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  • Un autre mal du siècle. Le Romantisme des romancières 1800–1846
  • Aimée Boutin
Bertrand-Jennings, Chantal. Un autre mal du siècle. Le Romantisme des romancières 1800–1846. Toulouse, France: Universitaires du Mirail, coll. Cribles, 2005. Pp. 166. ISBN 2-8581-6783-4.

Dans Un autre mal du siècle: Le Romantisme des romancières 18001846, Chantal Bertrand-Jennings cherche à identifier les spécificités communes aux textes des romancières, dues aux ressemblances du vécu féminin dans une même société à une même époque, en l'occurrence la première moitié du XIXe siècle, période de mise à l'écart et d'exclusion progressive des femmes. Elle montre que les personnages des romancières souffrent différemment du "mal du siècle", car leur malaise est ancré dans le social, que [End Page 478] le protagoniste combat activement.

C'est une thèse que Bertrand-Jennings avait déjà ébauchée dans D'un siècle l'autre: romans de Claire de Duras (2001) et qu'elle élargit maintenant à l'ensemble des romancières de la période "romantique", c'est-à-dire ici de Germaine de Staël à George Sand. C'est d'ailleurs, dans le chapitre sur les romans durassiens dans Un Autre Mal du siècle (chapitre 3), que Bertrand-Jennings développe le mieux sa conception de l'exclusion et du déplacement de l'altérité absolue sur la différence sexuelle. Selon Bertrand-Jennings, Ourika critique l'exclusion des femmes par le biais de l'aliénation raciale. (Son interprétation subordonne par conséquent les questions raciales à celles du genre sexuel et passe sous silence le contexte antiesclavagiste du roman). Chez Mme de Duras comme chez les autres romancières, la condition féminine est déplacée par métonymie sur d'autres distinctions sociales, de l'ordre de la race, de la classe sociale, de l'infirmité, de la religion, de l'occupation.

Tenir compte des romancières romantiques change la définition traditionnelle que l'on a du romantisme, essentiellement introspectif. Au contraire, les textes de femmes, très souvent orientés vers l'autre, sont traversés par un souci social qui annonce déjà le romantisme social et même le réalisme. Suite au travail de Margaret Cohen, l'ouvrage de Bertrand-Jennings rappelle l'importance d'une réévaluation du roman sentimental féminin et le rôle de l'apport des femmes dans le développement de l'esthétique réa-liste, un mouvement littéraire qui comptent peu de femmes.

Bertrand-Jennings recherche une vue d'ensemble; cela résulte parfois en plus de concision qu'on ne souhaiterait, notamment dans le traitement de la littérature sentimentale, en général moins connue, par des romancières telles que Genlis, Cottin, Krüdener, Gay, Allart de Méritens et D'Agoult (chapitre 2). Les œuvres en prose de Desbordes-Valmore, corpus sur lequel les critiques se sont peu penchés, ont droit à leur propre chapitre (le quatrième); mais la thématisation de la marginalisation dans Huit Femmes, L'Atelier d'un peintre, les Contes, et Domenica méritait un traitement plus élaboré.

Dans le sixième chapitre, Bertrand-Jennings lit Lélia dans la lignée des romancières romantiques étudiées précédemment pour montrer que l'héroïne de Sand doit s'exclure volontairement d'une société qui la rejette comme Ourika, mais qu'elle ne souscrit plus à la religion de l'amour qui avait entraîné le sacrifice du protagoniste féminin. Gabriel/le est une autre exclue de l'univers fictionnel sandien qui en compte beaucoup. En dotant Gabriel/le d'une double nature, Sand va plus loin que ses prédécesseurs (où on trouve des inversions des rôles sexuels traditionnels) et déconstruit le genre sexuel pour en révéler la construction sociale. Les origines sociales de l'exclusion et du mal du siècle sont à nouveau représentées.

L'ouvrage aborde deux questions jumelées qui me paraissent intéressantes: l'exclusion des parias va...

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