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  • Introduction:Regards croisés sur les communautés linguistiques de Montréal
  • Wim Remysen and Kristin Reinke

La région métropolitaine de Montréal se caractérise par une écologie linguistique originale qui la démarque des autres grandes agglomérations canadiennes et nord-américaines. Même dans une perspective internationale, Montréal représente un cas de figure unique parmi l’ensemble des espaces urbains marqués par la cohabitation de plusieurs communautés linguistiques en interaction. L’originalité de la composition linguistique de la ville est liée à la présence de trois groupes linguistiques et, surtout, à leur façon particulière d’interagir.

Francophone au moment de sa fondation, Montréal a accueilli de plus en plus d’anglophones à partir du début du 19e siècle, au point où elle est devenue, à partir des années 1830, une ville majoritairement anglophone, avant de redevenir majoritairement francophone vers la fin des années 1860 (voir Linteau 2007). À cela s’ajoute, depuis le tournant des 19e et 20e siècles, une immigration croissante qui donne à la ville son caractère de plus en plus multilingue et qui pose des défis particuliers en ce qui concerne l’utilisation du français comme langue d’usage public. La particularité de Montréal réside surtout dans le fait que son multilinguisme est influencé par la concurrence entre les deux langues prédominantes, le français et l’anglais. Face à cette «double majorité», les allophones ont en effet réussi à ouvrir et à investir «un espace socio-culturel bien délimité» (Anctil 1984 : 450), ce qui a favorisé le maintien des langues d’origine, et ce, à des taux plus élevés comparativement à d’autres villes nord-américaines (voir Oakes et Warren 2009, Drouilly 1996).

Les effets de cette situation sociolinguistique particulière sont nombreux et se font sentir sur les plans culturel, social, politique et économique, d’autant plus que la grande région métropolitaine de Montréal abrite environ la moitié de la population québécoise. Si la métropole est de plus en plus représentée de façon dichotomique par rapport au reste de la province, jugée plus «homogène» (voir Heller 2005), il est indéniable que Montréal joue un rôle considérable dans les changements [End Page iii] sociaux—et possiblement linguistiques—du Québec dans son ensemble. On comprend donc qu’elle ait attiré, et continue à attirer, l’attention de nombreux chercheurs provenant de domaines disciplinaires variés, au point où certains chercheurs ont récemment proposé l’étiquette de Montréalologie (voir Radice 2013) pour regrouper l’ensemble des travaux qui «réfère[nt] à l’étude et à l’interprétation de Montréal» et qui «s’intéress[ent] à ce qui est spécifique de cette région urbaine» (Filion 2013 : 94). Pour ce qui est de la recherche portant plus spécifiquement sur la langue, la sociolinguistique—la branche variationniste notamment—tout comme l’anthropologie linguistique, l’ethnolinguistique ainsi que la sociologie du langage s’intéressent, et ce, depuis les années 1960 et 1970, à la composition linguistique de Montréal, à la perception de ses différents groupes linguistiques, aux pratiques langagières de ses habitants ou encore à l’intégration linguistique des nouveaux arrivants.

Nombreux et variés, ces travaux ont souvent été réalisés par des chercheurs de provenances linguistiques ou disciplinaires diverses qui n’ont pas toujours l’occasion d’entrer dans un échange d’idées et de partager leurs résultats. Ainsi donc, un peu à l’image de la ville elle-même, qui selon des études reste une des villes nordaméricaines les plus marquées par une forte concentration géographique des groupes linguistiques (voir Laur 2002), les différentes traditions disciplinaires dans lesquelles s’inscrivent les travaux sur le Montréal sociolinguistique ne se croisent pas toujours. Il est donc parfois difficile d’obtenir une compréhension globale des dynamiques sociolinguistiques présentement en cours. C’est cette observation qui nous a incités à organiser, en août 2012, le panel thématique «Montreal : a francophone, anglophone and multilingual city...

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