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Reviewed by:
  • Annie Ernaux: Socio-Ethnographer of Contemporary France
  • Nora Cottille-Foley
Annie Ernaux: Socio-Ethnographer of Contemporary France. Edited by Alison S. Fell and Edward Welch. (Special issue of Nottingham French Studies, 48.2 (2009)). Nottingham: University of Nottingham, 2009. iv + 93 pp. Pb £30.00; $60.00.

Cette collection d’essais prend des risques en rapprochant les écrits d’Annie Ernaux de ceux d’artistes au premier abord très différents de l’auteure. Cependant, des points [End Page 375] communs apparaissent. Nous apprenons que tout comme Ernaux, Colette met en scène un quotidien et une intimité vécus au féminin où les narratrices s’imposent comme sujets de leur désir sexuel. Ou encore qu’Ernaux et Duras partagent une certaine élaboration journalistique dans leur approche des faits divers. La représentation de Cergy-Pontoise comme un espace où se dissolvent les oppositions traditionnelles entre Paris et la province, la capitale et sa banlieue, le dedans et le dehors, la ville et la campagne, la foule et l’individu rapproche Ernaux de Rohmer. Lorsqu’elles montrent la réaction de personnes devant un distributeur automatique de billets, Calle et Ernaux réagissent à la société de contrôle en documentant ses effets et en explorant ses points aveugles. À travers ces essais, les comparaisons établies permettent de souligner des thèmes récurrents tels que l’autonomie d’action et l’engagement. Mais, de façon plus essentielle, les essais permettent de porter l’accent sur ce qui constitue l’originalité du projet ernalien. Les articles soulignent en particulier la dimension collective du Je chez Ernaux. Alors que, pour Duras, l’écriture journalistique est médiatisée par l’esthétique, le quotidien même d’Ernaux devient une forme d’engagement. Alors que Rohmer fait appel à une palette de couleurs pour exprimer les sentiments se dégageant de la vie à Cergy-Pontoise, Ernaux a recours à son propre quotidien. Les espaces publics et commerçants de la ville nouvelle forment la trame de sa routine journalière et de sa mémoire, lui permettant de transgresser les frontières entre l’intime et l’externe, le public et le privé. Pour Calle, bien que la visibilité soit une exigence dans une société soumise à la surveillance, cette visibilité peut rester opaque, non-révélatrice. Pour Ernaux, la visibilité est nécessaire à l’intégration socio-économique et communautaire. L’Usage de la photo (2005) traite en particulier de la visibilité du cancer. Tout d’abord refoulée dans les représentations sociales, elle est ensuite devenue un apanage héroïque dans la culture populaire. Le récit photographique d’Ernaux évite ces deux berges car il permet le dévoilement sans avoir recours aux clichés réconfortants. La collection est encadrée par deux textes qui se répondent, l’un dans lequel Ernaux insistait sur l’influence de Pierre Bourdieu sur ses propres œuvres, l’autre rappelant les reproches de déterminisme social adressés aux théories de Bourdieu. La question est de savoir si la dénonciation et la révélation des mécanismes de la violence symbolique dans l’œuvre d’Ernaux peuvent véritablement en faire une arme contre les discours dominants. Si Ernaux dénonce la violence symbolique inhérente au voyeurisme dans le spectacle qu’offrent les émissions de réalité, ne pourrait-on lui adresser le même reproche quant à ses journaux extimes? En outre, sa propre position privilégiée d’intellectuelle ne teinte-t-elle pas sa subjectivité? Cette collection d’essais a ainsi le mérite de conclure par une analyse qui problématise les précédentes, en particulier quant aux notions d’autonomie d’action, de visibilité et de subjectivité.

Nora Cottille-Foley
Georgia Institute of Technology
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