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33 Les étudiants africains et la littérature négro-africaine d’expression française 7 Poésie et politique Cheikh Aliou Ndao Il s’agit de savoir quel rôle la poésie a joué dans la prise de conscience du nègre en tant qu’opprimé. En un mot, y a-t-il une résonnance chez le poète Nègre pendant la phase de libération. Il s’agit aussi d’examiner si les poètes nègres transplantés et ceux du terroir ont pris la même part dans la lutte et comment leur forme de lutte a différé et pourquoi. Un besoin de clarté nous conduit à préciser certains termes dont nous usons ici. Nous entendons par transplantés tous les nègres descendants d’esclaves dont les ancêtres ont été draînés des côtes d’Afrique vers les lointaines îles. Quant au terme « souverain », il s’agit de poète faisant partie de nations indépendantes jouissant de tous les droits internationaux. A) Les transplantes Bien qu’il y ait dans ce groupe des gens très différents quant à la formation et la culture, on retrouve chez presque tous un point commun : une soif de liberté et de dignité. Le second phénomène que l’on constate chez ces poètes c’est qu’ils ont gardé un souvenir vivace de l’esclavage. Ils se tournent vers l’Afrique comme le continent de leurs ancêtres, continent qui symbolise la liberté emprisonnée dans les chaînes sur un bateau négrier. Ils se tournent également vers l’Afrique dont on leur a toujours enseigné la barabarie ; et pourtant au grand désespoir des maîtres, non seulement ils se réclament de cette liberté première, mais même de cette sauvagerie. Ces sentiments se retrouvant chez presque tous ces poètes qu’il nous suffise de prendre quelques exemples, quelques types représentatifs de ces écrivains. 1. Les souvenirs Ici, nous allons grouper trois pays en prenant dans chacun un poète nègre qui sera la somme de toutes les douleurs de ses frères et se fera leur trompette. Cuba Cuba nous a donné Nicolas Guillen, ce grand poète, démocrate, ennemi des divers dictateurs cubains qui se sont succédé. La situation de Cuba a prédestiné ses poètes à lever le flambeau de la liberté contre l’impérialisme. Petite île au flanc du monde yankee vouée à ne produire que pour ses maîtres, toujours menacée d’invasions, c’est un foyer révolutionnaire latent. La lutte anti-impérialiste va prendre 34 Les étudiants africains et la littérature négro-africaine d’expression française dans la poésie de Guillèn deux formes. D’abord, il va y avoir dans l’œuvre du poète nègre une revendication des origines africaines ; cela lui permet d’être le meilleur interprète des souffrances humaines et de la misère. Si Guillèn appuie tant sur ses origines, c’est pour s’allier à la population la plus déshéritée de l’île : les Nègres. Il veut sans doute se désolidariser de certains mulâtres qui font tout pour supprimer tout lien avec l’Afrique. Guillèn se tourne vers le passé pour accepter « son sang navigable » et s’écrier « je suis le fils, le petit-ils, l’arrière petit-fils d’un esclave ». Mais, c’est surtout le second aspect de la poésie de Guillèn qui est important. Le poète cubain se fait le porte-parole des ouvriers misérables et des combattants de la liberté. Il n’a jamais cessé de dénoncer les gouvernements cubains qui laissent le pouvoir entre les mains des banquiers de Wall Street. Guillèn n’a pas ménagé ceux que les yankees mettent en place pour défendre leurs intérêts : les dictateurs cubains. C’est ainsi qu’à la mort du syndicaliste Jésus Menèndez, assassiné par le pouvoir policier, il a écrit la plus belle élégie anti-impérialiste. Et cependant, ce qui étonne c’est que tout en menant le combat dans le présent, Guillèn n’a pas oublié une chose : que le rôle du poète c’est de se projeter en avant, de prévoir et d’insuffler l’espoir. Aussi, malgré la torture et la misère à Cuba...

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