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15 III D ix décembre. C’est le jour de la composition de fin du premier trimestre au lycée communal de Kira, et Léonard n’est pas au rendez-vous. Il est expulsé depuis le vingt six novembre pour non paiement de frais de scolarité. Sur le grand cahier de la classe de troisième B, il est écrit « abandon » en face de son nom. Dix autres élèves sont dans la même situation que Léonard. Le vieux Bitirga et sa femme ont cherché et recherché en vain la solution du problème. Coincé entre sa misère et les pleurs de son enfant, le vieux Paul a passé trois semaines à marcher. Il est même allé voir le curé de la paroisse Saint Dénis pour lui parler de la situation qu’il vit, et lui demander de l’aide. Je n’ai rien pour toi. Il faut redoubler de prière, le Seigneur ne refuse rien à ses enfants, lui a-t-il conseillé, avant de le quitter. Ces mots ont sonné aux oreilles du vieillard comme des coups de bâton. Il ne s’attendait pas à cette réaction du curé, surtout pas vis-à-vis de lui Paul, qui est si dévoué aux travaux de la paroisse ; lui qui ne manque à aucune obligation religieuse, qui ne manque pas à la messe du dimanche, et qui passe beaucoup de temps à prier et à jeûner…Il était pourtant sûr que le curé pouvait lui venir en aide pour sauver la scolarité de son enfant. À ses yeux, le curé ne manque de rien : il circule avec une voiture de luxe ; il aide des personnes qu’il connaît, comme le boutiquier Rémi, ami du curé, à qui il donne de l’argent et du matériel pour ses affaires commerciales ; il y a aussi la fille du vieux Jacques, catéchiste de la paroisse : le curé est toujours avec la fille et il paye ses études au collège. Se peut-il qu’il ne 16 Emmanuel Kouraogo puisse rien faire vraiment ? se demande Paul, retournant chez lui, les mains vides… Après tout c’est un homme de Dieu, donc il mérite le respect , se dit-il. Léonard, découragé par la fin, trop tôt, de ses études, est resté plusieurs fois à pleurer seul dans sa chambre. Il est surtout marqué par le fait qu’il était parmi les meilleurs élèves de sa classe. Son père l’encourage chaque jour en disant : Ne t’en fais pas mon fils, tout va s’arranger. À vrai dire, le vieux Paul ne sait pas de quelle façon une telle situation pourrait s’arranger. Le jeune homme maudit le système scolaire qui ne permet pas aux enfants des pauvres d’étudier jusqu’à la fin. Mais il décide avec courage d’adapter sa vie à sa nouvelle situation. Ses parents ne lui avaient-ils pas maintes fois répété que la vie est un combat, et que l’avenir se construit dès l’enfance ? Il va appliquer ce sage conseil et ne pas céder au vice et à la facilité. Il décide d’organiser autrement ses activités. Il continuera à aider comme il le peut ses deux parents. Il demandera à lire beaucoup de livres scolaires et des romans pour maintenir et même améliorer son niveau de français. Il demandera à son cousin Ousmane des anciens cahiers et livres de sciences pour s’exercer. Il guettera des annonces de concours ou d’offres d’emploi. Il pourra parallèlement tresser et vendre des chapeaux en paille, et des jouets d’enfants faits avec des tiges de mil, pour gagner un peu d’argent. Il avait appris à fabriquer ces objets avant l’âge de huit ans. Ainsi il n’aura pas à demander de l’argent pour ses petits besoins et, si ses produits se vendent bien, il pourra même en garder un peu et, de temps en temps se payer des distractions : fréquentation de marchés, de cinémas, achat de romans, etc. En attendant, il faut se mettre à la tâche. Il parle de son projet à ses parents et obtient leur encouragement. Ainsi, le jeune Bitirga entre dans la production avant l’âge adulte. Certains jours comme aujourd’hui, il cultive le ventre creux, car le repas qu’ils ont emporté est insuffisant. Arrachant de sa pioche les hautes [13.58.57.131] Project MUSE (2024...

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