University of Toronto Press
Résumé

La créativité est un sujet fondamental pour le processus publicitaire. Elle aide les marques à bien communiquer avec ses publics. Néanmoins, la communauté scientifique ne s’intéresse guère à ce domaine, ce qui a donné lieu à un vide scientifique sur la créativité publicitaire. Ce travail analyse tous les articles publiés depuis 1965 jusqu’à 2012 par les meilleures revues scientifiques spécialisées en publicité : Journal of Advertising, Journal of Advertising Research, Journal of Current Issues and Research in Advertising et International Journal of Advertising. La conclusion de l’article est que 1,19% des 4 261 articles analysés traitent de la créativité.

Abstract

Creativity is a fundamental issue in the advertising process. It helps brands communicate effectively with their targets. However, the scientific community has little interest in this field, which has resulted in a scientific vacuum about creativity in advertising. This paper analyzes all articles published between 1965 and 2012 by the best scientific journals specializing in advertising: Journal of Advertising, Journal of Advertising Research, Journal of Current Issues & Research in Advertising and International Journal of Advertising. The paper’s conclusion is that 1.19% of 4,261 articles reviewed deal with creativity in advertising.

Keywords

communication, publicité, créativité, diffusion scientifique

Keywords

communication, advertising, creativity, scientific dissemination

Introduction

La créativité est fondamentale pour la mise en place d’actions de publicité efficaces (del Río 2006). Elle facilite les contacts entre une marque et ses publics (Kuperman 2000). Ainsi, plusieurs agences de publicité ont été fondées autour de la figure d’un créatif (Klebba et Tierney 1995; Cummings 1984), comme c’est le cas de Publicis Groupe, créée par Marcel Bleustein-Blanchet; Havas Groupe (Jacques Séguéla); Ogilvy Mathers (David Ogilvy); BBDO (Alex Osborn); Fred & Farid [End Page 53] Paris (Fred Raillard et Farid Mokart); ou Abbott Mead Vickers BBDO (David Abbott). La recherche de la grande idée (winning creative idea) apporte plusieurs bénéfices à l’agence et à l’annonceur. Une idée créative peut faire augmenter les ventes d’un client (West 1999; Buzzell 1964; Blair 1998; Rossiter et Percy 1997), attirer à l’agence de nouveaux annonceurs et renforcer les liens établis entre celle-ci et ses employés (West 1999). La créativité est un sujet fondamental pour le devenir d’une agence de publicité (Till et Baack 2005). Néanmoins, ce sujet n’a pas encore attiré l’attention de la communauté scientifique. Selon Roca et Mensa (2009), les seules revues scientifiques qui s’intéressent à ce sujet sont le Journal of Advertising et le Journal of Advertising Research. Suivant ces auteurs, les chercheurs scientifiques qui travaillent sur la créativité publicitaire priorisent les recherches empiriques (69,4%) sur les recherches théoriques (30,6%), et la plupart des travaux se basent sur des techniques quantitatives (55,5%). Dans un éditorial du Journal of Advertising publié en 1993, Zinkhan tirait la sonnette d’alarme sur le vide scientifique existant sur ce domaine. Il souligne que le nombre d’articles publiés sur la créativité par le Journal of Advertising est passé de 10% lors des cinq premières années d’existence de cette revue à 1% lors des quinze années suivantes. La plupart des articles publiés par cette revue scientifique portaient sur le domaine du marketing direct, la communication intégrée de marketing et la promotion des ventes. Néanmoins, à ce jour, la communauté scientifique commence à s’intéresser à la créativité, à l’établissement de paradigmes et à la mise en place de méthodologies de recherche appliquée (Sasser et Koslow 2008). Les chercheurs scientifiques travaillant dans les universités commencent à considérer la créativité, non pas comme un outil permettant uniquement de comprendre le fonctionnement de la publicité, mais plutôt comme un sujet de recherche en soi (Ashley et Oliver 2010). Dans ce contexte où les chercheurs scientifiques manifestent peu d’intérêt envers la créativité publicitaire, cet article analyse, en premier lieu, l’état actuel de la recherche sur ce domaine et, en deuxième lieu, le nombre d’articles publiés sur la créativité publicitaire de 1965 à 2012 par les meilleures revues scientifiques spécialisées en publicité.

