In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

D'où allons-nous? ou «la terre mentale» de Patrick Mialon Christian Moncelet « TF 'AUBRAC EST CE MIROIR qui nous renvoie l'image d'une anciI enne, d'une vraie humanité, que nous avons perdue de vue». De qui JL^sont ces lignes? D'un partisan vichyste du «retour à la terre», d'un néopasséiste ou d'un écolo-gauchiste des années postsoixante-huitardes? Ce constat est signé Patrick Mialon dans Désir d'AubracK La densité de son dire, la texture de son écriture et la qualité de son interrogation légitiment la place de cet écrivain dans ce volume, même s'il franchit les cadres génériques en s'adonnant à des textes généralement assez peu narratifs qui sont surtout des saisies picturalisées de «minutes heureuses» (comme dirait Georges Haldas après Baudelaire) ou des proses poétiques et méditatives. L'auteur prouve par là que désormais, paradoxalement allégés par la surcharge des alluvions idéologiques, nous pouvons enfin retourner sereinement, indemne d'une suspicion automatique, à la terre. Parler, ainsi et maintenant, d'une province est affaire de choix, de parcours délibéré, c'est comme filmer en noir et blanc quand les couleurs inondent les films, c'est comme écrire en vers nombres après l'extension du vers libre et du poème en prose. Patrick Mialon n'a aucune mauvaise conscience quand il écrit dans Le Ravissement du monde: 11 faut bien être de quelque part avant de prétendre être de partout. Que le sentiment de l'universalit é commence par la reconnaissance du particularisme. C'est à cette source que se nourrit ce qu'on appelait jadis «le sentiment du paysage», et qui fait qu'un lieu vous parle, vous émeut. Qui fait que vous le reconnaissez et que vous vous reconnaissez en lui. Rien de réactionnaire là dedans , cette re-connaissance, cette naissance au paysage dépassant largement, dans l'imaginaire, les frontières administratives des régions et même des États2. Entrons donc dans l'œuvre— récente et encore brève—de Patrick Mialon par une effraction grammaticale. Le problème de chacun n'est-il pas d'être confronté à une sorte d'omegalpha, à une vectorisation paradoxale de son parcours terrestre? Naissance, où est ta victoire? Terre fœtale, terre natale. A quoi meurt-on pour renaître? La paronomase mettrait-elle sur la voie? Un solécisme est-il capable de suggérer cette expérience pertinemment impertinente, étonnante et décisive? Je suggère de traduire en partie le célèbre «D'où venons-nous? Qui sommes-nous? Où allons-nous?» par le télescopage oxymorique : «D'où allons-nous?». 98 Summer 2002 Moncelet Le fait est là : un homme, natif de Langogne, jeune arpenteur lozérien des environs (le Gévaudan, T Aubrac, de Nasbinals à la Dômerie, de Marchastel à Espalion...) qui a bourlingué, adulte, en Angleterre, en Irlande, en Amérique, en Italie, en littérature et dans les espaces picturaux, un homme, vers la quarantaine , retrouve sa région natale, perdue de vue sinon totalement oubliée. Le désir d'Aubrac serait-il d'abord un désir d'aube, de matin de soi? Comme d'autres, Patrick Mialon est né plusieurs fois. Deux fois dans le même endroit, au sud du Massif Central. La seconde, sur le mode mythologique, il est né de lui-même ou plus profondément de lui-même et d'une terre et, mieux encore, d'une terre écrite. Le pays renvoie à l'écriture, c'est pour l'auteur une question—osons le mot-valise—de litterritoire. Parmi les textes brefs qui composent Le Ravissement du monde, «Terre mentale» s'ouvre sur le vacillement d'une certitude empirique: «En quelque sorte, on pourrait dire que TAubrac n'existe pas». C'est justement à ce sujet qui semble se dérober que l'auteur consacre entièrement son Désir d'Aubrac. «Plus terre mentale que terre réelle»: l'expression se retrouve dans les deux livres (RM 18 et 72 et DA 63). Patrick Mialon s'éprouverait-il dans la preuve désirée de...

pdf

Share