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5. Pourquoi le processus d’intégration économique en Afrique piétine-t-il ? nouvelles explications de l’échec de la politique d’intégration
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5 Pourquoi le processus d’intégration économique en Afrique piétine-t-il ? nouvelles explications de l’échec de la politique d’intégration Kalilou Sylla Introduction L’économie mondiale se caractérise de plus en plus par une forte concurrence à travers la réduction des barrières tarifaires et non tarifaires en vue d’étendre le marché. Tout se passe comme si le but de ces réformes est d’éliminer les économies les moins compétitives au profit de celles plus compétitives. En effet, le courant libéral indique que cette tendance améliorera le bien-être de la population mondiale en accroissant les biens et services tout en réduisant leur coût d’accès. Cette restructuration se fait au détriment de l’État qui voit sa taille se réduire et qui doit renégocier son rôle. En effet, les États ont perdu leurs compétences dans divers domaines du fait de la mondialisation. Au niveau économique, par exemple, ils n’ont plus la maîtrise de la politique, dans la mesure où ils ont du mal à contrôler la masse monétaire et leur budget. Du fait de la libéralisation du marché financier au niveau mondial, la monnaie circule rapidement et sans contrôle d’un pays à l’autre. Cette situation agit sur la masse monétaire et donc sur la politique monétaire qui, de ce fait, échappe au contrôle des gouvernements. La crise monétaire qui a secoué l’Asie du Sud-Est, le Mexique et la Russie en l’espace de six mois en 1999 illustre bien l’absence de contrôle de la politique monétaire et surtout sa répercussion rapide sur les autres pays. Cette crise interpelle notamment les pays africains dans la mesure où elle a commencé dans les pays qui avaient une très bonne performance économique et qui ont vu leurs efforts réduits par une crise monétaire. 80 Intégration régionale, démocratie et panafricanisme Les leçons tirées de cette crise monétaire mondiale sont la nécessité d’introduire une régulation de la masse monétaire au niveau mondiale, l’incapacité de la région la plus performante au niveau économique de l’heure à gérer la crise monétaire dans le cadre des pays pris individuellement et la nécessité d’une réaction régionale et globale pour freiner les crises nées de la mondialisation. La crise interpelle sur la redéfinition de l’État dans un cadre régional. En effet, la mondialisation accroît la probabilité des crises économiques tout en offrant la possibilité d’améliorer le bien-être des populations au niveau mondial. Elle appelle une redéfinition de l’État en vue de mieux juguler les effets négatifs de la crise notamment par la mise en place d’institutions appropriées. Tout se passe comme si l’État devait contracter certaines de ses compétences au niveau régional en vue d’améliorer les bien-être des populations. C’est ce qui explique la prolifération des groupements régionaux à travers le monde. L’Afrique qui est le continent le plus pauvre du monde connaît aussi cette situation. La prolifération actuelle des regroupements régionaux à travers le continent fait suite à celle des premiers jours de l’indépendance. Ces regroupements n’ont pas réussi à être des institutions fortes au profit des populations. Le courant principal de l’analyse économique a attribué ces échecs à des explications classiques dont les plus importantes restent l’étroitesse des marchés, la concurrence entre les chefs d’État, etc. Cependant, cette analyse pose l’hypothèse que les chefs d’État africains sont des despotes bienveillants disposés à aller à l’intégration tout en y incluant leur peuple. La présente étude, en empruntant des exemples aux pays africains, relâche l’hypothèse susmentionnée pour mieux comprendre la logique de pouvoir de nos gouvernants et du peuple afin d’évoquer d’autres raisons, les plus importantes ignorées par l’analyse classique. En s’appuyant sur les théories du public choice, de l’altruisme et du capital social, cette étude met en évidence les nouvelles explications de l’échec des politiques d’intégration. L’étude est structurée autour de la signification de l’intégration et les types de regroupements régionaux (I), les raisons classiques de l’échec...