La recherche scientifique sur la créativité publicitaire

La créativité détermine le développement individuel et collectif de l’être humain (Sternberg et Lubart 1999). Dans le milieu académique, ce sujet n’a pas toujours attiré l’attention des chercheurs scientifiques (Tatarkiewicz 1987). En 1950, le psychologue J.P. Guilford a prononcé un discours sur le concept de créativité auprès de l’Association Américaine de Psychologie, ce qui a déclenché l’intérêt des chercheurs envers ce sujet (Amabile 1996 ; Pucker et Renzulli 1999). Même si les psychologues ne sont pas toujours d’accord sur une définition complète de ce concept ainsi que sur un classement des phénomènes créatifs (Runco, Nemiro et Walberg 1998), ils développent depuis des années la recherche scientifique sur la créativité en considérant quatre points de vue complémentaires : sujet, processus, produit créatif et contexte situationnel (Amabile 1983 ; Klausen 2010). Dans le milieu des sciences humaines, le concept de créativité s’associe avec la nouveauté, l’innovation et l’énergie mentale nécessaire pour trouver de nouvelles [End Page 54] idées (del Río 2006). Et quand ces idées permettent de régler des problèmes, on peut affirmer que la créativité s’associe avec un autre concept clé : la persuasion.

Dans le milieu de la publicité, la créativité n’est pas un sujet intéressant pour la plupart des chercheurs scientifiques. La communauté scientifique ne s’intéresse pas à la créativité, soit parce qu’il est difficile de définir le sujet (Zinkhan 1993; Mumford et Gustafson 1988), soit parce que la nature de la créativité est trop abstraite (VanGundy 1987), soit parce qu’il y a une grande diversité de produits créatifs (Hocevar et Bachelor 1989). D’autres auteurs, par exemple Reid et Moriarty (1983), considèrent que la créativité n’intéresse pas les chercheurs parce qu’elle relève du domaine du mystère. De leur côté, Reid, King et DeLorme (1998) ont toujours critiqué le manque d’attention octroyée aux études empiriques portant sur la créativité. Dans le milieu de la publicité, il n’y a jamais eu de créneau de recherche bien établi permettant de délimiter clairement l’étude de la créativité publicitaire (Sasser et Koslow 2008).

Selon Klebba et Tierney (1995), les études sur la créativité peuvent être classées en cinq groupes : a) caractéristiques organisationnelles des agences, b) caractéristiques sociales des agences, c) caractéristiques individuelles des publicitaires, d) processus créatif et e) produit créatif. De leur côté, Reid, King et DeLorme (1998) divisent la recherche sur ce domaine en cinq catégories : a) le processus de décision créative, b) les habilités individuelles et les habilités créatives permettant de résoudre les problèmes publicitaires, c) l’influence organisationnelle et la création de la publicité, d) l’éducation publicitaire et la créativité, et e) la gestion du changement et des tendances concernant l’industrie de la créativité publicitaire. Finalement, Roca et Mensa (2009) identifient sept lignes de recherches sur ce domaine : a) le processus créatif d’une campagne publicitaire, b) les effets d’une campagne créative auprès des consommateurs, c) l’effectivité de la créativité dans une campagne de publicité, d) les rapports établis entre les départements d’une agence ou entre ces départements et l’annonceur, e) le rôle du créatif (rédacteur et directeur d’art), f) les concepts liés à la créativité et g) les rapports entre la créativité et les beaux-arts ainsi que l’étude de l’histoire de la créativité.

