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  • Les représentations des travailleurs migrants: L’exemple des Chinois à Québec dans la presse quotidienne (1891–1926)
  • Christian Samson (bio)

La présence migrante chinoise au Canada remonte à la ruée vers l’or de 1858, sur la rivière Fraser, en Colombie-Britannique actuelle. Un contexte économique précaire ainsi qu’une discrimination raciale de plus en plus marquée inciteront quelques Cantonais à tenter leur chance dans d’autres régions du Canada, dans les années suivantes1. Ceux-ci ont profité, à partir de 1885, du chemin de fer transcanadien, qu’ils ont contribué à bâtir, pour se déplacer plus facilement dans le pays2. Ils se sont présentés au Québec à compter de la dernière décennie du dix-neuvième siècle. La grande majorité a aménagé à Montréal, soit la métropole de la province3. Quelques-uns ont même choisi de s’implanter dans la ville de Québec. Entre le recensement de 1891 et la passation de la loi fédérale d’exclusion de 1923, ce groupe est passé [End Page 117] de 2 à 450 individus4. À partir de cette date, le nombre de Cantonais de Québec a subi une lente décroissance jusqu’à la fin des années quarante5. Comme ailleurs en Amérique du Nord, ils ont dû affronter un climat d’hostilité à leur endroit6.

Cette communauté ethnoculturelle se composait presque exclusivement d’hommes seuls, d’origine paysanne et sans beaucoup d’éducation. Ils se sont concentrés principalement dans les domaines de la restauration et de la blanchisserie7. Ils ont ouvert plusieurs commerces dans ces sphères économiques, car cela ne leur demandait pas un investissement financier trop important. De plus, les risques de fermeture n’entraînaient pas de conséquences négatives. En 1910, on dénombrait déjà pas moins de vingt buanderies chinoises à Québec. Les Cantonais devaient travailler de longues heures pour être en mesure de mettre un peu d’argent de côté. Il n’était pas rare de les voir s’affairer six ou sept jours par semaine, et ce, plus de quatorze heures par jour. Ils pratiquaient des tarifs très bas pour attirer une clientèle locale qui n’était pas très fortunée elle non plus. Pour éviter les dépenses inutiles, ils étaient souvent plusieurs à se partager de minuscules appartements adjacents à leur lieu de travail. Après quelques années de présence à Québec, certains Chinois ont amassé suffisamment d’argent pour ouvrir de petits restaurants qui servaient des mets chinois adaptés aux goûts des Occidentaux. Des plats tels que le Chop Suey étaient particulièrement appréciés par les consommateurs occidentaux de cette époque8. Certains membres de cette communauté ont [End Page 118] inauguré aussi des commerces répondant spécifiquement aux besoins des leurs9. Par exemple, une boutique faisant l’importation de produits chinois et japonais opérait sur la rue Saint-Jean au début du vingtième siècle.


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Publicité pour une épicerie chinoise dans la haute-ville de Québec. Quebec-Chronicle, 7 septembre 1909, p. 8.

Credit: Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Les principaux quotidiens de Québec10, tels que L’Action Catholique, Le Soleil et le Quebec-Chronicle, ne sont pas restés indifférents à la présence de cette minorité ethnoculturelle au cours des trente-cinq années qui se sont écoulées entre leur arrivée à Québec et les quelques années suivant la passation de la Loi d’exclusion des Chinois de 1923, laquelle loi est venue restreindre presque complètement leur migration au Canada. Différentes représentations reliant cette minorité à l’économie ont circulé dans la presse écrite de la ville. Cette étude s’efforcera donc de définir les représentations prédominantes par [End Page 119] rapport à l’ensemble des phénomènes économiques rattachés aux travailleurs cantonais dans les premières années du vingtième siècle. Par la même occasion, nous tenterons d’attester l’hypothèse sugg...

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