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Universités nouvelles, technique et technologie (France: 1968-2010) 7 Yves-Claude Lequin et Pierre Lamard Historiquement, l’université française s’est constituée sans technique, plus précisément hors de la technique associée à la production matérielle , reproduisant ainsi pendant très longtemps le clivage de l’université médiévale qui excluait les «arts mécaniques». Pour l’essentiel, l’enseignement supérieur français en est encore là dans les années 1950, schématiquement écartelé entre quatre pôles: des universités sans technique, des écoles d’ingénieurs sans recherche ni sciences sociales, de grands centres publics de recherche technique qui n’enseignent pas et des entreprises qui investissent relativement peu dans la recherche et ayant peu de coopération avec l’enseignement supérieur. La France reste rétive à l’étude scientifique de la technique et à son approche «humaniste», et son action innovatrice reste faible. Or l’industrialisation se développe à grande vitesse après 1953, suscitant d’énormes besoins de main-d’œuvre qualifiée, à tous les niveaux et sur des créneaux nouveaux, ainsi que des besoins considérables en connaissance . Autour de 1968: prolifération d’universités nouvelles (1965-1974) En 1896, après un siècle d’absence, les universités françaises avaient été recréées en dix-sept villes, universités fédérant des facultés distinctes plutôt que facilitant les échanges pluridisciplinaires . La recherche y est réduite. Hors quelques ajustements, elles constituent encore la trame universitaire française au début des années 1960 . Quelques instituts ont été développés depuis la fin du xix e siècle, ou à la suite du décret du 31 juillet 1920, fortifiant la recherche à proximité des facultés (de sciences 112 Chapitre 7 notamment)1 ; des écoles d’ingénieurs publiques leur ont été associées depuis le décret du 16 janvier 1947 créant des ENSI (écoles nationales supérieures d’ingénieurs), mais celles-ci pèsent peu par rapport aux grandes écoles historiques et aux nombreuses écoles privées d’ingénieurs (plus de 80 dans les années 1950); l’INSA de Lyon, grande innovation de 1957, n’a pas encore essaimé, contrairement aux prévisions. Cependant les besoins ne cessent de croître, tant du fait de l’évolution culturelle de la population (notamment depuis le Front populaire et la Libération), que du baby-boom (démarré vers 1943), et surtout de la mutation économique où la France s’engage au cours des années 1950, devenant – tardivement mais très rapidement – une puissance industrielle. La question de l’essor du technique passe au premier plan, après des siècles de marginalisation . On quadruple les universités en dix ans Étapes En 1958, lorsque débute la Ve République, la France compte toujours sur ses 17 universités; elle perd bientôt celle d’Alger2 , en 1962, du fait de l’ind épendance algérienne. Au même moment, de nouveaux établissements sontcréésenrégionparisiennepourdécongestionnerl’UniversitédeParis: Jussieu en 1959; Nanterre, à l’ouest, en 1964; Orsay, au sud, créé en 1955 et reconnu comme faculté en 1965 . Un collège universitaire est annoncé en 1960 à Villetaneuse, mais sa création réelle, soumise à de nombreux changements politiques, prendra plus de dix ans3 . D’autres universités sont ouvertes: Nantes, Orléans et Reims, en 1961, pour soulager l’Académie de Paris, puis, en 1964, celles d’Amiens et Rouen et, en 1965, Limoges et Nice; la France compte dès lors 23 académies coïncidant en gros avec les Régions nouvellement constituées4 . Soit un tiers d’universités de plus par rapport à 1896 . 1. André Grelon, «Les universités et la formation des ingénieurs en France (1870-1914)», Formation-Emploi, nos 27-28, 1989, p. 65-88. 2. L’Algérie est un département français jusqu’en 1963; en 1944, l’Université d’Alger a abrité l’Université de la France Libre, dirigée par Henri Laugier, ex-codirecteur du CNRS de 1939 . 3. Yves-Claude Lequin et Pierre Lamard, « Paris-Nord, de Villetaneuse à Compiègne (1944-1972)», dans Actes du colloque Paris 13: l’université en banlieue (1970-2010). À paraître . 4. Jacques Minot, Histoire des universités françaises, Paris, Presses universitaires de France, coll. «Que sais-je?», 1991. [3.145.166.7] Project MUSE (2024-04-23 09:01 GMT) Universit...

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