Sasser et Koslow (2008) affirment que les chercheurs scientifiques qui s’intéressent à l’étude de la créativité doivent avoir recours à une approche classique, autrement dit, ils doivent suivre le chemin des « 3P », à savoir, la personne (people), l’endroit (place) et le processus créatif (creative process). Selon ces auteurs, ce cadre facilite la recherche sur la créativité publicitaire et l’élaboration de publications cohérentes et performantes. Néanmoins, afin de mieux saisir le processus créatif publicitaire, il est possible d’ajouter à cette approche classique, celle proposée par Jerome McCarthy (1960) : les « 4P » du marketing (product, price, promotion et place). Par ailleurs, Sasser et Koslow (2008), mais aussi Reid, King et DeLorme (1998), considèrent que les paradigmes de recherche scientifique sur la publicité ne doivent pas cibler uniquement l’attention, la mémoire et le consommateur, mais aussi les effets de la créativité publicitaire. Les nouveaux médias et le développement chez le consommateur d’une attitude plus active ont mené la communauté scientifique à s’intéresser davantage à la créativité (Sasser et Koslow 2008), laquelle contribue à améliorer la communication des marques, [End Page 55] mais aussi la construction sociale (Kolster 2012). Selon l’agence néerlandaise KesselsKramer (2012), la créativité publicitaire doit aider les organisations à transmettre leurs messages d’une manière novatrice et cohérente, ce qui leur permettra d’atteindre des millions de personnes et de les faire réfléchir.

Méthodologie

Afin de mieux comprendre le réel intérêt que la communauté scientifique porte envers la créativité publicitaire, nous avons analysé les quatre revues scientifiques les plus importantes dans le domaine de la publicité selon Henthorne, Latour et Loraas (1998). Nous avons analysé tous les articles publiés depuis 1965 jusqu’à 2012 dans ces quatre revues : Journal of Advertising (JA), de 1972 à 2012 ; Journal of Advertising Research (JAR), de 1965 à 2012 ; Journal of Current Issues and Research in Advertising (JCIRA), de 1978 à 2012 ; et International Journal of Advertising (IJA), de 1982 à 2012. Nous avons réalisé une analyse du contenu de tous les articles publiés par ces revues afin d’identifier ceux qui portaient sur la créativité publicitaire. Nous avons retenu uniquement les articles, sans tenir compte des notes de lecture et des éditoriaux. Au total 4 261 articles ont été analysés.

Résultats

Les résultats obtenus permettent d’illustrer clairement le réel intérêt porté envers la créativité publicitaire par la communauté scientifique spécialisée dans la recherche sur la publicité. Tout d’abord, et selon les résultats du tableau 1 (Articles publiés sur la créativité), il s’avère que la revue scientifique qui diffuse le plus grand nombre d’articles sur la créativité est le Journal of Advertising (JA), responsable de la publication de 26 articles. Cette revue a été lancée en 1972. Ensuite, il faut signaler le cas du Journal of Advertising Research (JAR), qui paraît pour la première fois en 1965 et qui a publié 13 articles sur la créativité publicitaire. De son côté, le Journal of Current Issues and Research in Advertising (JCIRA), qui commence ses activités en 1978, a diffusé 7 articles sur ce domaine. Finalement, la revue International Journal of Advertising, née en 1982, a diffusé 5 articles sur la créativité publicitaire.

Tableau 1. Articles publiés sur la créativité
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Tableau 1.

Articles publiés sur la créativité

Si l’on compare le nombre d’articles publiés sur la créativité avec le nombre d’articles portant sur la publicité, il est possible d’affirmer que la communauté scientifique ne s’intéresse guère à la créativité publicitaire. Dans le tableau 2 (Comparaison d’articles) on peut apprécier cette réalité : sur les 4 261 articles publiés sur la publicité, il y en a uniquement 51 qui portent sur la créativité. Autrement dit, 1,19% des articles publiés par les meilleures revues scientifiques de publicité [End Page 56] traitent du sujet de la créativité, ce qui n’est pas cohérent avec l’affirmation de Till et Baack (2005, 47) : « la base de la publicité est la parole et la créativité ».

Tableau 2. Comparaison d’articles
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Tableau 2.

Comparaison d’articles

Tableau 3. Classement des trente auteurs publiant sur la créativité
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Tableau 3.

