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6. Les relations publiques et l'éthique de la confiance
- Presses de l'Université du Québec
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c h A p i t r e 6 les relAtions publiques et l’éthique de lA confiAnce Certes, l’homme a, en de nombreuses situations, le choix d’accorder ou non sa confiance à divers égards. Mais, s’il ne faisait pas confiance de manière courante, il n’arriverait pas à quitter son lit le matin. Une angoisse indéterminée, une répulsion paralysante l’assailliraient. Niklas LUHMANN, La confiance: un mécanisme de réduction de la complexité sociale, 2006, p. 1. 192 Éthique de la communication appliquée aux relations publiques Toute société se disloquerait sans la confiance fondamentale que nous avons les uns envers les autres. C’est qu’une large part de notre vie relationnelle échappe au savoir assuré et démontrable. La confiance, acte de foi devant l’imprévisible conduite des autres, promet la pérennit é des relations que le calcul rationnel ne saurait à lui seul assurer (Simmel, 1999). Aussi est-elle partout agissante dans les relations interindividuelles , dans les familles, dans les organisations et dans les grands systèmes abstraits. Nous misons sur elle en politique, en économie, en droit, en gestion et dans les relations internationales. Elle a d’ailleurs ses domaines d’application et concerne aussi bien les personnes, les choses, les systèmes, les institutions ou les organisations. Rapport d’ouverture avant tout, fondement de tout pacte social, elle est essentielle à la régulation sociale. Ce phénomène reste pourtant difficile à approcher dans ses fondements épistémologiques et dans ses conditions pratiques. 1. le renouveau épistémologiQue et éthiQue de la confiance À en juger par le foisonnement des études savantes sur le phénomène de la confiance, nous assistons aujourd’hui à un renouveau éthique et épistémologique d’un concept étonnamment fédérateur. La juste compr éhension de ce phénomène complexe, hétérogène et parfois même ambigu appelle des regards croisés et des efforts de compréhension interdisciplinaires de ce que nous sentons intuitivement comme force ou principe de reliance entre les individus et entre l’individu et la société. Philosophes, psychologues, sociologues et économistes l’éclairent aujourd ’hui d’un jour nouveau1. Plusieurs raisons militent en faveur de cet intérêt accru pour ce phénomène devenu central, six raisons (ou motifs) en fait si on en croit Christian Thuderoz (2003). La première de ces raisons réfère à la régulation de la complexité sociale et de l’incertitude telle qu’elle est affirmée par Luhmann. Ce dernier soutient dans son explication de la confiance que les sociétés modernes sont composées de plusieurs systèmes sociaux partiels, fragmentés bien qu’interdépendants . Nous évoluons aujourd’hui dans un monde ouvert mais immens ément compliqué et difficile à comprendre. Il est donc nécessaire, pour 1. Signalons les théories et les recherches de Luhmann (2006a) ; Gildas (2000) ; Mangematin et Thuderoz (2003); Quéré (2001); Ogien et Quéré (2006). Il faut aussi souligner l’apport de Jan Philip Reemtsma qui présente dans Confiance et violence (2011) une analyse pointue, non seulement du phénomène en tant que tel, mais aussi du rapport moderne qu’entretiennent ensemble la modernité, la violence et la confiance. [3.235.31.34] Project MUSE (2024-03-28 09:05 GMT) Chapitre 6 v Les relations publiques et l’éthique de la confiance 193 gérer l’information et prendre des décisions, de pouvoir s’en remettre (en toute confiance) aux autres: «La confiance devient alors un mode efficient de coordination des individus et de leurs actions» (Thuderoz, 2003, p. 25). La deuxième raison qui explique l’importance de la confiance aujourd’hui renvoie à l’emprise ou l’intrusion des systèmes abstraits. Simmel insistera lourdement sur ce trait de la modernité. Les relations de proximité rivalisent avec des réseaux distendus dans lesquels les partenaires de l’interaction sont plus ou moins visibles et directement accessibles et dont les rouages internes sont plus ou moins compris, voire compréhensibles. Thuderoz explique aussi le fort accent mis sur la confiance, troisi ème raison, par le souci de soi adossé à l’altérité vécue comme un risque. Un dilemme embarrassant fait intervenir la confiance: soit se méfier de l’autre, car celui-ci est potentiellement porteur d’une menace, ce qui prive des bénéfices de sa collaboration; soit se fier à lui car il partage un même avenir...