablanca: Le Fennec, 2013. isbn 9789954167533. 184p.

À la suite de Maissa Bey dans L’Ombre d’un homme qui marche au soleil (2004), c’est au tour de Kamel Daoud et Salim Bachi de faire revivre Albert Camus comme personnage à travers leurs écrits.

Daoud, Kamel. Meursault, contre-enquête. Arles: Actes Sud, 2014. isbn 9782330033729. 160 p.

Meursault, contre-enquête, le premier roman de Kamel Daoud, nous présente le témoignage du frère cadet de “l’Arabe,” personnage assassiné par Meursault dans L’Étranger (1942). Ce frère, un vieil homme nommé Haroun, entreprend de restituer un état civil, une généalogie et une histoire personnelle au personnage romanesque dont l’anonymat et l’apparition aussi courte que dénuée de sens avaient poussé Edward Saïd—et Mouloud Mammeri bien avant lui—à voir en Camus un auteur enserré dans l’inconscient colonial.

La raison de cette omission? Le premier savait raconter, au point qu’il a réussi à faire oublier son crime, alors que le second était un pauvre illettré que Dieu a créé uniquement, semble-t-il, pour qu’il reçoive une balle et retourne à la poussière, un anonyme qui n’a même pas eu le temps d’avoir un prénom. Je te le dis d’emblée: le second mort, celui qui a été assassiné, est mon frère. Il n’en reste rien. Il ne reste que moi pour parler à sa place, assis dans ce bar, à attendre des condoléances que jamais personne ne me présentera

(11).

Soir après soir, dans un bar d’Oran, Haroun—puisque tel est le nom du narrateur—témoigne ainsi de l’existence de son aîné, Moussa Ouled El-Assasse. Il s’agit, sous la forme d’un long monologue, de rétablir les faits, ceux d’une histoire complète qui donnerait enfin la parole aux victimes, ainsi qu’un certain “équilibre” (16). À cette fin, Haroun s’emploie à apprendre le français et à perfectionner sa maîtrise de la langue jusqu’à pouvoir rendre la monnaie de sa pièce au personnage-auteur que devient Meursault-Camus. Il faut alors maîtriser la langue du dominant, ce butin de guerre cher à Kateb Yacine:

Le meurtrier est devenu célèbre et son histoire trop bien écrite pour que j’aie dans l’idée de l’imiter. C’est sa langue à lui. C’est pour-quoi je vais faire ce qu’on a fait dans ce pays après son indépendance: prendre une à une les pierres des anciennes maisons des colons et en faire une maison à moi, une langue à moi.

(12) [End Page 202]

C’est simple: cette histoire devrait donc être réécrite, dans la même langue, mais de droite à gauche. C’est-à-dire en commençant par le corps encore vivant [. . .].

(16)

Reprenant la diégèse du meurtre camusien tout en l’éclairant d’une perspective inédite, Haroun procède diligemment et de façon ludique à rectifier les “erreurs” du roman de son prédécesseur ainsi qu’à le détourner à ses propres fins: “l’histoire de ce meurtre ne commence pas avec la fameuse phrase, ‘Aujourd’hui, maman est morte,’ mais avec [. . .] ce que mon frère Moussa a dit à ma mère [. . .] ‘Je rentrerai plus tôt que d’habitude’” (20); la prostituée de Raymond et sœur présumée de “l’Arabe” s’avère être Zoubida, l’amie de Moussa; la journée à la plage que passe...

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