Classement des trente auteurs publiant sur la créativité

Afin d’établir un classement sur les auteurs ayant publié le plus grand nombre d’articles sur la créativité, et tout en suivant le critère établi par Zou (2005), nous avons octroyé un (1) point aux auteurs ayant publié un article à titre individuel, 0,5 point à ceux qui ont publié l’article en collaboration avec un autre auteur, 0,33 point à ceux qui ont travaillé avec deux autres auteurs, et 0,20 point à ceux qui ont travaillé dans le cadre d’un groupe d’au moins quatre auteurs. Selon les chiffres apportés par le tableau 3 (Classement des 30 auteurs publiant [End Page 57] sur la créativité), on peut voir que les auteurs les plus engagés sur ce domaine sont Stuhlfaut, Reid, West, Kover et Blasko. Nous avons identifié en tout 83 auteurs ayant publié au moins un article sur la créativité publicitaire. Parmi ceuxci, il est possible d’illustrer le cas de Stuhlfaut, qui publie presque toujours en solitaire et qui occupe le premier poste dans le classement d’auteurs publiant sur ce domaine (voir tableau 3 (Classement des trente auteurs publiant sur la créativité)). Finalement, il faut souligner que la plupart des auteurs qui ont publié plus de deux articles sur le domaine, travaillent dans des universités de l’Amérique du Nord : Stuhlfaut (University of Kentucky), Reid (University of Illinois), West (University of Birmingham (Canada)), Kover (Fordham University), Blasko (Arizona State University), Koslow (University of Waikato (Nouvelle-Zélande)) et Sasser (Eastern Michigan University). Par ailleurs, aucun des auteurs nommés n’a publié de livres sur la créativité publicitaire.

Tableau 4. Les dix articles les plus cités sur la créativité publicitaire
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Tableau 4.

Les dix articles les plus cités sur la créativité publicitaire

Finalement, nous avons analysé le nombre de citations obtenues par chaque article. Il s’agit d’une information intéressante parce qu’elle permet de mesurer l’importance accordée à chaque publication ainsi que son impact dans la communauté scientifique. L’analyse des citations permet de certifier l’intérêt d’une recherche scientifique (Zou 2005), même si, parfois, certaines citations sont produites par des auteurs qui réalisent des critiques négatives. C’est pourquoi nous avons mesuré l’index de citation des 51 articles trouvés sur la créativité publicitaire. Pour analyser les citations, nous avons eu recours à l’outil Web of Science, de l’Institute for Scientific Information (Meho et Yang 2007). Selon les données du tableau 4 (Les dix articles les plus cités sur la créativité publicitaire), des [End Page 58] auteurs comme Reid, West, Kover, Blasko, Koslow et Sasser sont placés en haut de ce classement de qualité scientifique.

Discussion

Lors de ces dernières années, la publicité et la communication ont évolué. Il y a de nouvelles manières de communiquer qui sont très différentes de la conception traditionnelle de la publicité (Solana 2010), par exemple la communication en ligne, les événements autour d’une marque ou encore le branded content (la diffusion non intrusive de contenus d’informations liés aux valeurs d’une marque). Les professionnels de la publicité ont du mal à s’adapter à cette nouvelle culture de la communication (Sacks 2010). Quelque part, cette difficulté est liée au fait que l’Université n’a pas su apporter aux futurs professionnels de la communication une formation scientifique leur permettant de mieux répondre à l’incertitude cognitive propre de cette époque (del Río 2006). Par ailleurs, le développement des médias interactifs a renforcé l’importance accordée à la créativité publicitaire (Sasser et Koslow 2008; Solana 2010). Le rôle actif du consommateur, l’abondance de messages publicitaires sur Internet et le besoin des marques de communiquer constamment obligent les annonceurs à devenir plus créatifs pour ainsi pouvoir atteindre leurs objectifs publicitaires. Le pouvoir croissant de la technologie a eu un effet très positif, d’une part, sur la génération d’idées créatives (Goldenberg, Mazursky et Solomon 1999), et d’autre part, sur la mise en place de programmes spécifiques permettant d’évaluer l’efficacité de la créativité publicitaire (Neff 2005). La baisse des investissements publicitaires réalisés par les annonceurs ainsi que l’existence des médias interactifs ont eu une influence positive sur l’intérêt que porte la communauté scientifique envers la créativité publicitaire (Ashley et Oliver 2010). Cette réalité est importante parce que la créativité publicitaire joue un rôle clé dans le processus publicitaire (Till et Baack 2005; West 1999; Blair 1998; Rossiter et Percy 1997; Klebba et Tierney 1995; Cummings 1984; Buzzell 1964).

