In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Les procureurs du Midi sous l’Ancien Régime by Claire Dolan
  • Sylvie Perrier
Dolan, Claire – Les procureurs du Midi sous l’Ancien Régime, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, 286 p.

Spécialistes de la procédure, les procureurs occupaient une place stratégique au sein du système judiciaire français sous l’Ancien Régime. Contrairement aux avocats, formés dans les universités et experts du droit, les procureurs se plaçaient plutôt en position d’intermédiaires entre les justiciables et l’institution judiciaire, praticiens les guidant dans le dédale des cours et des démarches procédurières. C’est sur eux que l’historienne Claire Dolan a choisi de braquer ses feux, plus spécifiquement sur les procureurs du sud de la France (Aix-en-Provence, Marseille, Toulouse et Grenoble), dans ce livre qui se lit non pas comme une synthèse mais plutôt comme une vaste expérience méthodologique sur un sujet particulièrement difficile à documenter. L’auteure met sa considérable expérience des archives et sa vaste connaissance du monde judiciaire au service de cette enquête qui multiplie les perspectives sur le métier de procureur et sur les hommes qui en ont accompli les tâches.

L’un des grands mérites de ce livre est la totale transparence de son auteure face à sa démarche. Les enjeux sont clairs, les sources et méthodes sont minutieusement décrites et les limites de la preuve, et donc de l’argumentation, sont exposées sans détour. De son propre aveu, « ce livre s’agite en diverses directions, sans toujours refermer les portes qu’il franchit » (p. 12). Dolan a ainsi choisi de poser toutes les questions pertinentes sans nécessairement avoir à sa disposition le matériel pour y répondre de manière satisfaisante, ce qui rend parfois la lecture de l’ouvrage un peu frustrante. En revanche, on ne peut qu’admirer sa virtuosité méthodologique et la grande rigueur de ses analyses. Bref, si elle ne referme pas toutes les portes ouvertes, elle laisse des pistes excitantes et, surtout, un modèle à suivre pour les historiens du domaine.

La première partie de l’ouvrage s’attache à replacer le procureur dans son environnement urbain et professionnel, dans lequel le Palais de justice occupait une place centrale. Nuançant les interprétations de l’historien Robert Jacob sur la symbolique de l’organisation spatiale du Palais de justice, Dolan évoque la coexistence de multiples juridictions au sein d’un même bâtiment et l’attribution d’espaces à chacune, selon des hiérarchies subtiles, mais aussi des contraintes pratiques. Le Palais d’Aix-en-Provence était donc au carrefour de toutes les juridictions, mais incarnait également la confusion apparente des divers niveaux de justice. L’enceinte du Palais de justice accueillait aussi des commerçants et [End Page 250] bruissait d’une activité commerciale et juridique soutenue. Les professionnels de la justice évoluaient dans cet espace, du simple commis au magistrat en passant par le procureur, et contribuaient ainsi à la création d’une culture du Palais partagée par tous et les distinguant du reste de la population.

C’est à partir de la seconde partie que Dolan mobilise toutes les techniques de l’histoire sociale et de l’histoire de la famille pour aboutir à une vision nuancée de la charge de procureur et de son impact social. Une des questions centrales traitées concerne la transformation de la charge du procureur en un office vénal héréditaire. Cette évolution n’a pas suivi un processus linéaire, avec de fréquents allers-retours entre la fin du XVIe siècle et le milieu du siècle suivant, ni ne fut-elle d’emblée harmonisée, les édits royaux ayant rencontré des résistances, notamment à Toulouse. Les diverses modulations des prix, des frais et du nombre d’offices disponibles ont incité les communautés de procureurs à devenir des joueurs plus actifs dans ce système dans le but d’en atténuer les effets indésirables. Devenu un patrimoine autour duquel s’est constitué un...

pdf

Share