Alain Robbe-Grillet: balises pour le XXIe siècle (review)

Ce volumineux recueil consacré à Alain Robbe-Grillet, disparu en 2008, ne rassemble pas moins de trente-huit articles, fruits d’une conférence internationale organisée à Ottawa en 2009 par Roger-Michel Allemand et Christian Milat, auteurs d’ouvrages majeurs sur l’œuvre robbe-grillettienne et éditeurs du présent volume. L’objectif annoncé (présenter un bilan des études existantes tout en offrant de nouvelles pistes de recherche) peut paraître ambitieux, étant donné la diversité des approches retenues et la pluralité de l’œuvre (théorique, filmique, littéraire). Le défi est toutefois pleinement relevé. La première partie associe habilement l’homme et l’œuvre: R.-M. Allemand propose un commentaire d’un film-portrait de l’auteur; François Jost évoque celui qui, sous des allures de provocateur mêlant vérité et mensonge, ‘s’avançait, non pas masqué, mais au contraire à découvert’ (p. 66); Galia Yanoshevsky analyse ‘la mise en scène d’un je multiple’ (p. 73) à partir d’entretiens et d’émissions; Éric Le Calvez rapporte enfin son expérience de retranscription éditoriale, examinant, tableau détaillé à l’appui, les variations entre les productions orale et écrite. Parmi les contributions de la deuxième partie, consacrée aux ‘styles d’une œuvre’, signalons celles de Frank Wagner, qui réévalue la place de l’histoire racontée chez Robbe-Grillet, et de Patrick Rebollar sur les jeux relatifs à l’hétérogénéité des genres et à la mise en abyme,entre autres ‘vices des formes’ (p. 177). La troisième partie se penche sur la dimension subversive et ludique de l’œuvre dans ses rapports aux arts visuels et à la peinture en particulier, avec des analyses sur les jeux spéculaires et le rôle dévolu au corps féminin: Ben Stoltzfus fait une comparaison entre Magritte et Robbe-Grillet, et Márcia Arbex une étude des représentations picturales dans les textes de fiction. Notons aussi, entre autres articles, celui de Tara Collington sur La Reprise, qui interroge le travail interprétatif du lecteur-spectateur. Une approche psychanalytique prévaut dans la quatrième partie. Alliant avec bonheur sensibilité et érudition, R.-M. Allemand prend en compte les figures de la paternité et la question de la descendance. Avec ‘Le Non-dupe erre: Robbe-Grillet et l’inconscient’ (p. 274), Anthony Chadwick fait appel à l’approche lacanienne pour cerner la position ambiguë de l’écrivain. Les autres contributeurs s’attachent au mythe d’Œdipe pour interroger les images et les fantasmes récurrents dans plusieurs textes dont La Jalousie, Les Gommes, La Reprise ou Romanesques. La cinquième partie explore la dimension théorique de la pensée robbe-grillettienne et les influences de philosophes et penseurs tels Kierkegaard, Sartre, Barthes et Bachelard. Dans le seul article en anglais, Hanna Meretoja procède à une étude fouillée de questions d’éthique et d’ontologie. Parmi les autres essais, celui de Sophie Beaulé explore le rapport entre le chronotope du labyrinthe et les littératures de genres. Parallèles et écarts entre Robbe-Grillet et d’autres auteurs (Sarraute, Simon, Duras) font l’objet de la sixième partie, qui s’ouvre sur un essai de Bernard Valette consacré à la triple révolution (esthétique,épistémologique et politique) du nouveau roman. Soulignons aussi la fine analyse de C. Milat, qui montre de manière convaincante ce que Robbe-Grillet doit aux théories barthésiennes. Le volume se clôt sur des études qui replacent l’œuvre dans la perspective du postmodernisme ou en retracent les grandes étapes et revirements subversifs. Shawn Duriez dresse un parallèle intéressant avec l’œuvre d’Antoine Volodine où se retrouvent questionnement et subversion des idéologies et discours dominants. C. Milat analyse quant à lui Un roman sentimental 2007, ‘dernier “nouveau roman” d...