Abstract

L’image qu’un loup vorace suscite dans l’imaginaire médiéval renvoie à une sexualité doublement douteuse. La bête sauvage matérialise le désir aberré, discourtois, et déréglé, d’une part de l’animal et d’autre part de la personne qui la regarde. Dans le premier cas, la forme animalière d’un être humain (récit de métamorphose) ou la personnification d’un animal (fable), représenteraient une personnalité dévergon-dée. L’animalité aurait un terrain commun avec la lèpre, vue comme une maladie sexuelle. Dans le second cas, par une lecture moins symbolique et plus psychologique, la rencontre ou la connaissance d’ un loup extérioriseraient les désirs cachés, non apprivoisés et non avoués surgissant lors d’une expérience narcissique spontanée. Le loup-garou n’existerait pas vraiment, il serait le reflet (le signifiant) de la personne en face de lui. Ces deux associations au loup expliquent la motivation des actions de l’épouse du baron Bisclavret dans la première partie du lai de Marie de France. Ayant peur de partager la couche d’un monstre mais en même temps de se voir elle-même monstrueuse, elle s’empare de ses vêtements laissés lors de la transformation, espérant ainsi l’éliminer à tout jamais. Cependant, et ceci constitue le second point de ma réflexion, la bestialité de Bisclavret est trompeuse. Contrairement à l’image populaire du loup, la forme animalière représente ici plutôt une lutte idéologique, pas uniquement celle du désir d’appartenance à la cour féodale comme il a été souvent dit, mais aussi celle qui existe, chez un être, entre l’âme et le corps.

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