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  • Lettres atlantiques
  • William Marx
Saint-John Perse, T. S. Eliot, Allen Tate: Lettres atlantiques. Textes réunis, traduits et présentés par Carol Rigolot. (Les Cahiers de la NRF : Cahiers Saint-John Perse, 17). Paris, Gallimard, 2006. 288 pp. Pb €17.50.

L'affiche est alléchante: deux prix Nobel de littérature, un grand critique et poète américain, une correspondance croisée sur près d'un demi-siècle (1926–1970). Avec ce volume, Carol Rigolot, professeur à Princeton, poursuit sa belle entreprise d'édition de la correspondance de Saint-John Perse avec ses amis anglo-saxons, toujours attentive à révéler par contraste la façon dont le poète a sculpté sa propre statue pour la Bibliothèque de la Pléiade. La comparaison est édifiante, Saint-John Perse ayant gommé dans la Pléiade tout ce qui pourrait le mettre en position d'infériorité par rapport à ses correspondants. De ce point de vue, l'édition non-censurée procure une sorte de réparation morale: le poète français n'a-t-il pas trop facilement oublié, en effet, tout ce qu'il devait à ses amis? À Tate, la généreuse bourse Bollingen qui lui permit de survivre pendant son exil américain. À Eliot, rien de moins que sa magnifique traduction d'Anabase, laquelle fit beaucoup pour l'attribution du prix Nobel à Saint-John Perse. Ce dernier sait trop bien où se trouve son intérêt: dès qu'il comprend qu'après avoir [End Page 356] été couronné du Nobel, Eliot peut lui être utile pour recevoir le sien propre, le ton de la correspondance devient plus révérencieux. Les lettres sont rhétoriquement belles, du reste, où le poète d'Éloges manie l'art de la louange. Plus tard, après la disparition d'Eliot, à Tate qui voudrait voir Saint-John Perse participer à un numéro d'hommage de la Sewanee Review, le poète français oppose un silence incompréhensible, lui qui était pourtant si prompt à réclamer avec insistance à ses amis leur contribution lorsqu'un numéro de la NRF devait lui être dédié. La correspondance se clôt sur ce mystère, dûment souligné par l'éditrice, et sur lequel il convient peut-être de ne pas se pencher de trop près, si l'on souhaite conserver à la statue de Perse un peu de sa dorure. Au final, cette correspondance (à laquelle se joignent quelques extraits de lettres de et à Katherine Biddle, demi-sœur de la princesse de Bassiano) apporte un éclairage original sur les stratégies littéraires en cours de part et d'autre de l'océan: certains échanges montrent fort bien les différences de fonctionnement entre les revues françaises et américaines, et il y a là des documents indispensables à quiconque veut pénétrer les rouages du prix Nobel de littérature. Quelques remarques de détail, pour conclure. La conférence d'Eliot sur laquelle Tate porte un jugement si sévère n'est autre que le fameux texte 'The Frontiers of Criticism', prononcé à Minneapolis le 30 avril 1956, devant 14 000 spectateurs rassemblés dans un stade de base-ball. Dans la lettre du 10 février de la même année, la phrase anglaise Alexis left us today (qu'on peut reconstituer à partir de la traduction) aurait été mieux rendue par 'Alexis est parti aujourd'hui' que par le plus littéral 'Alexis nous a quittés aujourd'hui', qui semble référer à la mort du poète. Enfin, sur la photographie qui ouvre le volume, l'homme à qui parle Saint-John Perse n'est manifestement pas Eliot, contrairement à ce qu'indique la légende.

William Marx
Universite d'Orleans,
Institut universitaire de France
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