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aPollon au-delà de TouT ce qui esT visible : PluTarque eT réPublique 6, 509b Xavier Brouillette (Collège du Vieux Montréal) De tous les passages obscurs que nous a laissés Platon dans ses dialogues, l’affirmation de la République selon laquelle l’idée du Bien serait « au-delà de l’essence (ἐπέκεινα τῆς οὐσίας) » (Resp. 6, 509b) constitue certainement l’une des plus intéressantes puisqu’elle nous porte, pour reprendre le mot de Franco Ferrari, « au cœur même de la philosophie platonicienne ».1 Notre interprétation de ce passage est toutefois fortement influencée par celle des néoplatoniciens qui ont identifié ce Bien hyper-essentiel de la République à l’Un de la première hypothèse du Par­ ménide.2 John Whittaker a sur ce point tenté d’en cerner l’interprétation médioplatonicienne , en montrant l’importance de cette période pour l’élaboration du néoplatonisme.3 Il semble toutefois symptomatique de constater que Plutarque, figure capitale du médioplatonisme,4 s’avère complètement absent de cette étude. Pourtant, Plutarque fait bien allusion à la formule de la République dans le def. orac. 413c. Nous proposons ainsi, dans la présente contribution, de cerner l’exég èse proposée par Plutarque de la célèbre formule platonicienne. 1. aPollon eT le soleil Dans le def. orac., Plutarque tente d’expliquer le mécanisme oraculaire à l’aide de deux hypothèses, celle des démons et celle du πνεῦμα prophétique. Dès le début du dialogue, Plutarque s’attache toutefois à montrer l’importance du rôle providentiel de la divinité dans ce processus en expulsant du dialogue Didyme le vagabond, représentant de la position cynique.5 Lamprias, figure importante du dialogue – à 1 Ferrari 2001b, p. 7. 2 Cf. notamment Ferrari 2001b, p. 10. 3 Whittaker 1969b. Cf. aussi Sillitti 1980, p. 225-226, Ferrari 2001b, p. 10, 2002, p. 77 et Baltes 1997, p. 4-5 et 22, qui souligne de son côté que l’interprétation de la double transcendance de l’idée du Bien (au-delà de l’essence) ne se retrouve pas avant Plotin. 4 Opsomer 2005a, p. 165 : « It should be clear that Plutarch is not just anybody. Compared to shadowy figures like Gaius, Albinus, Harpocration, Atticus, Taurus, and even Eudorus or Numenius he is an intellectual giant ». 5 La providence divine constitue certainement un des thèmes centraux du def. orac., mais a fortiori de l’ensemble des Dialogues pythiques. Cf. déjà Goldschmidt 1948, p. 300 et plus récemment Opsomer 1997b, p. 343, Ferrari 1999, p. 72 et dernièrement encore, Ildefonse 2006, p. 10-15. 30 xaVier brouillette défaut de parler de véritable porte-parole6 –, s’affaire alors à atténuer le propos du cynique : Cesse donc, cher Planétiade, d’irriter le dieu. Il est en effet indulgent et doux et, « il fut choisi le plus aimable pour les hommes », comme le dit Pindare.7 Et qu’il soit soleil, ou maître et père du soleil et au­delà de tout ce qui est visible (καὶ ἐπέκεινα τοῦ ὁρατοῦ παντός), il n’est pas vraisemblable que les hommes d’aujourd’hui lui paraissent indignes de recevoir sa voix, à lui qui est cause de leur génération, leur subsistance, leur être et leur pensée. 413c8 D’aucuns ont soutenu que Plutarque ferait référence à la formule platonicienne de la République.9 En effet, bien que la citation ne soit pas textuelle, nous retrouvons ce qui semble en être une paraphrase. Cette paraphrase nous apparaît d’autant plus intéressante qu’elle doit contenir tout le travail exégétique de Plutarque : en choisissant ce mode référentiel, il indique au lecteur attentif la reprise d’un thème platonicien, mais une reprise à travers la médiation de sa propre interprétation. Cette dernière s’opère à travers une double transposition qu’il nous faudra expliquer . D’abord, l’utilisation de la formule pour caractériser Apollon semble indiquer une identification entre le dieu de Delphes et l’idée du Bien. Ensuite, le fait que ce dieu ne soit plus au-delà de l’essence mais au-delà de l’univers visible sugg ère une simplification des différentes strates ontologiques de la réalité. Avant d’expliquer plus amplement cette double transposition, nous devons cerner le contexte menant à l’énonciation de la paraphrase. L’alternative que pose Lamprias...

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