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67 XI S ix mois se sont écoulés depuis l’arrivée de Gaston. Son père, en accord avec tous les anciens de la grande famille Bitirga, a fixé la date des funérailles d’Henri après cette saison hivernale. Ces cérémonies vont demander beaucoup d’argent, de mil, et de bêtes. Le vieux Paul n’a pas grand-chose pour cela, mais il peut compter sur la grande famille. Chaque membre donnera quelque chose. Gaston n’est pas habitué à la vie de Saint Dénis. Il doit encore tout apprendre. Il a de la bonne volonté pour aider son père dans les champs, mais c’est très dur pour lui. Il réfléchit et cherche ce qu’il peut faire comme métier et se marier, pour ne plus compter sur ses parents. Il commence à comprendre son grand retard par rapport à Léonard, son petit frère. Celui-ci, non seulement il est intégré dans le milieu, aimé de tous, mais il sait aussi faire quelque chose de ses dix doigts. Il est rôdé dans le travail manuel ; il a un emploi salarié, et se prépare à se marier avec une jolie fille de bonne éducation qui l’aime et qui l’attend. Une sourde jalousie s’empare de Gaston…Il aurait aimé être dans la même situation que son frère. Mais du fond de sa conscience, une voix lui murmure : « N’es tu pas responsable de ce retard ? Si tu étais resté chez toi et t’étais battu comme lui, n’aurais tu pas aujourd’hui une vie sans trop de problèmes et peut-être heureuse ? Et le petit frère, ne mérite-t-il pas ce qu’il a aujourd’hui ? C’est ton frère de sang et tu dois être fier de ses réussites… Accepte les conséquences de tes fautes, corrige les et engage toi aussi dans le combat pour la vie ». Il se reproche d’avoir été un peu jaloux à l’égard de son petit frère. 68 Emmanuel Kouraogo Les relations entre Léonard et Thérèse sont plus solides que jamais. Sa jeune amie est venue à Zado un dimanche pour lui rendre visite. Arrivée le matin, elle a pu visiter la cité ouvrière. Elle a connu les voisins et les camarades les plus proches de Léonard, est allée voir l’usine de son ami, le marché. Elle lui a préparé, à midi, un repas copieux, qu’ils ont mangé ensemble avec Camille. Elle a été bien accueillie par l’entourage ouvrier de son ami. Certains lui ont donné de l’argent de poche, d’autres lui ont apporté de la boisson, ou sont venus causer un peu avec elle chez Léonard. Quel milieu sympathique ! Se dit-elle…C’est ici que l’on sent la vraie vie, une vie propre, sans hypocrisie et pleine de chaleur humaine ; une vie de solidarité mutuelle, qui fleurit malgré les difficiles conditions des ouvriers ! Chez les bourgeois qui ont pourtant tout pour le plaisir, il manque cet esprit de communauté naturelle qui valorise l’être humain. L’autre jour, en allant pour vendre des gâteaux sur une place, non loin d’un quartier de riches, j’ai été témoin d’une scène qui m’a empêché de dormir… La mère d’un monsieur très riche et en voyage, est venue de son village natal pour le voir. Elle a été pratiquement renvoyée avec ses affaires de paysanne, dans la rue, par la maîtresse de maison. Les voisins passaient et repassaient dans leurs belles voitures, sans lui proposer une quelconque aide, ou même sans détourner leur regard vers la pauvre vieille. Très désolée, elle m’a informée de ce qui s’est passé, et je l’ai aidée avec ses affaires pour rejoindre le premier taxi-brousse. Quel monde !…Pensant de nouveau à son séjour auprès de son ami, la jeune fille se sent heureuse de cet accueil. Elle est retournée le même soir, en remerciant les voisins et camarades de Léonard. Elle a compris que cet accueil n’était pas un fait de hasard, et qu’il était dû au caractère de son ami. Sûrement son Léonard est très social, et pour cela il est aimé par tous les [18...

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