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En décembre 2011, après le retrait officiel des soldats américains du territoire irakien à l’issue d’une guerre qui a duré près de neuf ans, le président Obama déclare que cette intervention, voulue et orchestrée par son prédécesseur, constitue un « succès », car l’armée américaine laisse derrière elle un pays « souverain et stable1». Une telle appréciation de la situation contraste avec les évolutions observables sur le terrain. Depuis 2010, l’Irak traverse crise après crise et l’impasse politique semble insurmontable . Surtout, les conflits aux accents et ramifications multiples qui traversent la société irakienne sont loin d’être 1. Chris McGreal, « Barack Obama declares Iraq war a success », The Guardian, 14 décembre 2011. introDuction LE TERRoRISTE ET L’InSuRgé Des cibles floues dans une lutte sans vainqueurs Aurélie Campana et Gérard Hervouet Terrorisme et insurrection 2 apaisés2 . La violence, terroriste en particulier, continue de marquer le quotidien de nombreux Irakiens, renforçant le climat d’incertitude et exacerbant les antagonismes, confessionnels entre autres. Si l’adoption de méthodes contre-insurrectionnelles a permis de faire diminuer le niveau de violence à compter de 2008, ces dernières n’ont pas produit de stabilité durable. L’intervention américaine a attisé d’anciennes querelles, engendré de nouveaux clivages, tout en créant des conditions propices à la pénétration d’acteurs initialement extérieurs au conflit, à l’image de ces groupes jihadistes dont al-Qaida en Irak, même très affaiblie, représente l’archétype depuis 2004. La notion de « succès » est ainsi privilégiée par l’administration américaine, qui ne peut décemment proclamer une victoire qu’elle n’a ni acquise sur le terrain militaire, ni réellement concrétisée sur le plan politique . Au-delà de la spécificité du contexte irakien, on ne peut que constater les difficultés multiformes auxquelles font face les États engagés dans des guerres irrégulières. Quelle que soit la nature de leur régime (démocratique ou non), tous peinent à sortir de ces conflits qui, enracinés dans la durée, se transforment au fil du temps. Or, comme de nombreux auteurs le constatent, les guerres internes ou civiles, caractérisées entre autres par une asymétrie des forces, constituent depuis 1991 la forme dominante de conflits3 . Si elles ne sont en rien nouvelles, ni dans leur forme ni dans leur déroulement4 , elles n’en ont pas moins connu un certain nombre d’évolutions, qui modifient tant la nature des interactions stratégiques entre les parties que les réponses formulées par les États qui y sont engagés. Ainsi, comme l’illustrent les cas irakien et afghan, mais aussi nord-caucasien, somalien, pakistanais, indien, l’articulation de dimensions locales, régionales et transnationales pèse plus lourdement qu’auparavant sur les dynamiques conflictuelles. La sophistication des moyens de communication permet une internationalisation des conflits, déjà encourag ée par la présence sur le terrain de combattants étrangers ou par les relations entretenues avec des groupes ou des États aux motivations quelquefois divergentes. Ces conflits sont, de plus, marqués par une fragmentation de la scène insurgée et une fluctuation des alliances. Enfin, 2. Anthony H. Cordesman, Iraq: Patterns of Violence, Casualty Trends and Emerging Security Threats, Center for Strategic and International Studies, 9 février 2011, , consulté le 14 juillet 2011. 3. Joseph Hewitt, « Trends in global conflict, 1946-2007 », dans Joseph Hewitt, Jonathan Wilkenfeld et Ted Robert Gurr, Peace and Conflict 2010, Boulder, Paradigm Publishers, 2010, p. 27-32. 4. Edward Newman, « The “New Wars” debate : A historical perspective needed », Security Dialogue, no 35, 2004, p. 173-189. [18.220.106.241] Project MUSE (2024-04-23 08:03 GMT) Le terroriste et l’insurgé 3 l’interpénétration des groupes insurgés avec des organisations criminelles vient opacifier les dynamiques conflictuelles et complexifier l’identification des motivations qui guident les différents acteurs en conflit. Dans ces contextes marqués par une extrême fluidité, la notion de«victoire» se révèle donc d’une application malaisée. D’ailleurs, dans le sillage des expériences américaines et internationales en Irak et en Afghanistan, elle tend à être écartée des discours de nombreux responsables politiques et militaires. Les militaires se voient désormais intimer l’ordre non plus de mener le pays...

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