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  • Les Revenantes. Charlotte Delbo: la voix d'une communauté à jamais déportée
  • Annelies Schulte Nordholt
Les Revenantes. Charlotte Delbo: la voix d'une communauté à jamais déportée. Sous la direction de David Caron et Sharon Marquart. (Cribles). Toulouse: Presses universitaires du Mirail, 2011. 232 pp.

Jusqu'à ce jour, la trilogie romanesque de Delbo, Auschwitz et après, parue au début des années soixante-dix, a suscité peu d'études monographiques en français. C'est pourquoi le présent volume collectif est d'autant plus le bienvenu. Il vient d'Outre-Atlantique, où, depuis sa traduction américaine ( 1995), l'oeuvre de Delbo a été très étudiée dans le cadre des 'Holocaust Studies'. Tout en s'appuyant largement sur celles-ci, les auteurs proposent une lecture de Delbo à travers la notion de 'communauté' de Jean-Luc Nancy. En effet, selon David Caron et Sharon Marquart, 'la communauté est partout, chez Charlotte Delbo' (p. 9): c'est celle des déportés d'abord, qui, grâce à leur solidarité, résistent à la destruction programmée; celle, ensuite, des survivants, des 'revenants' (Delbo), qui après leur retour se sentiront à jamais liés à ceux et celles qui ont péri. La communauté des déportés, comme celle de Nancy, est basée non sur des traits communs entre ses membres, mais sur leur différence, sur leur solitude respective. Une telle approche a l'avantage de dépasser le niveau descriptif. Plusieurs articles s'interrogent sur le 'nous' si typique de Delbo, comme dans le titre Aucun de nous ne reviendra. S'agit-il de celles et ceux qui périssent? De celles et ceux qui survivent et reviennent? Toute l'oeuvre de Delbo est une tentative de sauvegarder la mémoire des victimes, en réclamant que leur nom soit entendu. Un autre enjeu qui revient tout au fil de ces articles, c'est la place à accorder au lecteur. Sa place est évidemment très grande quand on considère les multiples appels directs qui lui sont lancés dans la trilogie. Le lecteur est-il pour autant partie prenante dans ce 'nous'? C'est là que se dessine une controverse intéressante dans ce volume: pour les uns, le lecteur est un 'témoin du témoin' (Shoshana Felman et Dori Laub), il participe à l'expérience du déporté au point de souffrir avec lui; pour les autres, le témoignage offert par Delbo demeure 'sans intimité', d'une distance désormais indé passable, qui se révèle dans toute une série de figures de style créant un effet d"aliénation esthétique' (p. 80). Cette dernière conception est certes la plus proche de la communauté de Nancy, qui est une 'communauté sans communauté'. Cette approche par le biais de la notion de communauté a un seul inconvénient: c'est que les divers articles ont tendance à répéter les mêmes mantras sur la communauté nancyenne, mais aussi à se baser sur les mêmes passages de la trilogie. Ainsi, l'incipit du premier volume se trouve-t-il cité bien trois fois dans divers articles. Il s'agit toutefois d'une imperfection mineure qui n'enlève rien à l'intérêt de cette série d'articles.

Annelies Schulte Nordholt
Universiteit Leiden
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