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«Être ou ne pas être» L’impossible présence du personnage virtuel au théâtre CANADA Liviu DOSPINESCU Liviu Dospinescu enseigne les études théâtrales au Département des littératures de l’Université Laval. Titulaire d’un doctorat en études et pratiques des arts, il s’intéresse aux études beckettiennes, au métissage culturel et disciplinaire, aux nouvelles technologies appliquées au théâtre. Il est membre du groupe Performativité et effets de présence et du Cercle interdisciplinaire de recherches phénoménologiques. Les explorations dans le domaine du théâtre multim édia ont été enrichies au cours de la dernière décennie d’expérimentations nouvelles qui cherchent à relier de façon organique les espaces fictionnels, qu’ils soient réels ou virtuels, sur la scène. Les projections sur la scène de théâtre réussissent à rendre de plus en plus crédible aux yeux du spectateur cette «présence» aussi étrange que celle des personnages virtuels ainsi que son interaction avec les personnages interprétés par des acteurs vivants. L’intérêt pour cette hybridation ne date pas d’hier, le phénomène s’étant immiscé dans l’univers de la scène depuis l’Antiquité. Ainsi, les théâtres d’ombres ont continué à émerveiller les spectateurs jusqu’à nos jours. D’autres techniques encore, comme la lanterna magika ou le Pepper’s Ghost, pour n’en citer que quelques-unes plus sophistiquées, ont essayé de subjuguer le regard du passant dans les foires, le séduisant avec la troublante présence de ces apparitions fantomatiques . Le désir inné du spectateur d’être fasciné garantissait l’effet de cette impossible présence. Mais intégrer au théâtre, plus précisément à la fiction scénique, cet être dépourvu de chair a toujours été un grand défi. Ce qui y pose problème d’emblée, c’est ce canevas qu’est l’écran de projection du fait de sa propre présence, présence dont le personnage 286 Personnage virtuel et corps performatif virtuel a du mal à se détacher pour acquérir une présence à lui, comparable à celle du personnage traditionnel incarné par un comédien. La présence de l’écran accentue le décalage entre l’univers de projection et celui de la scène, rendant quasi impossible ou plutôt non crédible toute transaction fictionnelle entre ces deux univers, du moins pour les visions plus traditionalistes, puristes du théâtre: «Le cinéma c’est l’âge de la machine, le théâtre c’est l’âge du cheval. Ils ne s’entendront jamais. Souhaitons-le d’ailleurs, car le mélange est déplorable1 », dit Fernand Léger. Ce n’est pas tant sur cette difficulté d’intégrer le personnage virtuel à l’espace scénique que s’attarde le présent texte que sur une problématique à même d’en fournir l’explication ou la solution. Dès que ces «êtres» de lumière que sont les personnages virtuels doivent «monter» sur la scène et interagir avec les «vrais» personnages interprétés par les acteurs vivants, cette prédisposition , chez le spectateur, à être fasciné est le plus souvent court-circuitée. Comment amener deux espaces aussi différents que celui de la scène et celui de l’écran dans un seul univers de fiction? Comment rendre plus crédibles les interactions entre personnages virtuels et personnages «réels2»? Autrement dit, quel est le degré ou l’effet de présence qui permet aux personnages virtuels de se faire «accepter» dans le jeu théâtral au même titre que les personnages conventionnels et comment l’obtenir? Ce sont les questions auxquelles nous nous proposons de répondre dans cet article. Personnage réel/virtuel: considérations théoriques«Être» de lumière, l’apparition sur la scène du personnage virtuel est perçue par le spectateur comme une impossible présence. Cette perception semble provenir de l’absence même de l’acteur qui l’incarne en chair et en os. C’est ce qui résume le problème du personnage virtuel au théâtre. Pour être en mesure d’aborder ce phénomène, nous nous pencherons dans un premier temps sur le rapport entre la notion de «personnage» et l’épithète «virtuel». 1. Fernand Léger, Fonctions de la peinture, édition présentée et annotée par Sylvie...

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