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CONCLUSION Un sens errant Serge Cantin Les textes qui précèdent et auxquels on m’a fait l’honneur de m’associer en m’invitant à y ajouter le mien en guise de conclusion sont tous les fruits de cette expérience à la fois pédagogique, intellectuelle, spirituelle et, par­dessus tout, humaine que constitue le programme Sens et projet de vie. Comme ma participation à ce programme ne remonte qu’à 2010, je ne pourrai en parler ici avec la même perspicacité que mes collègues qui y sont engagés depuis de nombreuses années – je pense en premier lieu à Louise Bourdages, la «mère porteuse» du programme, mais aussi à Luis Adolfo Gómez González, à Hugues Dionne et à Nicole Bouchard, qui m’ont si chaleureusement accueilli dans leur équipe. Je m’en tiendrai donc à faire ressortir certains aspects qui m’ont particulièrement frappé à la lecture des différents chapitres de ce livre, sauf à risquer quelques réflexions plus personnelles sur la problématique du sens. Sens et projet de vie 214 1. UN DÉFI AU BON SENS UNIVERSITAIRE«J’étais étonnée qu’il pût exister un tel programme qui questionne le sens de la vie et qui, de plus, fût soit relié à une institution universitaire», écrit Claude V. Lacasse. Lui fait écho Diane Auger: «On exprime ses craintes, ses inquiétudes, ses souffrances. Je n’ai jamais rien vu de tel à l’université […] L’université était­elle consciente de ce qu’elle faisait en implantant ce type de programme? Est­ce le rôle de l’université de soutenir les effets de ses enseignements?» J’avoue m’être moi­même posé de telles questions face à un programme qui, comme le souligne Nicole Bouchard, «va bien au­delà d’une formation universitaire traditionnelle». «Pour plusieurs, remarque de son côté Louise Bourdages, cela ne faisait pas sérieux… un programme pour les aînés et en plus sur la quête de sens!» Posons donc franchement la question : Cette quête de sens a­t­elle sa place à l’université, ce lieu réputé être celui du haut savoir, où, en principe, on ne devrait pas faire n’importe quoi et ne devrait pas entrer qui veut? À quoi et à qui l’université sert­elle ou devrait­elle servir aujourd’hui? Longtemps, l’université fut une sorte de club privé accessible à une infime minorité appelée à former l’élite intellectuelle, scientifique et politique de demain. Ce qu’elle n’est plus, du moins au premier chef. En effet, au cours des dernières décennies, au Québec comme un peu partout en Occident, l’université s’est passablement démocratisée, pour le meilleur comme pour le pire. Car la plus grande accessibilité aux études universitaires s’est traduite – inévitablement sans doute – par ce que l’on a coutume de qualifier de nivellement par le bas, un phénomène auquel les professeurs ont fini peu à peu par s’habituer quand ils n’y ont pas eux­mêmes contribué. Ce processus de démocratisation venait répondre aux besoins nouveaux d’un marché du travail en pleine mutation et qui requérait une main­d’œuvre qualifiée, des techniciens et des spécialistes de toutes sortes. Ainsi l’université s’est­elle vue soumise à une demande socioéconomique de plus en plus pressante et qui devait l’amener à se redéfinir fondamentalement en tant qu’institution. Contaminée peu à peu par la logique marchande et utilitaire à l’œuvre dans tous les secteurs de la vie collective1 , elle en est venue à se concevoir elle­même comme l’un des 1. Lire à ce sujet l’ouvrage de Michel Freitag, Naufrage de l’université et autres essais d’épist émologie politique, Québec, Nuit blanche éditeur; Paris, La Découverte, 1995. [18.117.153.38] Project MUSE (2024-04-19 04:32 GMT) Conclusion 215 rouages d’une immense machinerie sociétale censée travailler au bien­être de tous les individus, tout en les laissant en même temps dramatiquement seuls face à la question du sens de leur existence. D’où, en contrepartie, cette nouvelle demande adressée à l’université: une demande non plus socioéconomique mais culturelle (au sens anthropologique du terme), une demande ne relevant plus de l’adaptation à la société mais du sens à y vivre. «Nous vivons dans une société dépourvue de sens», lancent spon­ tanément certains participants. «Du coup, poursuit Hugues Dionne...

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