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Régis Debray: de l'idéologie à la médiologie Stéphane Spoiden Ce n'est pas une révolution, sire. C'est une mutation. Nanterre Dans la Révolution, il y a deux sortes de gens: ceux qui la font, ceux qui en profitent. Napoléon. Conservatoire Musique1 TRENTE ANS APRÈS, que reste-t-il de Mai 68? La question ne manque pas de laisser perplexe. Plusieurs commémorations n'ont-elles pas mille fois traité et retourné la question? La révolution tant annonc ée, c'est une évidence, n'a pas eu lieu, en tout cas pas dans ses acceptions léniniste et castro-guévariste de l'époque. Cependant, des changements fondamentaux , voire des mutations dans la société française, dit-on, furent enregistr és. Les droits du citoyen, la liberté syndicale et bien d'autres avancements sociaux ont progressé. Des analyses complaisantes ont souvent argué de l'héritage droit-del 'hommiste ou tiers-mondiste de Mai 68. L'autre camp, si j'ose dire, plus divisé sur les arguments et les réactions, a octroyé aux mêmes événements une place aussi grande dans l'histoire socio-culturelle, mais d'une autre teneur. Mai 68 aurait sonné la fin de la résistance à une société de consommation et servi de rampe de lancement définitif au néolibéralisme qui pointait à l'horizon . On oublie souvent qu'à l'époque Margaret Thatcher et Ronald Reagan, les futurs héros politiques du néolibéralisme, officiaient déjà dans les coulisses du pouvoir anglo-américain avant de devenir les leaders des années 80. Mai 68, donc, constituerait le tournant définitif d'une société vers une culture individualiste et de mentalité marchande, comme le constatent avec molle bienveillance les ouvrages de Gilles Lipovetsky2, ou comme le déplore amèrement Régis Debray dans ses commentaires 10 ans après les événements3. Les variantes entre ces deux positions sont nombreuses, j'en conviens, d'autant plus qu'apparaissent régulièrement de nouvelles lectures, de plus en plus souvent à charge de l'accusé soixante-huitard. En ces temps d'ultralib éralisme économique et du reflux socio-politique qui l'accompagne, il est désormais de bon ton dans les deux camps d'imputer à ce "mois maudit", ou plus précisément à ce qu'il a inspiré, tous les maux de la société actuelle. Le socio-économique ne détient plus l'exclusivité des commentaires. Récemment , des esprits désolés d'une hypothétique impasse sexuelle, n'ont pas Vol. XLI, No. 1 73 L'Esprit Créateur hésité d'en retracer les causes jusqu'à la non moins hypothétique révolution sexuelle de Mai. Je pense notamment à Jean-Claude Guillebaud dans son ouvrage La Tyrannie du plaisir4, ou au drolatique Michel Houellebecq dans Les Particules élémentaires, sans oublier son premier roman au titre bien soixante-huitard d'Extension du domaine de la lutte\ Mais dans le long cours de l'histoire politique et culturelle, que reste-t-il enfin à rappeler de ce "mythe fondateur" pour générations futures, sinon qu'il fut à la fois un cimetière, où sont venus s'échouer main dans la main révolution et marxisme, et un font baptismal qui consacrait la société du spectacle. Rien là de bien nouveau à rappeler sinon que ces deux éléments (révolution /marxisme et spectacle) se déclinent au présent en écologie et médiologie. Le rapport entre révolution et marxisme, façon Mai 68 du moins, et écologie me semble incontestable avec le retour, sous des couleurs vertes cette fois, de Daniel Cohn-Bendit sur les devants de la scène politique française et européenne. Et Jean-François Fourny nous en offre dans ce volume une excellente analyse. Ensuite, le rapport entre spectacle et médiologie fera l'objet de cet essai sur fond de traversée contradictoire de la deuxième moitié du vingtième siècle par Régis Debray, l'instigateur de ladite médiologie; tandis que le rapport entre écologie et médiologie sera l'occasion de préciser...

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