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6 CHAPITRE COMMUNICATION ETLÉGITIMITÉ Une analyse comparative des cas du mont Orford et de Rabaska au Québec STÉPHANIE YATES, RAYMOND HUDON ET CHRISTIAN POIRIER [3.141.24.134] Project MUSE (2024-04-24 10:17 GMT) Communication et légitimité 99 Les grands projets d’infrastructure, que l’on pense à la construction d’autoroutes ou de barrages hydroélectriques, se heurtent souvent à l’opposition des populations locales, inquiètes des impacts négatifs desdits projets sur leurs conditions de vie. Ces réactions sont souvent associées, parfois à tort (Wolsink, 2000), au syndrome du «pas dans ma cour» ou NIMBY (Not in my backyard) (Trom, 1999). Dans un tel contexte et afin de favoriser une meilleure acceptabilit é sociale des projets (Wüstenhagen et al., 2007), des professionnels de la communication sont souvent appelés en renfort afin de démystifier les initiatives et de répondre aux interrogations qu’elles suscitent. Idéalement, ces professionnels devraient être directement engagés dans le processus décisionnel en étant présents en amont des décisions, afin de favoriser une communication bidirectionnelle symétrique avec les diverses parties prenantes (Grunig et al., 2002, p. 308), soit une approche selon laquelle une organisation et ses publics dialoguent pour favoriser des changements mutuellement bénéfiques dans les idées, les attitudes et les comportements de chacun. Ainsi, une justification a posteriori des grands projets s’avère souvent insuffisante pour contrer les oppositions citoyennes qui surgissent lors de leurs phases de conceptualisation, les populations locales se revendiquant d’une «légitimité de proximité» pouvant être considérée au même titre que les légitimités «techniques» (ou scientifiques) ou de «représentation» (politique ) associées à ces projets (Jobert, 1998). Ces opposants peuvent, à leur tour, avoir recours à des professionnels de la communication (officiels ou non) pour mieux faire valoir leur point de vue, en recadrant leur discours autour d’intérêts généraux, selon le principe de la «montée en généralité» (Lolive, 1997), qui consiste en «l’adoption d’une rhétorique de justification qui se rattache à un bien commun» (Hétet et Hassenteufel, 1999, p. 100). Cette lutte entre diverses légitimités – qui se traduit souvent par une rationalité du développement économique contre une rationalité environnementale – peut donner lieu à des combats épiques, desquels sortent généralement gagnants ceux qui auront adopté une approche qui laisse rapidement place à la parole citoyenne. Dans ce chapitre, nous étudions ces dynamiques par la considération des cas du mont Orford et de Rabaska, lesquels concernent des projets d’infrastructure récemment présentés au Québec par des promoteurs privés et nécessitant plusieurs approbations gouvernementales, que ce soit au niveau municipal ou provincial, voire fédéral dans le cas de Rabaska. Les deux projets ont soulevé des inquiétudes sur le plan environnemental et, dans chaque situation, une coalition regroupant des citoyens de même que divers groupes Communication et grands projets 100 d’intérêt a vu le jour pour s’opposer au projet1 . Le cas du mont Orford s’est soldé par la victoire des opposants, tandis que l’on peut considérer que ce sont les promoteurs de Rabaska qui ont remporté la bataille de l’opinion publique. Notre analyse repose sur une revue de presse exhaustive, sur une recherche documentaire de même que sur la réalisation de douze entretiens effectués avec les principaux protagonistes associés aux projets2 . 1 LE CAS DU MONT ORFORD Notre premier cas est le projet du mont Orford, en vertu duquel la compagnie Intermont propose, en 2002, de construire un village piétonnier au bas du centre de ski situé à l’intérieur du Parc national du Mont-Orford. Craignant que ce projet immobilier dénature le parc national, des citoyens de la région réagissent rapidement en mettant sur pied la coalition SOS Orford. Ces citoyens réussissent à sensibiliser à leur cause divers groupes environnementaux, syndicats et personnalités publiques. Le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) se montre soucieux de cette opposition et recommande, à l’issue d’audiences tenues à la fin 2004 et au début 2005, que le promoteur revoie son projet afin de mieux répondre aux attentes de la population3 . Dans les mois qui suivent, l’opposition se fait latente, en attente de la nouvelle mouture du projet. Or, début 2006, le nouveau ministre du Développement durable et...

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