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  • Écrire et s’enfuir, dans l’ombre des Lumières: Henri-Joseph Dulaurens (1719–1793)
  • Édouard Langille (bio)
Stéphan Pascau. Écrire et s’enfuir, dans l’ombre des Lumières: Henri-Joseph Dulaurens (1719–1793). Paris: Les Points sur les I Éditions, 2009. 320pp. 25€. ISBN 978-2-35930-002-4.

Stéphan Pascau continue de rendre hommage à Henri-Joseph Dulaurens en publiant l’an passé, Écrire et s’enfuir, dans l’ombre des Lumières: Henri-Joseph Dulaurens (1719–1793). C’est la suite de son Henri-Joseph Dulaurens (1719–1793): Réhabilitation d’une œuvre, publié chez Champion en 2006. Ce dernier ouvrage établissait pour la première fois les «œuvres complètes » d’un auteur méconnu, même des dixhuitiémistes avertis, et annonçait la suite que voici.

Participant d’une recherche d’histoire et de critique littéraires, ce récent volet des travaux de Pascau propose une lecture unificatrice d’une œuvre qualifiée, à juste titre, de bigarrée. Le projet est fort bien mené. Si Dulaurens défie un classement de type « Lagarde et Michard », on ne le récupère pas moins dans le sillage de la littérature subversive (1740–70), textes de toutes sortes qui alimenteront l’esprit de la Révolution. Procédant alors à la mise en place de la biographie de Dulaurens, Pascau place son auteur sous le signe de la marginalité, en quoi il ressemble au non moins extravagant Fougeret de Monbron (1706–60), lui aussi poursuivi par les autorités pour ses écrits licencieux. On constate dans un cas comme dans l’autre, la même insatisfaction, la même verve satirique, et la même fuite devant la répression policière. Pour emprunter une formule de Franco Venturi, nous dirons que ces deux auteurs incarnent la « révolte » des années 1750–60. Révolte sentie dans tous les milieux littéraires — rappelons les déboires des encyclopédistes — mais vécue intensément par tout un « gibier à police » dans le monde de la littérature clandestine. On relira donc les pages que Venturi y consacre: « Ces accrochages avec la police sont un exemple caractéristique des rapports entre l’autorité et les écrivains à cette époque […] d’une génération qui s’est sentie comme prisonnière de Paris et de la France » (Europe des Lumières: recherches sur le 18e siècle [Paris, La Haye: Mouton, 1971], 93). Frondeur-né, le portrait qu’on laisse de Dulaurens est bien celui d’un homme incapable de se soumettre à l’autorité.

Henri-Joseph Laurent naquit à Douai en 1719. Son frère, médecin de la Marine royale et maire de Rochefort, change le patronyme de « Laurent » en Dulaurens. (Notons au passage que notre auteur n’a signé aucun de ses textes de son nom mais a toujours eu recours à des noms de plume farfelus tels que d’Henriville, M. L***, Monsieur D***, Brise-Crosses, Modeste-Tranquille Xan[g]-Xung. Ce sont plutôt les éditeurs, lors de rééditions non contrôlées par l’auteur qui ont affublé Henri-Joseph du pseudonyme « commercial » de Dulaurens.) Mais pour en revenir au jeune Henri-Joseph, celui-ci présente de rares et [End Page 245] précoces dispositions. À peine âgé de dix-huit ans, il fait profession solennelle chez les chanoines réguliers de la Trinité. Six ans plus tard il devient diacre, mais son esprit caustique lui attire bientôt l’hostilité de ses supérieurs. S’attaquant publiquement et de façon réitérée au jésuite Duplessis, Dulaurens finit par se faire haïr de la congrégation. Dans un effort pour le faire plier à ses volontés, celle-ci lui infligea des punitions d’une rare cruauté, cruauté dont, nous dit Pascau, l’œuvre de Dulaurens conserve le souvenir. Dans sa Galerie douasienne (1844) H. Duthilloeul explique que dans un premier temps on soumettait le prêtre rebelle à des punitions communes: « Mais ces punitions ne pouvant suffire à maîtriser l’âcreté de son esprit et la fougue de son caractère, on inventa pour lui une punition particulière. Dans une chambre vaste, au...

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