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1 I … S ept mille cinq cent huit : Bitirga Léonard ! Avec une voix forte, c’est par ces mots que monsieur le Président du jury d’examen numéro vingt trois proclame l’admission de Léonard au certificat d’études primaires (CEP), certificat qu’il a préparé pendant six années de scolarité sans redoubler une seule fois sa classe. L’effort de l’enfant vient d’être récompensé. Léonard vit avec ses parents à Saint Dénis, un quartier lointain, situé à la sortie de la ville de Kira. À l’école B de ce quartier, il est parmi les meilleurs élèves de sa classe. Pourtant sa vie en famille est difficile : manque d’argent et de nourriture, durs travaux, etc. Le jeune élève, habitué au travail et à la souffrance, résiste à l’école, et sa moyenne en classe dépasse celle des élèves aux parents plus riches. C’est cet effort qui vient de lui donner le CEP. Pour le moment, l’appel de son nom parmi les admis n’a pas d’importance pour lui. Il le savait car il a bien travaillé. C’est sur le chemin du retour à la maison que peu à peu sa joie augmente : la joie d’obtenir son diplôme et aussi celle d’aller au collège. Enfin il va ressembler à son cousin Ousmane qu’il voit revenir en vacance. Il veut être comme lui dans ses comportements de jeune collégien… Comment est la vie au collège ? Comment sont les maîtres ? Comment enseignent-ils ? Qu’est-ce qu’on apprend là-bas ? Léonard le saura bientôt, car son oncle David a promis de lui trouver une place au lycée communal de Kira, un lycée situé à une dizaine de kilomètres de chez eux vers le centre-ville. Il annoncera fièrement la nouvelle à ses parents. 2 Emmanuel Kouraogo Père Bitirga, comme chaque jour, travaille beaucoup dans ses champs situés à douze kilomètres de là, dans le bois de Tengandé. Ce bois, aujourd’hui occupé et défriché partout, était, dit-on, fréquenté par un serpent sacré qui protégeait les habitants du village. Sur une surface d’environ cinq hectares, le vieux Paul Bitirga cultive chaque année du mil, de l’arachide, du maïs et du riz. Il est vieux de soixante ans, mais continue toujours de gratter le sol dès la tombée des premières pluies. Très tôt le matin, on le voit se diriger vers Tengandé, assis sur une vieille charrette tirée par son âne, son fidèle compagnon de route. Il ne revient que tard le soir, chargé de bois de chauffage pour la cuisine. Il est parfois accompagné par son fils Albert, le petit frère de Léonard qui ne fréquente pas l’école. Ses deux fils, Gaston et Henri, aujourd’hui devenus des hommes, sont allés depuis sept ans pour chercher de l’argent à Salanda, un pays voisin. Depuis lors, la famille est sans nouvelle d’eux. Leur mère Sabine a beau faire des commissions à des voyageurs, leur père a beau envoyer faire des communiqués radio dans ce pays voisin… rien à faire ! Les deux jeunes sont restés muets. Si seulement ils sont toujours en vie !... Que sont ils devenus ?... Ont-ils des femmes et des enfants ? Où sontils et que font ils ? Cette foule de questions toujours sans réponse, Sabine se les pose chaque soir au coucher, puis les larmes aux yeux, elle s’endort. Elle sombre dans un sommeil lourd de plomb, lourd de ce silence cruel dont sont faites les nuits de Kira. À cinquante six ans, elle est maintenant fatiguée. Elle a vécu sans connaître de repos depuis qu’elle est jeune fille, puis femme de paysan pauvre. Depuis son jeune âge, les journées passent et se ressemblent les unes aux autres. Chaque jour, c’est la même chose : les mêmes personnages, le même paysage, les mêmes travaux. Si ce n’est pas puiser de l’eau, c’est piler du grain, balayer la cour, vanner, cuir du repas familial dans un épais nuage de fumée. Et la nuit tombe, et le jour se lève, puis ça recommence … [18.119.107.96] Project MUSE (2024-04-25 15:23 GMT) 3 Bi Tirga sans aucun espoir de changement ! Jusqu’à quand ? Peut- être jusqu...

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