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Les idées pLatoniciennes et Le monde de L’image dans La pensée du Šay aL-iŠrāq ya yā aL-suhrawardī (ca. 1155-1191) Hermann Landolt (Université McGill) Dans le monde de la philosophie arabo-musulmane, la figure du Šay ali šrāq Šihāb al-Dīn Ya yā al-Suhrawardī (ca. 1155-1191) constitue un cas particulier tout à fait remarquable. Auteur d’une quarantaine d’ouvrages dont le plus célèbre, Le Livre de la sagesse de l’Orient des Lumières (Kitāb ikmat al-išrāq, plus littéralement: «Le livre de la sagesse philosophique relevant de l’irradiation du soleil matutinal»; ci-dessous = K I)1, lui a valu le titre honorifique de Šay al-išrāq chez les philosophes postérieurs alors que les bibliographes ont plutôt l’habitude de le distinguer de ses homonymes par l’épithète al-maqtūl, renvoyant ainsi à son exécution à Alep en 1191 – ce penseur de tout un univers de «lumières» s’affaiblissant dans la «substance obscure» (al- awhar al-ġāsiq) de la matière se signale d’abord par une critique philosophique de l’avicennisme, qu’il faut distinguer d’emblée d’une célèbre polémique ayant retenu l’attention de plus d’un historien des idées, à savoir la fameuse «autodestruction des philosophes» (Tahāfut al-falāsifa) qu’on doit à la plume de Ġazālī, mais aussi de la réponse donnée à ce dernier au nom des philosophes par Averroës, le Tahāfut al-tahāfut. Pour notre penseur en effet il ne s’agit ni de détruire les thèses des philosophes pour le plus grand bien de la théologie du kalām, ni de les sauver par le retour à un Aristote purifié des ingrédients néoplatoniciens dont Avicenne aurait eu le tort de l’enrichir selon le Juge de Cordoue - un Aristote notamment qui 1 L’editio princeps du texte arabe est celle de Henry Corbin, Œuvres philosophiques et mystiques de Shihabaddin Yahya Sohrawardi, Téhéran/Paris 1952 (2e éd. Téhéran/Paris 1977). La traduction de la deuxième partie du texte par Corbin, avec commentaires de Qu b al-Dīn al-Šīrāzī et Mullā adrā Šīrāzī, est parue en édition posthume par les soins de Christian Jambet sous le titre de Le livre de la sagesse orientale chez Verdier, Lagrasse 1986. Une autre édition du texte, avec traduction anglaise complète, est celle de John Walbridge et Hossein Ziai, Suhrawardī, The Philosophy of Illumination, Provo, Utah, 1999. Nos citations renvoient aux paragraphes , identiques dans les deux éditions et traductions. Pour la date de la rédaction (fin umādā II, 582/mi-septembre 1186), voir K I § 279. 234 Hermann LandoLt serait dès lors compatible avec les données de la šarī‘a -, mais au contraire de rétablir l’autorité spirituelle du Platon d’un néoplatonisme hermétisant, marqué de plus par ce qu’il convient maintenant d’appeler l’«Empédocle arabe»2, et de revaloriser en même temps la sagesse d’une Perse zoroastrienne transfigurée par la «lumière de gloire» ( urra-yi kayānī ou farr-i nūrānī, l’ancien warenah) des bons rois-sages des premiers temps mythiques , comme l’avait admirablement montré son premier éditeur et traducteur français, Henry Corbin3. Aussi n’est-ce pas sans une touche d’ironie contre le péripatétisme avicennien, qualifié de «sagesse ordinaire» (alikma al-‘āmma), que notre auteur fait remonter la «sagesse spéciale» (alikma al- ā īya) dont il promet d’exposer les «symboles» dans son K I - c’est-à-dire sa propre doctrine de l’išrāq - à la («véritable») «source orientale » (al-a l al-mašriqī) à laquelle Avicenne - y compris celui de la Logique (dite) des Orientaux (Man iq al-mašriqīyīn) - aurait manqué de puiser alors qu’elle était bien accessible déjà «à l’époque des savants usrawānī» (ce nom faisant allusion au «levain» du bienheureux roi Kay usraw; voir infra). C’est du moins ce que Suhrawardī nous donne à entendre dans un long passage, relevé et cité en entier par Corbin4, de la Logique (encore inédite ) du plus avancé de ses propres livres composés «selon la méthode des Péripatéticiens», le Livre des carrefours et entretiens (Kitāb al-mašāri‘ wa l-mu āra...

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