En ce qui concerne les sujets de recherche qui peuvent être traités dans les prochaines années par la communauté scientifique qui s’intéresse à ce domaine, il faut signaler que selon Sasser et Koslow (2008), les chercheurs doivent centrer leurs travaux sur la configuration classique de l’étude de la créativité, à savoir, la personne, l’endroit et le processus créatif. Si l’on considère les sujets traités par les dix articles les plus cités sur la créativité publicitaire (voir tableau 4), on peut signaler que les sujets de travail principaux pour les prochaines années sont : a) le produit communicatif (stratégie publicitaire, concept créatif, efficacité de la créativité, etc.) ; b) le processus créatif (inspiration créative, travail collectif entre le Directeur d’Art et le Rédacteur, processus internes à l’agence, etc.) ; et c) la personnalité du créatif (formation personnelle, comportement dans l’agence, capacité d’innovation).

Quant au produit communicatif, Kover, Goldberg et James (1995) ont essayé de définir quelles sont les caractéristiques des produits de communication qui sont, en même temps, créatifs et efficaces. Par ailleurs, White et Smith (2001) ont mené des études sur l’opinion qu’ont les consommateurs et les professionnels des agences sur la créativité publicitaire, ainsi que sur l’influence des variables sociodémographiques sur ces opinions. À travers l’outil Creative Product Semantic [End Page 59] Scale, ces auteurs ont vérifié que l’opinion des professionnels et celle des consommateurs sont souvent pareilles. De leur côté, Till et Baack (2005) ont centré leurs recherches sur les caractéristiques communes aux produits de communication qui sont vraiment créatifs. D’ailleurs, ils ont analysé l’effectivité de la publicité créative sur trois variables : le souvenir, l’attitude envers la marque et l’intention d’achat. Finalement, Reid, King et DeLorme (1998) ont mené des études sur le niveau de performance de la créativité dans les dernières années afin de comprendre si les agences réussissent à améliorer leur produit. L’élaboration d’un produit créatif capable de régler d’une manière efficace les problèmes de communication d’une marque constitue une priorité pour les agences de publicité, d’où l’intérêt que les universités portent aussi leur attention sur ce sujet.

Par rapport au deuxième sujet de travail, celui qui est centré sur le processus créatif, El-Murad et West (2004) ont analysé les tendances sur la créativité, la mesure de l’efficacité des actions, et la mise en place d’initiatives visant l’amélioration de ces actions. De son côté, Hirschman (1989) s’est attardé sur la collaboration entre les employés comme étant un facteur clé dans le processus créatif. Il a aussi analysé le processus global de génération d’idées et les méthodologies pour convertir ces idées en messages commerciaux effectifs. Hirschman (1989) a porté aussi son attention sur l’influence de la gestion de l’agence dans le processus créatif : conflits entre les employés, budgets, délais, indicateurs d’évaluation, motivation, etc. Par ailleurs, Kover, Goldberg et James (1995) ont centré leur travail sur les rapports établis entre les employés (créatifs et gestionnaires) ainsi que ceux établis entre l’agence et l’annonceur. Finalement, Johar, Holbrook et Stern (2001) ont analysé les rapports existants entre la personnalité des créatifs et le produit final. Ils ont aussi mené des études sur l’importance de la souplesse professionnelle dans les agences de publicité. Les changements organisationnels qui ont lieu dans les agences — fusions entre agences, développement des holdings globaux (Publicis Omnicom Group, Havas, WPP, etc.), l’augmentation du nombre de freelance, etc. — doivent mener les chercheurs scientifiques à s’intéresser davantage aux nouveaux processus de travail menés par les créatifs dans les agences de publicité.

