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  • Introduction
  • Yves Frenette (bio)

Le hasard fait parfois bien les choses. Dans les derniers mois, la rédaction d’Histoire sociale / Social History a reçu trois textes portant sur les communautés religieuses de femmes au Québec et en Ontario. Il nous a semblé intéressant de les regrouper dans un dossier, puisque ces deux articles et cette note de recherche témoignent des progrès de l’historiographie sur les ordres religieux féminins, ellemême au diapason de l’historiographie du genre et du religieux.

Longtemps l’apanage de sœurs et de prêtres qui visaient à faire œuvre hagiographique et à faire connaître la contribution sociétale des religieuses1, le regard historique sur les communautés féminines canadiennes-françaises connut une véritable révolution à partir de 1980 dans la mouvance de l’histoire des femmes. Parurent alors des travaux qui sortaient presque les religieuses de l’Église pour en faire des agentes de leur destinée. Comme les travailleuses et les filles de bonne famille, les membres des communautés religieuses acquirent alors, sous la plume d’historiennes talentueuses, une autonomie dans un monde dominé par les hommes, du simple vicaire à l’archevêque en passant par le curé de campagne. En fait, ces chercheures peignaient des femmes qui négociaient et résistaient2. On [End Page 1] retrouve les mêmes tendances au Canada anglais, mais avec un certain décalage, en raison sans doute du caractère minoritaire du catholicisme, voire de sa marginalité au sein de sociétés largement protestantes3. Donc, d’une part on était en présence d’histoires de communautés rédigées de l’intérieur et dénuées de sens critique, de l’autre paraissaient des études d’histoire sociale qui analysaient le rapport des religieuses à la société globale et insistaient sur les relations hommes-femmes. Si la spiritualité des sœurs occupait une place centrale dans les premières, elle était absente des secondes. Avec les années, il y eut toutefois convergence des deux perspectives4.

C’est dans cet esprit que s’inscrivent les trois textes de la section thématique que nous présentons aux lecteurs d’Histoire sociale / Social History. À partir des archives des Petites Sœurs de la Sainte-Famille, communauté vouée au service des prêtres et des collèges classiques, Louise Bienvenue et Guy Laperrière montrent que ces « servantes du Bon Dieu5 », affublées de divers quolibets, étaient conscientes des rapports de sexe inégaux associés à leur oeuvre, comme en faisaient foi les négociations souvent âpres qu’elles menaient avec les diocèses et les directions des collèges, dont l’enjeu pour elles était de préserver leur sens du don.

Les mêmes tensions existaient au couvent des Sœurs de Saint-Joseph à North Bay. En s’appuyant sur une variété de sources, y compris des photographies et des entrevues réalisées avec des religieuses âgées, Jennifer Hough Evans et Katrina Srigley pénètrent à pas feutrés dans le quotidien et l’univers mental de religieuses dont le don à Dieu ne se traduisait pas nécessairement par l’austérité. L’identité de ces femmes était modulée par leur vocation d’enseignantes et l’environnement du Nord de l’Ontario, où elles trouvaient l’harmonie voulue par le Créateur. Toutefois, les Sœurs de Saint-Joseph participaient à l’entreprise coloniale canadienne à l’égard des Autochtones. L’article de Hough Evans et Srigley constitue en outre une réflexion stimulante sur les relations complexes entre histoire et mémoire.

À première vue, la note de recherche d’Andrée Dufour est un simple exercice d’histoire sociale d’une institution féminine d’enseignement dirigée par une communauté religieuse dans les deux décennies précédant la Révolution tranquille. L’auteure situe d’abord la fondation du Collège Marguerite-d’Youville de Hull par les Sœurs grises de la Croix d’Ottawa dans l’évolution des collèges classiques de filles au XXe siècle. Puis elle analyse le corps étudiant...

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