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55 3 Associations d’entraide « pouakone » et développement communautaire dans le Noun Oumarou Njoya Introduction A partir des années 80, on peut dire que l’échec des Etats africains issus des indépendances est reconnu dans les domaines essentiels : économiques, culturels, politiques, etc. Ils sont dès lors soumis à des politiques d’ajustement qui aggravent leur situation. Les politiques d’austérité au Nord et d’ajustement pour le Sud ont des effets pervers sur les populations. Dans les villages et les villes, les femmes, bousculées par la rigueur de la vie quotidienne, tentent de prendre en charge leur destin à travers des associations d’entraide que constituent les réponses et les formes d’adaptation des groupes de base à la « conjoncture ». A l’Ouest comme à l’Est, au Nord comme au Sud du continent africain, les différentes communautés ont trouvé des formules appropriées pour désigner ces types d’organisation locale et traduire leur état d’esprit fait d’assistance mutuelle, d’effort commun, de responsabilité sociale et d’autosuffisance communautaire. Au Kenya, les Luo les appellent Konye Kende, les Luhya abwasio, les Kikuyus ngwatio, les Kamba Mwethia, les Massaïs, Ematonyoki. En Afrique de l’Ouest, on peut citer le terme ouolof mbootaa. En Afrique australe, il y a les groupes Nkimbe Amalima qui organisent le travail agricole au bénéfice de la communauté. Chez les Bamum de la région de l’Ouest du Cameroun, cette forme de vie associative s’appelle Pouakone, « entente » ou pour mieux dire, « l’entente vaut mieux que le conflit ». En 1990, cette structure communautaire a émergé parmi les associations féminines 56 bamum engagées dans la promotion des petites activités économiques, l’assainissement du milieu, et la construction et la gestion d’équipements communautaires. Depuis cette date, elle essaie de s’adapter aux différents contextes sociopolitique, économique et culturel de l’ancien royaume bamum marqués par le processus de démocratisation et de décentralisation. Ainsi, elle s’affirme progressivement comme actrice à part entière du processus du développement local dans le département du Noun10 . A partir d’un travail de terrain effectué dans les villes et les villages de Foumban et Foumbot, notre démarche dans cette étude tente, en trois articulation principales de répondre aux questions suivantes : - Quelle est la spécificité du mode d’organisation des associations pouakone et quel est le mode de fonctionnement de ces structures communautaires ? - Quels sont les domaines où s’exercent les initiatives menées par les associations pouakone ? - Quel est le devenir de ce type d’organisation locale dans le contexte actuel de structuration de la société civile au Cameroun ? Nous allons commencer par une note sur le concept de savoir local et montrer, à travers quelques exemples, l’importance que la Banque Mondiale lui accorde dans son approche des questions de développement. Le concept de savoirs locaux au service du développement a été lancé pour la première fois en 1998 par la Banque Mondiale. A cette époque, la Banque Mondiale faisait injonction aux acteurs de la vie sociale de mettre à profit les connaissances traditionnelles dans l’agriculture, la santé humaine et animale, l’éducation, la gestion des ressources naturelles et dans bien d’autres activités économiques et sociales essentiels. L’intérêt que la Banque accorde à ces savoirs locaux est consécutif aux exemples de résultats obtenus grâce aux savoirs locaux qui donnent une idée de l’impact de ces savoirs sur le plan du développement. Au Mozambique, après quinze années de 1Ancien département bamoun [3.133.144.197] Project MUSE (2024-04-18 03:36 GMT) 57 guerre civile, les chefs communautaires ont organisé en deux ans environ plus de cinq cents mille transactions informelles sur les terres et ils ont aidé à la réinstallation de cinq millions de réfugiés et de personnes déplacées. Il est important de mentionner qu’ils y sont parvenus sans l’aide directe ni des bailleurs de fonds ni du gouvernement central. Mais comment ces autorités locales traditionnelles ont-elles procédé ? Elles ont eu recours au droit coutumier local pour régler les litiges fonciers entre réfugiés rentrés au pays et des personnes restées au terroir pendant la guerre civile. De cette façon, les petits fermiers ont pu se réinstaller rapidement, reprendre leurs activités et contribuer ainsi...

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