Finalement, en ce qui concerne la ligne de travail spécialisée sur la personnalité du créatif, Hackley et Kover (2007) ont centré leur recherche sur l’identité personnelle et professionnelle du créatif ainsi que sur les conflits existants dans l’agence. Ils ont aussi abordé le rôle de l’agence comme étant un endroit stratégique qui permet au créatif de grandir d’un point de vue professionnel. De son côté, West (1993) a centré son travail sur la personnalité des créatifs, les processus de travail et la philosophie institutionnelle dans les agences des États-Unis, du Canada et du Royaume-Uni. Les agences ont besoin de créatifs capables d’utiliser les nouveaux outils de communication (réseaux sociaux, téléphonie mobile, etc.) pour régler les problèmes de communication des annonceurs (création de marque, augmentation des ventes, etc.), ce qui oblige les agences à chercher des créatifs ayant de nouvelles habilitées professionnelles et personnelles. D’où l’intérêt que les chercheurs scientifiques mènent aussi des études sur la nouvelle personnalité du créatif. [End Page 60]

Les résultats obtenus dans cette étude confirment le manque d’intérêt suscité par la créativité publicitaire ainsi que le besoin urgent de promouvoir dans les universités la recherche scientifique sur ce domaine. Malgré l’intérêt de cette étude, on peut identifier certaines limites de recherche, notamment trois : a) absence d’informations concernant les livres scientifiques qui ont été publiés sur la créativité publicitaire depuis 1965 ; b) l’étude analyse uniquement les articles publiés en anglais, et ne considère pas les publications faites dans d’autres langues (français, espagnol, etc.) ; et c) l’article considère seulement les revues scientifiques spécialisées dans le domaine de la publicité, et non pas d’autres revues portant sur des domaines proches (marketing, relations publiques, etc.).

Conclusions

La créativité constitue une activité fondamentale pour n’importe quelle agence de publicité. Néanmoins, et selon les données apportées par cet article, la communauté scientifique ne s’intéresse guère à ce domaine. Afin de conclure ce travail, nous désirons signaler trois dernières idées. En premier lieu, l’étude de la créativité du point de vue des agences de publicité et des annonceurs n’est pas suffisante pour bien aborder le sujet : il faut considérer aussi les recherches scientifiques menées par les universités. Les études qui se basent sur une double approche (académique et professionnelle) peuvent contribuer à bien éclairer ce phénomène de la créativité, qui est si déterminant dans cette époque si soumise au changement constant (Sacks 2010). En deuxième lieu, la recherche académique sur la créativité doit être novatrice et doit viser la constitution d’un nouveau paradigme publicitaire. L’objectif de cette recherche est de créer un cadre conceptuel solide à partir duquel les chercheurs scientifiques, en collaboration avec les agences et les annonceurs, établissent les points de repère qui doivent guider le développement professionnel de la publicité. L’étude de la créativité exige que les chercheurs adoptent une attitude suggestive, risquée et originale (Sasser et Koslow 2008). Néanmoins, certains créatifs qui travaillent en agence ont du mal à accepter les théories publiées par les chercheurs scientifiques parce que, souvent, le rythme frénétique de l’agence rend désuètes les conclusions des études menées par les universités. Finalement, en troisième lieu, la recherche sur la créativité doit considérer trois sujets : le cadre conceptuel classique dans l’étude de la créativité, l’établissement d’une cohérence entre toutes les recherches menées pour ainsi fixer clairement des lignes de travail, et le recours à des méthodologies de recherche incluant l’approche académique et l’approche professionnelle (Sasser et Koslow 2008).

Jorge del Río Pérez
Faculté de Communication, Université de Navarre (Espagne)
jrio@unav.es
Pablo Medina Aguerrebere
Faculté de Communication, Université Internationale de Catalogne (Espagne)
pmedina@uic.es

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