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70 Les étudiants africains et la littérature négro-africaine d’expression française 12 Ferdinand Oyono et Mongo Béti Aimé Gnaly J’ai choisi de vous parler de Ferdinand Oyono et de Mongo Béti, deux jeunes auteurs de notre génération et dont je ne vous dirai pas la biographie. Au reste, cela n’apporterait rien à votre débat. Mon propos est simplement d’apprécier dans quelle mesure ils ont l’un et l’autre exprimé la physionomie politique de l’Afrique noire, dans quelle mesure ils ont fait œuvre politique en faisant œuvre littéraire. En un mot, je voudrais poser le problème de savoir si les romans d’Oyono que j’ai tous lus, et ceux de Mongo Béti dont je n’ai pas pu relire Le pauvre Christ de Bomba, constituent une littérature engagée. Ce mot d’engagement lui-même appelle une définition que je vais tenter : il y a engagement d’abord dans le seul fait de coller à la réalité sociale qu’on décrit, de la restituer aussi intégralement que possible en sorte que faute d’en signaler les plis fondamentaux, on en dresse au moins un inventaire exhaustif. Certains romanciers, les naturalistes, par exemple, n’ont fait que cela sans prendre parti pour tel ou tel groupe social. Mais si véridique est leur description que le lecteur lui-même se trouve obsédé par les problèmes vécus dans la société dépeinte. Cela, certes, ne suffit pas. D’autres auteurs vont plus loin, déterminant eux-mêmes et soufflant au lecteur ce qu’il faut tenir par contradiction fondamentale et ce qu’il faut regarder comme contradiction secondaire de la réalité sociale décrite. Enfin, il en est qui montrent la manière de résoudre les difficultés sociales. Aussi bien poser le problème de savoir si Oyono et Mongo Béti sont des romanciers engagés revient à se demander à quel degré de l’engagement ils se tiennent. Dès la première lecture de leurs œuvres respectives, une chose frappe : leur« africanité ». Originaires du Cameroun, Mongo Béti et Ferdinand Oyono, tous deux, mettent en scène des héros camerounais vivant dans un cadre camerounais. Mais comme la transposition est facile ! Ce qu’ils disent du Cameroun est valable pour le reste de l’Afrique sous domination française, du moins. Et que le Grec commerçant cède la place au Syro-libanais de l’ex-AOF ou au Portugais de l’exAEF , la trame de l’histoire demeure inchangée, et restent encore véridiques la psychologie et le comportement des populations exploitées. Ce qui incline à prendre pour symboliques de toute l’Afrique, les héros présentés par Oyono ou Mongo Béti : un Africain colonisé est un Africain colonisé. Et un colon est un colon. La même situation coloniale établit entre les divers pays qu’elle accable une similitude indéniable. Unitédel’Afriquedonc.Unitéculturelle,maisaussiidentitédephysionomiesociale. C’est en quoi Ferdinand Oyono et Mongo Béti dépassent leurs devanciers : L. S. Senghor, Birago Diop, Alioune Diop, etc. qui, défendant et illustrant la culture africaine, protestaient contre le mépris où on la tenait. 71 Les étudiants africains et la littérature négro-africaine d’expression française A l’heure où Mongo Béti et Oyono commencent leur carrière littéraire, la culture négro-africaine a déjà obtenu droit de cité. Reste à établir la vérité sur la vie africaine. Et c’est en quoi les romans de Mongo Béti et Oyono marquent un tournant de l’histoire de la littérature africaine. Mais nos deux écrivains ne représentent pas seulement une nouvelle étape de la littérature africaine. Ils sont aussi les témoins d’une ère noble : le courant anticolonialiste gagne l’Afrique noire. Et, la « métropole » décidée à garder ses colonies va jeter du lest. L’indigénat fait place à l’Union Française, et la pression des masses africaines suscite les « réformettes » de la loi-cadre pour déboucher sur la communauté francoafricaine . En fait, c’est là de simples retouches. Le colonialisme demeure de toute son essence. A quelque étape de l’évolution africaine qu’on se trouve, des faits permanents viennent démentir ce libéralisme juridique. Sous l’Union Française, notamment...

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