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  • Adieu, Gérard
  • Nadève Ménard

D’aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours été entourée d’oncles et de tantes, de cousins et de cousines, en plus des grands-parents, et de leurs frères, sœurs, et cousins à eux. Parmi tout ce monde, Rolph était une présence constante. A Brooklyn, à Delmas, à Baltimore. Il avait pris l’habitude de m’appeler Gérard assez tôt, et je l’appelais aussi ainsi, sans savoir pourquoi. Sans doute, je ne le saurai jamais. Toujours est-il que je ne peux pas penser à mes années Baltimore sans penser à Roro. Parmi les autres petits boulots que j’avais sur le campus de Johns Hopkins, je travaillais à l’Institut qu’il dirigeait. J’y ai appris tant de choses—comment changer les cartouches d’encre des photocopieuses énormes, l’importance des notes de remerciement, les techniques de base de la transcription et de la traduction. Je ne le savais pas encore, mais ces heures passées à l’Institute for Global Studies in Culture, Power, and History ont joué un rôle capital dans ma formation comme chercheure. Comment oublier le temps passé au sous-sol de la bibliothèque à la recherche des annales des réunions du Parlement français pour les notes en bas de page de Silencing the Past ?

Ainsi, je trouve tout à fait logique que le premier volume que j’organise en tant qu’éditrice invitée soit celui dédié à Rolph. Même s’il s’agit d’un volume qui sort de mon champ d’expertise, étant donné que je ne suis ni anthropologue ni historienne. Je remercie ici Claudine Michel qui m’a confiée cette tâche sans hésitation, Patrick Bellegarde-Smith qui m’a accompagné au début du projet, et Rose Elfman qui en a fait son baptême de feu au JOHS. Je pense que Roro aurait été content de cet ensemble de textes écrits en langues différentes, issus de disciplines variées, produits par des chercheurs d’horizons divers, travaillant dans des contextes distincts. Il aurait été content de constater aussi, je crois, les parents, les amis, les anciens étudiants et collègues qui ont travaillé ensemble pour lui rendre hommage, à sa vie, ainsi qu’à son œuvre. Et à la fin de cet ensemble d’essais, j’ai trouvé bon d’inclure des notes de lecture (par Jocelyne Trouillot-Lévy [End Page 6] et Jason Antrosio) pour son premier et son dernier livre publiés, façon concrète de montrer le chemin parcouru.

En plus de m’appeler Gérard, Roro avait aussi l’habitude de me souhaiter une bonne année quand je partais de son bureau en fin de journée. Je lui disais : « Male. See you tomorrow. » Et lui, de me répondre : « Happy New Year. » Allez savoir pourquoi. Ce sens de l’humour qu’évoque son ami Drexel Woodson n’était jamais loin. Mais si Roro avait un rire particulier, il avait aussi un sens très poussé du travail intellectuel et du cheminement professionnel. Il prenait son rôle de mentor très au sérieux, prodiguant des conseils même quand je ne lui avais rien demandé. Quand j’essayais de choisir un programme de troisième cycle, à chaque lettre d’acceptation que je recevais, il faisait appel à son propre classement mental pour me dire s’il fallait dire oui ou pas. J’ai trouvé l’exercice très agaçant. Mais je dois avouer que j’ai suivi son conseil et ai poursuivi mes études dans le département qu’il avait désigné comme étant le meilleur parmi mes options, à l’Université de Pennsylvanie. L’essai d’Ethel Hazard illustre cette vocation de professeur et de mentor qu’avait Rolph.

Cependant, l’identité de Rolph ne se confinait pas aux institutions académiques. Si moi, je pense à l’oncle, l’affection et la tendresse qu’il a portées à ma fille dès sa naissance, par exemple, la plupart des lecteurs des essais qui suivent penseront au chercheur, à l’intellectuel. L’essai de Colin Dayan met parfaitement en contexte cet aspect de Roro, dressant...

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