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1 Racines des crises socio-politiques en Côte d’Ivoire et sens de l’histoire Francis Akindès Après trente neuf ans de stabilité politique, la Côte d’Ivoire inscrit, le 24 décembre 1999, un premier coup d’État militaire dans ses annales politiques. Pire. Dix mois plus tard, en octobre 2000, elle subit deux chocs: primo, celui d’un affrontement entre forces gouvernementales et populations civiles déterminées à faire triompher le verdict des urnes manipulé à son profit par le général putschiste Robert Guéï, candidat à sa propre succession, et secundo, fait moins banal, celui d’une barbarie issue de violents heurts entre militants des deux principaux partis politiques de l’opposition, le Front Populaire Ivoirien (FPI) appuyé par une frange de la gendarmerie et le Rassemblement des Républicains (RDR) d’Alassane Ouattara. Il paraît difficile de ne pas voir dans les atrocités ayant résulté de cet affrontement, la conséquence d’un face-à-face inter-ethnique à peine voilé. Ces violences qui ont marqué les consciences, ont produit un charnier de cinquante sept morts, découverts deux jours après. Suite à l’invalidation de la candidature d’Alassane Dramane Ouattara aux élections législatives, il y eut à nouveau du 4 au 5 décembre 2000, un accès de violence, du fait d’un affrontement entre forces de l’ordre et militants du RDR scandant le slogan: « Trop c’est trop ». Bilan de l’opération: une vingtaine de morts. Last but not least. Deux ans après les élections d’octobre 2000 qui ont porté M. Laurent Gbagbo au pouvoir, la Côte d’Ivoire refait l’expérience d’une mutinerie qui s’est transformée en conflit armé. Dans la foulée, trois rébellions, conduites par le MPCI1 , le MPIGO2 et le MJP3 , se sont déclarées et occupent près de deux-tiers du territoire national. La crise socio-politique en Côte d’Ivoire peut alors être définie comme étant l’ensemble des manifestations qui compromettent la continuité de l’État, de l’ordre social en introduisant de ce fait une rupture dans un temps relativement long de stabilité politique dans un pays considéré pendant longtemps comme un modèle. L’objectif de cet article est avant tout de comprendre le sens et les enjeux de cette 26 Frontières de la citoyenneté et violence politique en Côte d'Ivoire crise socio-politique. D’abord par rapport au sens du désordre social et politique, consécutif à la longue période de stabilité politique. Nous faisons l’hypothèse que ce désordre politique s’inscrit dans la remise en cause du modèle précocement trop mondialiste du compromis houphouétiste, entré en crise depuis le début des années 90, dans la foulée du processus de démocratisation. Ensuite le sens de l’Ivoirité. Nous l’analysons comme étant une expression particulière de réinvention de l’être collectif ivoirien, en réaction aux effets de plus de trois décennies d’ouverture qui neutralis èrent à l’excès l’expression des identités particularistes. Finalement, ce compromis, à travers son adhésion au libre-échangisme et à l’économie de marché, a provoqué des contractions et des contradictions internes qui contraignent le système sociopolitique aussi bien à la retribalisation du débat politique qu’à la redéfinition de nouvelles règles d’accès aux ressources de plus en plus rares. Et enfin, dans cette crise socio-politique, le sens de l’escalade de la violence et de ses modes de justification . En tant que signe de délégitimation des modèles de régulation bâtis sur le mode tontinier, la récurrence des coups d’État militaire en Côte d’Ivoire appelle au renouvellement de la grammaire politique et des modalités de régulation socio-politique autour de principes intégrateurs qui restent à inventer. Les trois paramètres du compromis houphouétiste On ne peut comprendre la crise politique ivoirienne actuelle sans faire référence aux piliers de l’idéologie structurante des trente trois années de régulation politique de Félix Houphouët-Boigny, l’homme charismatique qui aura orienté, de façon déterminante , la praxis et la pensée politique dans ce pays. Au bout d’un long règne, celuici a marqué la destinée de la Côte d’Ivoire en l’emmenant...

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