Temporalités sociales, temps prescrits, temps institutionnalisés

Temps de travail, implication professionnelle

Temps de travail, implication professionnelle et temporalités sociales des gestionnaires dans une société de transport québécoise Une analyse par niveau de responsabilités Françoise Grodent, Diane-Gabrielle Tremblay et Aurélie Linckens Cet article cherche à vérifier dans quelle mesure les cadres subissent une certaine porosité des temps sociaux, entre leur vie personnelle et professionnelle, mais aussi dans quelle mesure cela peut s’expliquer par leur identité professionnelle de cadre, et comment il pourrait y avoir une différenciation selon les niveaux de responsabilités. En effet, si certains auteurs se sont déjà intéressés aux temporalit és de travail des cadres (Thoemmes et Escarboutel, 2009; Bouffartigue et Bocchino, 1998; etc.), on s’est peu intéressé jusqu’ici, et surtout au Québec, à la perméabilité de leurs temps sociaux et encore moins aux différences qui pourraient exister sur ce plan à l’intérieur même du groupe des cadres. Nous nous intéressons donc ici au temps de travail, à l’implication professionnelle et aux temporalités sociales quotidiennes des cadres et, plus particulièrement, à la perméabilité ou à la porosité entre les temps de travail et les temps personnels ou familiaux, dans la suite de travaux menés antérieurement sur d’autres groupes (Tremblay, 2012a, 2012b, 2012c). Le choix de mener la recherche sur le groupe des cadres est justifié par l’analyse des résultats issus de certaines études, pour la plupart françaises, faisant état d’une relation conflictuelle et problématique entre le temps et le travail de cette catégorie socio-professionnelle. En effet, il est, par exemple, mis en évidence que les temporalités tant professionnelles que personnelles des cadres peuvent être perturbées par les réunions et les courriers électroniques. Notre objectif est donc de déterminer dans quelle mesure la profession et l’identité de cadre pourraient influer sur leur engagement professionnel et, de ce fait, sur leurs temporalités sociales, et ce, en tentant de voir s’il existe 98 Temporalités sociales, temps prescrits, temps institutionnalisés des différences en fonction de leur niveau hiérarchique. En effet, au terme de la première partie de cet article relatif à notre revue des écrits sur les cadres, nous avons voulu déterminer à quel point le degré de responsabilité joue dans le rapport observé entre le temps et le travail des gestionnaires de différents niveaux de gestion d’une société de transport que nous désignerons par l’acronyme ST. La première partie de cet article consiste en une brève revue des écrits pertinents en regard de notre thématique de recherche et destinée à identifier tant ce qui a déjà été fait que les lacunes présentes dans la littérature, mais aussi nos hypothèses de recherche. Dans un second temps, nous présentons la méthodologie utilisée. Ensuite, avec l’analyse des données, nous passerons aux résultats observés en ce qui concerne la porosité des temps, en lien avec l’engagement et l’identité au travail des cadres. Nous chercherons bien sûr aussi à confronter la recension des écrits à nos données empiriques, mais tenterons surtout de voir s’il existe des écarts en matière d’engagement au travail et de porosité ou de perméabilité des temps sociaux constatés entre les gestionnaires des trois niveaux de gestion considérés ici, et de tenter de les expliquer, le cas échéant. Enfin, nous tenterons de voir si nos grandes hypothèses de recherche se sont vérifiées. REVUE DES ÉCRITS L’identité professionnelle des cadres Selon T. Amossé et V. Delteil (2004), l’identité professionnelle des cadres est caractérisée par l’usage des technologies d’information et de communication (TIC), la prolongation de l’activité professionnelle à domicile, la possibilité de prendre des initiatives, un haut niveau de responsabilités et un rythme de travail moins contrôlé. Aussi, leur position élevée dans l’organisation les amène, dans certains cas, à devoir encadrer des personnes. Les mêmes auteurs soulignent par contre que la probabilité de gérer une équipe est plus courante en milieu de carrière, après avoir acquis une certaine expérience. On peut aussi penser qu’un poste plus élevé les incite à accepter un rythme de travail et des horaires plus difficiles, précisément pour conserver leur identité de cadre, ce que nous tenterons de v...