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88 CHAPTER SIX Perspectivesde revitalisation d’une langue endanger:le cas du Nyemnyem PHILIPPE MUTAKA & LEOPOLDINE VOUTSA Un des impacts négatifs de la mondialisation sur le continent africain est sans nul doute celui de pousser beaucoup de langues et de cultures sur la voie de la disparition. Un examen des neuf critères de l’UNESCO5 sur le statut des langues africaines relatif au degré de leur avancement sur la voie de la disparition montrerait que la plupart de ces langues sont en fait en danger et qu’il y a un besoin urgent pour leur revitalisation si l’on prend au sérieux l’idée selon laquelle chaque langue est le véhicule d’une culture et que sa disparition équivaut à la perte d’un héritage intangible pour l’humanité. Cet article trouve son origine dans un survol des langues en danger par une équipe de linguistes dans l’escarpement de l’Adamawa au Cameroun. Trois membres de cette équipe parlent des langues africaines et ils ont estimé que la situation du Vute-Banyo et du Nyemnyem est semblable à celle de nombreuses langues africaines. Il nous est apparu urgent d’écrire un article général visant à encourager la revitalisation des langues africaines dont les résultats pourraient inspiré d’autres chercheurs de mettre sur pied les voies et moyens pour la revitalisation de ces langues par leurs locuteurs sur le continent africain. En effet, les résultats statistiques de notre questionnaire d’enquête auprès des locuteurs de ces langues prouvent suffisamment que ceux-ci aiment bien leurs langues et leurs cultures. Il est donc évident que s’il leur était donné l’occasion de les revitaliser, ils le feraient. Notre objectif est d’arriver à sensibiliser les différents gouvernements au sujet de la nécessité de préserver l’écodiversité des langues, selon les vœux de l’UNESCO (UNESCO ad hoc expert group on endangered languages 2003). Cela créerait la meilleure atmosphère pour revitaliser ces langues ainsi que les aspects positifs de leurs cultures. L’article sera organisé ainsi qu’il suit. Dans une première partie, nous allons spécifier les objectifs généraux qu’une perspective de revitalisation d’une langue en danger doit essayer d’atteindre. Dans la seconde partie, nous passerons en revue les stratégies mises en œuvre pour l’apprentissage des langues et qui ne sont pas appropriées pour les langues en danger. Dans la troisième partie, nous donnerons nos suggestions pour la revitalisation des langues en danger en général, et dans la quatrième partie, nous focaliserons nos suggestions sur les perspectives de revitalisation de la langue nyemnyem comme un échantillon des langues africaines en danger. I. Objectifs généraux pour la revitalisation d’une langue en danger. De prime abord, nous aimerions rappeler que les langues africaines en général et les langues en danger d’extinction en particulier évoluent dans un contexte sociopolitique qui ne favorise pas leur expansion. La raison première est que ce sont les langues héritées de la colonisation qui servent souvent de langues officielles et par conséquent, ce sont elles qui jouissent du financement de nos différents gouvernements pour leur apprentissage. Dans un pays comme le Cameroun, demander au gouvernement de mobiliser des fonds pour une 89 revitalisation accélérée des langues africaines ou des langues en danger serait perçu comme une provocation car leur usage n’est pas considéré comme une priorité aux yeux des décideurs. D’aucuns y verraient d’ailleurs une manière inavouée de ramener le tribalisme par la petite porte sur la scène politique. Pourtant, le souci de préserver l’écodiversité des langues exige que nos langues africaines soient revitalisées, et en particulier les langues en danger car leur extinction serait une perte pour l’humanité. Toute langue est en effet un véhicule de la culture et elle charrie avec elle toutes les connaissances que ses locuteurs ont pu perfectionner au fil du temps pour leur survie en tant que communauté humaine et aussi pour le maintien de l’écosystème de leur sol. Si nous voulons revitaliser une langue en danger, il est important de ne pas poursuivre la voie qui a conduit à faire d’elle une langue en danger. Il est important de concevoir de nouveaux objectifs qui soient acceptables pour ses locuteurs mais aussi pour les gouvernants...

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