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20 Des maisons propriétaires de ceux qui les possèdent DROIT DE CITÉ POUR LE PATRIMOINE 174 C omment se portent les Country Houses? Elles ont toutes les raisons d’aller mal. À la différence des bâtiments publics, des lieux de culte et de l’architecture urbaine, elles doivent affronter la gamme complète des agressions du temps contre le bâtiment, le mobilier et le paysage; du fisc quand elles sont entre des mains privées; du public quand il est trop nombreux; des blasés qui, en tête de la hiérarchie des sensations patrimoniales, déclarent placer la des­ cente au fond d’une mine ou la visite d’un équipement aéronautique en béton. Et pourtant, déclare John Cornforth1, elles ne vont pas si mal que ça; en tout cas, beaucoup mieux qu’on aurait tendance à le croire – ou qu’on le croyait, en tout cas, dans les années 1975. Telle est l’impression qui se dégage du dernier ouvrage de celui qui, il y a un quart de siècle, posait abruptement la question : « Country houses of britain: can they survive?». Un très grand spécialiste de la question: Cornforth n’est pas seulement historien de l’art et du patrimoine, mais également membre des National Trust Commitees depuis 1965. Pour un lecteur français habitué à penser que les choses vont mieux du côté nord de la Manche, ces interrogations ne manquent pas de piquant: les destructions de la Révolution de 1789, les partages dus au Code civil, la suppression de la noblesse, l’exode massif des œuvres d’art, les ponctions fiscales, l’hostilité quasi culturelle à la fortune terrienne ne devraient concerner, de son point de vue, que les seuls châteaux français. Pourtant, ce lecteur français noircit trop le tableau de son propre pays: on compte en France 6 000 châteaux ou manoirs sur 40 000 édifices protégés, dont 1 660 sur 14 000 édifices classés. Mais ces chiffres rendent insuffi­ samment compte de la réalité: on recense pour le seul département du 1. À propos de John Cornforth, The Country Houses of England, 1948­1998, Londres, Constable, 1998, XVI­335 p. Tim Graham / Corbis Manoir à Oxfordshire, Grande-Bretagne.  [3.16.66.206] Project MUSE (2024-04-23 13:57 GMT) des MAIsons proprIétAIres de ceux QuI les possèdent 175 Maine­et­Loire (l’Anjou) 1 300 châteaux, c’est dire le nombre de ceux qu’on ne connaît pas dans l’ensemble du pays! On sait encore que des deux grandes associations de propriétaires, la Demeure historique, fondée en 1924, rassemble 3 049 adhérents et les Vieilles Maisons françaises, fondée en 1958, 17 500. Qu’aussi le marché se porte bien: chaque année, 1 000 à 1 500 châteaux sont à vendre; que le montant moyen de la transaction serait de 4 millions de francs; que le coût d’exploitation annuel reviendrait à 120 000 francs annuels. Tout n’est pas rose, néanmoins : dans le seul Maine­et­Loire, 21 châteaux du xixe siècle ont été détruits au cours des vingt dernières années – peut­on en induire un chiffre global pour les 100 départements qui composent le territoire? À quoi s’ajoutent les vols, de plus en plus nombreux, d’objets d’art, inéluctable fléau dû à la raréfaction du marché, les sorties croissantes du territoire national ainsi que la politique d’acqui­ sition des musées: ces trois phénomènes contribuent à vider les châteaux, donc à leur faire perdre une partie de leur intérêt pour les visiteurs – les touristes britanniques, on le sait, reprochent aux châteaux de la Loire d’être peu meublés: l’architecture, à juste titre, ne leur suffit pas. Mais pour corriger à nouveau ce tableau critique, observons que si les châteaux se ruinent et se démeublent, il reste encore, au ci­devant royaume de France, des châtelains. L’historien Éric Mension­Rigau les a étudiés d’un point de vue sociologique dans deux ouvrages récents: Aristocrates et grands bourgeois. Éducation, traditions, valeurs (1994) et La Vie des châteaux (1999), mais n’en est pas encore à en proposer le classement comme«trésors vivants». Preuve que l’espèce n’est pas en voie de disparition. Il n’en reste pas moins qu’un ch...

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