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93 Les étudiants africains et la littérature négro-africaine d’expression française 16 L’Enfant Noir de Camara Laye Ousmane Camara D’emblée, l’auteur s’enferme, pour ne plus en sortir, dans la peau d’un garçon de six ans qui va vivre et grandir sous nos yeux, que nous suivrons constamment pour ne le perdre qu’au moment où, presque majeur, il cesse de graviter sous l’orbite familiale. En effet, dès les premières pages de ce livre, nous sommes, pour ainsi dire, sous le charme de ce petit enfant noir que nous ne quitterons plus des yeux. Rien ne nous échappe : ses yeux innocents autour de la case paternelle, sa perplexité devant le mys-tère du petit serpent noir, ses randonnées à la campagne ; nous le suivons dans la longue et lente procession de la cérémonie des lions ; nous entrons avec lui à l’école de Kouroussa et dans l’enclos des circoncis ; puis l’enfant devenu un peu plus grand, c’est le voyage vers Conakry, les années passées au collège technique, les premiers amours et enfin le départ pour la France, le grand saut dans l’inconnu. En fermant le livre, on est sincèrement charmé, ravi. L’un des mérites de Camara Laye et qui le place au-dessus de l’auteur de Karim et de bien d’autres, c’est d’avoir su, avec art, simplicité et sans mystification, faire vivre ses personnages. A aucun moment, l’intensité du récit ne se relâche même si çà et là il y a quelques longueurs. On est tour à tour amusé, ravi, inquiet, ému même. Mais une fois le charme rompu, penchons-nous de plus près sur ce livre pour essayer d’en dégager le véritable contenu. L’Enfant Noir est avant tout un témoignage sur l’éducation dans un milieu de type traditionnel. Non seulement, l’auteur analyse le contenu des coutumes locales, mais encore il prend la défense de certaines traditions en montrant qu’elles répondaient à des préoccupations d’une grande valeur éducative : par exemple, la cérémonie des lions au cours de laquelle l’enfant est persuadé qu’à quelques pas de lui évolue le terrifiant Konden Diarra et sa troupe de fauves rugissants, a pour but d’apprendre au garçon à s’éprouver pour arriver petit à petit à savoir dominer sa peur, maîtriser ses nerfs. Il y a en second lieu dans L’Enfant Noir une valorisation du travail quel qu’il soit : l’admirable scène du bijoutier travaillant l’or, la récolte du riz des paysans de Tindicam, les conseils sur l’orientation professionnelle, en sont un témoignage. Mais ce qu’on ne voit pas dans ce livre, ce sont les rapports avec les éléments de la colonisation. Ce problème est inexistant et l’on peut dire que Camara Laye l’a tout de suite écarté en s’installant commodément dans la peau d’un tout petit enfant qui, avec la candeur caractérisant son âge, nous raconte gentillement ce qu’il a vu et senti autour de lui. L’Enfant Noir nous laisse parcourir le journal qu’il a tenu depuis l’âge de 6 ans et nous l’arrache juste au moment où il allait nécessairement être question des rapports avec les éléments de la colonisation. Camara Laye ou plus exactement le petit enfant noir ignore totalement le rôle que jouent les Français chez lui ; il ne les voit même pas si ce n’est au collège de Conakry. Il est tout de même étonnant que le petit écolier n’ait jamais vu le 94 Les étudiants africains et la littérature négro-africaine d’expression française Commandant de Cercle de Kouroussa (qui ne devait certainement pas être un Africain), ni entendu parler de lui (ne célébrait-on donc pas à Kouroussa les fêtes du 11 novembre et du 14 juillet ?). Dommage, car cet enfant si perspicace n’aurait certainement pas manqué de poser des questions et de recevoir des réponses sur la présence et le rôle de ce Commandant de Cercle. Bref, L’Enfant Noir est un livre bien écrit, intéressant, captivant même, mais qui a pour souci majeur de ne s’aliéner personne en se gardant de prendre position sur...

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