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  • Jean-Jacques Rousseau: la tension et le rythme by Arnaud Tripet
  • Jean-François Perrin
Jean-Jacques Rousseau: la tension et le rythme. Par Arnaud Tripet. (L’Europe des Lumières, 20). Paris: Classiques Garnier, 2012. 158 pp.

L’auteur est bien connu pour son excellent ouvrage sur La Rêverie littéraire (Genève: Droz, 1979). L’attente suscitée par celui-ci est à proportion. Cependant, elle sera déçue si l’on recherche une articulation à l’état actuel de la critique rousseauiste, qu’il s’agisse de la relation de Rousseau avec les Lumières (cf. Mark Hulliung), de la formation de ses concepts (cf. Bruno Bernardi), de son rapport à la rhétorique, du renouvellement de l’approche de ses écrits esthétiques et musicologiques, etc. Cet essai dédaigne la modernité et propose une méditation inactuelle (quoique proche des thèmes de Jean Starobinski et de Marcel Raymond) sur le rythme rousseauiste saisi comme un vivre-penser-écrire sur la partition du temps humain. Neuf brefs chapitres offrent un parcours en spirale liant l’approche biographique (chapitres 1 et 2) à l’étude chronologique des écrits philosophiques: les deux Discours, le Contrat social, Émile (chapitres 3–5), puis à l’étude des Confessions et des Rêveries, avant de se boucler sur une étude de l’art de l’écrivain, particulièrement celui du portrait. Convaincu du caractère ‘dialectique’ du style intellectuel de son auteur, Arnaud Tripet réfléchit sur ‘l’alternance et l’accord’ dans sa vie affective depuis l’enfance, aussi bien que sur le tremblé de l’identité selon fixation et ouverture. Entre les commencements et la déchéance, l’innocence et le changement, Rousseau cherche le passage, voire le cristallise dans l’écriture pour ralentir le temps. D’où, dans Émile, la problématique de la ‘tension’ entre enfance selon la nature et assomption du devenir adulte; ou plus généralement, entre affrontement au monde et souhait de lui échapper. C’est la dialectique classique du retrait et de la ressaisie que suit le chapitre ‘Retour à soi’, selon un mouvement de ‘réappropriation’ lisible autant dans le rythme des Confessions que dans le développement d’une ‘pensée de l’individu’. Les chapitres sur la mémoire et la rêverie ramènent la question du rapport au devenir qui est le fil secret de l’essai: dès la page 45, le thème du ‘premier commencement’, et plus globalement celui de la (re)naissance, était ainsi placé dans la perspective d’une échappée au temps, à travers l’analyse de l’accident de Ménilmontant. Rousseau rêve d’une naissance ‘sans prolongement’ ou indéfiniment prolongée par les pouvoirs de l’écriture; parallèlement dans la théorie, la scansion narrative de la charnière du second Discours entre l’état de nature (qui durait mais sans mémoire) et l’entrée dans le temps social, peut être lue comme un essai pour prolonger l’aurore entre mémoire naissante et oubli originaire. Se souvenir de soi pour oublier l’aliénation par le temps humain serait ainsi une clef [End Page 106] de la mémoire rousseauiste. Tripet dialogue ici implicitement avec Georges Poulet: c’est à la fois une séduction (de nostalgie méditative), et sans doute une faiblesse pour qui se soucie des problèmes de poétique narrative qui se trouvent impliqués.

Jean-François Perrin
Université de Grenoble
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