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c h A p i t r e 4 l’enjeu éthique et prAgmAtique de lA communicAtion La teneur des règles que nous sommes moralement appelés à suivre doit en un certain sens intégrer beaucoup d’autres visions du monde que la nôtre propre. Jean-Marc FERRY, De l’élection de valeurs à l’adoption de normes, 1998, p. 149. 100 Éthique de la communication appliquée aux relations publiques La communication suppose de toute évidence la mise en commun de quelque chose. Et nous oscillons, en cette matière, entre différents modèles: soit le modèle représentatif, modèle cartésien de la causalité linéaire faisant du sujet et de l’objet deux instances extérieures l’une à l’autre: «La réalité est objective et universelle, extérieure au sujet qui la représente» (Sfez, 2004, p. 348); soit le modèle expressif hérité de Spinoza qui postule que le monde est en nous en même temps que nous sommes en lui: «La communication est l’insertion d’un sujet complexe dans un environnement complexe. Le sujet fait partie de l’environnement et l’environnement fait partie du sujet… le sujet demeure mais il a épousé le monde» (Sfez, 2004, p. 344). Ainsi le sujet parlant devra-t-il faire les bons énoncés, occuper la juste place de façon à faire de bonnes rencontres avec ce monde englobant. Une troisième définition de la communication qui ne soit plus ni représentative, ni expressive repose, sur l’idée d’une confusion généralisée. C’est le « tautisme » en quoi consiste le fait de la disparition du message, des sujets émetteurs et récepteurs, de la suppression de la réalité objective du monde et donc, par extension, de la réalité interactive des individus. Ces trois modèles sont problématiques, souligne Sfez, qui invite à penser la communication sous la forme d’une politique du commentaire plus propice à l’élaboration d’une éthique de la communication. Le langage, et ce qui est mis en acte par les interlocuteurs, s’inscrit, tout bien considéré, dans un certain horizon de sens et de vie: «Chaque groupe social se distingue par ses manières de vivre, de penser, de manger , en référence avec ce qu’il croit savoir de ses propres traditions, même à vouloir y échapper» (Sfez, 2004, p. 345). L’intercompréhension s’effectue ainsi par la mise en commun de codes culturels : « Tomber d’accord c’est en effet tomber sur une entente minimale qui préserve et fortifie une liaison possible» (Sfez, 2004, p. 346). La parole, pour être comprise, exige un contexte qui ne soit pas seulement un ajout, mais qui soit constitutif de la signification. Le lexique et la grammaire sont une chose; le sens n’en est pas directement issu. Il varie selon la situation, l’arrière-plan, l’intentionnalit é (Sfez, 2004, p. 345). Les mots et les phrases délivrent un sens, certes, mais celui-ci les déborde ou les excède largement selon l’ensemble des actes illocutoires de la personne qui parle. Comme dans la phrase « Tu es fou d’avoir bravé cette tempête pour venir me rejoindre». Ou dans l’énoncé suivant de George Sand, évoquant son séjour au couvent: [3.144.17.45] Project MUSE (2024-04-24 07:46 GMT) Chapitre 4 v L’enjeu éthique et pragmatique de la communication 101«Allons, me disait-elle en m’ouvrant sa porte, que je grattais d’une certaine façon pour me faire admettre, voilà encore mon tourment!» C’était sa formule habituelle, et le ton dont elle la disait était si bon, si accueillant, son sourire était si tendre et son regard si doux, que je me trouvai parfaitement encouragée à y entrer (Sand, 2004, p. 915). Rien de très enviable dans le fait d’être pour autrui un véritable tourment et de l’être joyeusement! Comment peut-on, au-delà ou en deçà des mots, en comprendre véritablement le sens? C’est dire l’écart ou le déphasage qui peut toujours exister, et qui existe la plupart du temps, entre ce que la personne veut dire et ce que l’énoncé pris dans son sens strict indique. Le problème soulevé ici est celui des références implicites qui sollicitent un travail interprétatif supplémentaire de la part de l’interlocuteur...

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